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Le Délégué général Wallonie-Bruxelles au Vietnam, Pierre Du Ville, lors de son entretien exclusif avec Le Courrier du Vietnam. |
Photo : WB/CVN |
Depuis une trentaine d’années, la Délégation générale Wallonie-Bruxelles entretient des liens très forts avec le Vietnam, marqués par le grand nombre de leurs programmes de coopération. Pourriez-vous passer en revue les résultats les plus remarquables de ces années de collaboration fructueuse, surtout pour la période 2022-2024 ?
L’année prochaine, nous célébrerons les 30 ans de la présence de la Délégation générale Wallonie-Bruxelles au Vietnam. Ce sera une excellente occasion de faire le bilan de ces trois décennies de partenariat, celui-ci ayant même débuté un peu plus tôt, puisqu’il a déjà 32 ans cette année. Nous pouvons dire que nous avons parcouru un long chemin depuis.
Nous avons tenu 12 commissions mixtes permanentes et soutenu plus de 800 projets de coopération dans des domaines très variés. À l’origine, la collaboration était centrée principalement sur la culture et les échanges académiques entre universités, mais elle couvre aujourd’hui une multitude de thématiques alignées sur les priorités politiques de nos deux pays. Parmi celles-ci figurent l’agriculture durable, la lutte contre le réchauffement climatique, la protection de l’environnement et la gestion des ressources naturelles. Ces enjeux ont émergé au fil des années, devenant des priorités partagées.
Si je devais mettre en avant un projet emblématique, ce serait la mise en place d’un réseau de médecine de famille au Vietnam. Nous avons mené de nombreux projets de santé, avec un accent particulier sur le renforcement des soins de première ligne. Ce programme de coopération en médecine de famille me semble l’un des acquis les plus significatifs, à la fois concret et à fort impact.
Il concerne en effet l’ensemble du territoire vietnamien, car toutes les universités de médecine et de pharmacie du pays y participent. Il touche potentiellement l’ensemble de la population, ce qui est d’autant plus crucial aujourd’hui, à la lumière de l’importance grandissante de la santé, surtout après la pandémie de COVID-19. Cette crise sanitaire a mis en évidence la nécessité d’une coopération internationale pour relever ces défis mondiaux.
Parmi nos grandes réussites, je dirais que nous avons traditionnellement un point fort en matière de francophonie et de promotion de la langue française. Lors des dernières programmations, plusieurs projets ont été mis en œuvre pour améliorer les qualifications professionnelles des enseignants de français, ainsi que des traducteurs et interprètes. Nous avions également un projet avec Le Courrier du Vietnam, malheureusement non renouvelé pour la période 2025-2027, qui permettait à ses journalistes ainsi qu’à ceux de l’Agence Vietnamienne d’Information (société mère du Courrier du Vietnam) de renforcer leurs compétences et d’échanger de bonnes pratiques avec des collègues de la Radio-télévision belge de la Communauté française (RTBF), de l’Agence de presse Belga et de l’Université libre de Bruxelles (ULB).
J’ai aussi évoqué l’agriculture durable, une thématique qui me tient particulièrement à cœur. Nous menons des projets décentralisés, souvent dans le Centre et le Sud du Vietnam, où les opportunités de coopération internationale sont plus rares. C’est le cas notamment de la ville de Phan Thiêt (chef-lieu de la province Binh Thuân) et de la province de Trà Vinh, avec lesquelles nous avons mis en place deux projets en agriculture, ainsi que des initiatives sur la qualité nutritionnelle des nids de salanganes et le renforcement des chaînes de valeur agricoles. Ces projets concernent des universités plus petites, pour lesquelles l’internationalisation est souvent plus complexe que pour les grands établissements situés à Hanoï ou à Hô Chi Minh-Ville.
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Photo : CTV/CVN |
La question de l’aquaculture à Cân Tho (delta du Mékong) est également une thématique au centre de nos préoccupations.
En ce qui concerne les acquis réalisés ces trois dernières décennies, je suis également satisfait des résultats obtenus dans le secteur de l’éducation. L’un de nos objectifs majeurs, que nous avons atteint et dont nous sommes particulièrement fiers, est l’amélioration de la mobilité non seulement des étudiants mais aussi des professeurs et chercheurs, en facilitant leur déplacement vers la Belgique.
D’ailleurs, lors de la prochaine visite d’État, nous aurons l’occasion de rencontrer un grand nombre de nos anciens boursiers, qui se comptent par milliers. Nous en sommes vraiment très fiers. Grâce à nos projets de coopération, nous continuerons également à attribuer des bourses dans le cadre des initiatives que nous menons. C’est l’un des outils de coopération les plus importants.
De plus, nos collègues de l’Académie de recherche et d’enseignement supérieur (ARES) accordent aussi un grand nombre de bourses à des étudiants, professeurs, chercheurs et doctorants. Je sais que le ministère de l’Éducation et de la Formation du Vietnam cherche à promouvoir les études doctorales à l’étranger, et nous sommes donc ravis de pouvoir offrir ces opportunités aux Vietnamiens.
Quels sont selon vous les projets phares de cette dernière période ?
Comme lors des précédentes programmations, la santé a été au cœur de nos priorités, avec des projets en médecine de famille ainsi que le renforcement des capacités des kinésithérapeutes, des pharmaciens et de toutes les disciplines liées aux soins de première ligne.
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Photo : WB/CVN |
Nous avons également mis un accent particulier sur la santé mentale des enfants, un thème qui sera mis en lumière lors de la visite d’État. Cette thématique fait l’objet d’un projet qui comprend la supervision clinique actuellement réalisée à l’Hôpital national de pédiatrie à Hanoï, ainsi que d’un autre visant à renforcer les compétences des psychologues et pédopsychiatres, en collaboration avec l’Hôpital central de Huê. La question de la santé mentale des enfants est devenue une priorité au fil du temps. Bien qu’elle ait parfois été sous-diagnostiquée, elle occupe aujourd’hui une place importante dans les politiques publiques de santé, car elle représente une réalité incontournable.
Parmi les autres projets, celui qui me tient particulièrement à cœur dans le domaine de la culture est l’adaptation d’une pièce de théâtre par le Théâtre de la Jeunesse du Vietnam en collaboration avec le Théâtre des 4 Mains de Belgique. Cette œuvre, intitulée J’ai enlevé Mamie, écrite par l’auteur belge Jérôme Poncin, est une véritable coproduction belgo-vietnamienne. Elle utilise la technique de la marionnette, très populaire au Vietnam, et c’est précisément cette marionnette qui incarne le personnage principal de l’histoire. J’ai eu le privilège d’assister à l’avant-première et j’ai été particulièrement touché par le thème abordé : la prise en charge des personnes âgées dans notre société moderne, un sujet qui met en lumière les différences culturelles entre les approches européennes et asiatiques. Ce projet m’a vraiment marqué.
Un autre projet que je voudrais souligner est celui lié à la forte dynamique de construction. Le Vietnam connaît un véritable essor, avec l’apparition de nombreux nouveaux bâtiments, notamment des gratte-ciels et de nouvelles infrastructures.
Cela soulève la question du traitement des déchets de chantier. Nous avons mis en place un projet spécifique visant à instaurer une filière de recyclage et de valorisation de ces déchets de construction. Il existe un grand potentiel dans ce domaine, car le pays produit une quantité importante de débris liés à ses nombreux travaux en cours. Je pense qu’il y a un véritable intérêt pour cette thématique.
Pourriez-vous nous informer des grands axes pour la programmation de travail 2025-2027 ?
Nous continuerons à accorder une attention particulière à la santé, notamment à la santé mentale des enfants. La promotion de la langue française et de la francophonie demeurera également une priorité, tout comme les questions de droit international, en particulier le droit de la mer.
En outre, nous mettrons l’accent sur la valorisation des métiers de la culture. La lutte contre les changements climatiques sera aussi un axe majeur.
Les métiers de la logistique, cruciaux dans un pays au développement économique rapide comme le Vietnam, feront également l’objet d’une attention particulière. Il est essentiel de former des ressources humaines qualifiées dans ce domaine. Ce projet impliquera des partenariats avec des universités, comme celles de Liège et de Dà Nang, ainsi qu’avec des entreprises, notamment un pôle de compétitivité en Belgique, Logistics in Wallonia. Cela permettra de lier le secteur académique et privé, avec des équivalents vietnamiens, car la logistique est une filière clé pour l’économie nationale, où de nombreuses entreprises recherchent cette expertise.
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Photo : VNA/CVN |
Enfin, nous poursuivrons notre travail sur l’aquaculture, avec un focus sur la mise en place de filières durables, moins dépendantes des antibiotiques notamment. Cela est particulièrement pertinent dans le contexte du Vietnam, qui souhaite exporter ses produits, souvent de très bonne qualité, répondant aux normes sanitaires strictes de l’Union européenne.
Bien que la coopération soit principalement interuniversitaire dans ces domaines, l’objectif est que les résultats des projets soient, dans la mesure du possible, valorisés par le secteur privé. Un exemple concret est le projet visant à améliorer la qualité nutritionnelle des nids d’hirondelles, réalisé par une université en collaboration étroite avec des producteurs locaux, qui illustre une coopération fructueuse avec le secteur privé.
Comment envisagez-vous de nouvelles perspectives de la coopération Vietnam - Wallonie-Bruxelles au sein de la Francophonie ?
Nous comptons nous intégrer activement, à partir de cette année, dans la dynamique qui se mettra progressivement en place en vue du Sommet de la Francophonie prévu l’année prochaine au Cambodge, dans la région de l’Asie du Sud-Est. Nous sommes déjà étroitement associés aux activités de la Représentation régionale pour l’Asie-Pacifique de l’OIF, basée à Hanoï. Actuellement, comme vous le savez peut-être, la Délégation générale Wallonie-Bruxelles au Vietnam assure la présidence du Groupe des ambassades, délégations et institutions francophones (GADIF) à Hanoï. Ainsi, nous continuerons bien sûr à suivre de près et à coordonner toutes les activités francophones au Vietnam.
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M. Du Ville octroie le 3e prix, décerné par la Délégation générale Wallonie-Bruxelles au Vietnam, aux lauréates de la 9e édition du concours “Jeunes Reporters Francophones”, lors de la cérémonie de remise des prix organisée par Le Courrier du Vietnam en novembre dernier. |
Photo : VNA/CVN |
Parallèlement, nous poursuivrons notre soutien à tous les autres acteurs intéressés. Je pense notamment au Courrier du Vietnam, que nous continuerons de l’accompagner avec enthousiasme en tant que sponsor et membre du jury du concours annuel “Jeunes Reporters Francophones”, qui fêtera sa 10e édition cette année.
Nous aiderons également d’autres initiatives, menées par des filières, établissements scolaires et universitaires francophones et autres acteurs, dans cette dynamique visant à promouvoir la langue française et la diversité culturelle de la Francophonie, à l’approche de ce Sommet important l’année prochaine.
Propos recueillis par Hông Anh/CVN