Économie
Hô Chi Minh-Ville mise sur les transports collectifs pour réinventer l’espace métropolitain

La fusion de Hô Chi Minh-Ville, de Binh Duong et de Bà Ria-Vung Tàu ne se réduit pas à une simple réorganisation administrative.

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La combinaison d’un centre de services et de finance, d’une capitale industrielle et d’une porte maritime internationale ouvre la perspective d’un pôle de croissance intégré, doté d’une compétitivité hors pair.

Le réseau de métro ouvre de nouveaux espaces pour l’économie de Hô Chi Minh-Ville.

Un socle pour le TOD

Mais cette dynamique entraîne une pression croissante sur les infrastructures, le logement et les services publics. Sans une vision urbanistique forte et un cadre institutionnel adapté, la méga-métropole risque de devenir un colosse incontrôlable, aggravant les problèmes existants au lieu de les résoudre.

Dans ce contexte, le modèle de développement urbain axé sur les transports collectifs (Transit Oriented Development – TOD) apparaît comme l’ossature de la transformation. La fusion des territoires rend caducs les plans fragmentés d’hier, tout en offrant une opportunité historique : bâtir un réseau ferroviaire métropolitain entièrement nouveau de près de 1.000 km.

Ce projet n’est pas une addition de lignes anciennes, mais une véritable stratégie d’aménagement spatial, avec un métro qui ne se limite plus au centre mais se déploie vers les périphéries et au-delà, reliant de manière cohérente l’ensemble de la région. Le prolongement de la ligne 1 vers Binh Duong, la liaison Thu Thiêm - Long Thành ou encore la ligne Hô Chi Minh-Ville - Cân Gio (jusqu’à Vung Tàu) sont les premières pièces de ce puzzle structurant.

Ce réseau formera la base d’un TOD de grande envergure, à l’image de Tokyo ou de Séoul. Chaque station deviendra non seulement un point de transit, mais aussi le cœur d’un pôle urbain actif, riche en services et en emplois.

Ainsi, le ferroviaire deviendra l’outil d’une nouvelle organisation spatiale, favorisant un développement équilibré et réduisant la surcharge du centre. Mais pour concrétiser cette vision, la ville doit résoudre trois blocages politiques majeurs, encore plus complexes à l’échelle régionale.

Repenser l’espace urbain

Hô Chi Minh-Ville prévoit de développer des centres commerciaux et de services de haute qualité associés au TOD.

Le premier défi est foncier. Le recours à l’expropriation classique pour constituer de vastes réserves foncières révèle ses limites : lenteur, coûts exorbitants, tensions sociales. De nombreux pays ont opté pour un instrument plus souple et efficace : le «réajustement foncier» (land readjustment).

Ce mécanisme associe État et habitants pour redessiner les espaces, en partageant les plus-values créées par les infrastructures. Les citoyens deviennent partenaires du projet, non victimes de l’expropriation. Bien que cette approche n’ait pas encore de cadre légal explicite dans la Loi foncière 2024, sa mise à l’essai est urgente pour accélérer les projets et réduire les conflits.

Le deuxième enjeu, crucial, est financier. Le budget public ne saurait porter seul des investissements de plusieurs centaines de milliers de milliards de dôngs, alors que ces projets génèrent d’énormes profits immobiliers privés. Sans mécanisme efficace de «captation de la valeur foncière» (land value capture), ces bénéfices resteront entre les mains de quelques propriétaires, tandis que la collectivité assumera les coûts.

Les récentes avancées juridiques, notamment la Résolution 98/2023/QH15 et la Résolution 188/2025/QH15, donnent toutefois à Hô Chi Minh-Ville de puissants leviers.

La ville peut désormais mobiliser des fonds publics pour indemniser et reloger, créant ainsi des terrains propres autour des stations de métro et des grands carrefours, avant de les valoriser par adjudication pour attirer les capitaux privés.

En outre, 100 % des recettes issues de la revalorisation foncière dans les zones TOD seront réinjectées dans le réseau de métro. Ce cycle vertueux garantit un financement durable, limitant la dépendance vis-à-vis du budget public.

Le troisième défi est social. L’expérience internationale démontre que la requalification urbaine engendre souvent la « gentrification » : la hausse des prix immobiliers chasse les ménages modestes de leurs quartiers historiques.

À l’échelle d’une méga-métropole, ce risque accentue les fractures spatiales. Pour l’éviter, les politiques de logement inclusif doivent accompagner tout projet TOD.

La Loi sur le logement 2023 et ses textes d’application offrent déjà aux autorités locales la possibilité d’imposer une contribution réelle des promoteurs au logement social, via la mise à disposition de terrains, des échanges ou des financements. L’application stricte de cette règle est essentielle pour que les bénéfices du développement soient équitablement répartis, et non captés par une minorité.

Pour transformer cette opportunité historique en véritable levier de reconstruction urbaine, Hô Chi Minh-Ville doit d’abord bâtir les fondations institutionnelles – un travail discret mais décisif. Plutôt que de disperser ses moyens, la ville devrait lancer un projet pilote stratégique situé à l’ancienne frontière administrative, par exemple la zone reliant Thu Duc et Dĩ An le long de la ligne de métro n°1.

Ce secteur réunit toutes les conditions pour devenir un «laboratoire de politiques», où expérimenter et perfectionner l’ensemble des outils : réajustement foncier, captation de la valeur foncière et logement inclusif.

Texte et photos : Quang Châu/CVN

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