Vietnam - France : de nouvelles opportunités de coopération pour l'avenir

À l’occasion de la Fête nationale française (14 juillet), l’ambassadeur de France au Vietnam, Olivier Brochet, a accordé une interview exclusive au Courrier du Vietnam. Il met en exergue les relations entre les deux pays actuellement au beau fixe, la coopération sportive et éducative ainsi que ses priorités depuis son entrée en fonction au Vietnam.

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L'ambassadeur de France au Vietnam, Olivier Brochet. Photo : AF/CVN

Le Vietnam et la France sont liés par des relations diplomatiques nouées depuis 51 ans et un partenariat stratégique depuis 11 ans. Comment évaluez-vous les résultats déjà acquis et quelles sont les orientations futures de la coopération bilatérale ?

L’année 2024 marque en effet le 51e anniversaire des relations diplomatiques entre la France et le Vietnam, établies le 12 avril 1973. Depuis plus d’un demi-siècle, nos deux pays n’ont fait qu’approfondir et renforcer les différents volets de leur coopération bilatérale.

Le Premier ministre Pham Minh Chinh et l’ambassadeur de France au Vietnam, Olivier Brochet (gauche), le 4 avril à Hanoï . 
Photo : VNA/CVN

La France a été l’un des premiers pays occidentaux à soutenir la politique de réforme du Vietnam dès le début des années 90, en accompagnant l’ouverture du pays et en y déployant une forte coopération dans tous les domaines. L’Agence française de développement, qui fête son 30e anniversaire au Vietnam cette année, a apporté trois milliards d’euros d’aide au développement et elle se consacre désormais principalement à l’accompagnement dans la lutte contre le changement climatique et pour la transition énergétique.

Depuis 30 ans, les étudiants vietnamiens sont aussi parmi les premiers bénéficiaires des bourses pour étudier en France (1,5 million d’euros cette année) et des dizaines de milliers y ont fait leurs études ou s’y sont perfectionnés, comme les 3.000 médecins accueillis en internat. Les coopérations universitaires et scientifiques se comptent par dizaines, appuyées par les plus grandes institutions de nos deux pays.

Savez-vous qu’il existe une quarantaine de co-diplômes franco-vietnamiens accessibles dans les universités vietnamiennes ainsi que trois universités ou programme franco-vietnamiens de premier rang international (l’Université des sciences et technologies de Hanoï (USTH) pour les études scientifiques et d’ingénieur, le Programme de formation d'excellents ingénieurs au Vietnam (PFIEV) pour les ingénieurs et le Centre franco-vietnamien de formation à la gestion (CFVG) qui délivre un quart des MBA (mastère d'administration des affaires) du Vietnam) ? Elles sont autant de succès et de ferments pour faire vivre notre amitié et notre volonté de travailler encore plus ensemble demain.

Le président de la République française Emmanuel Macron et le secrétaire général du Parti communiste du Vietnam, Nguyên Phu Trong, se sont entretenus le 20 octobre 2023 et ils ont décidé d’intensifier notre partenariat stratégique autour de trois priorités : l’appui à la souveraineté du Vietnam, le soutien à ses efforts pour un développement durable et pour affronter les défis globaux du changement climatique et de la perte de la biodiversité, et le développement par l’innovation. Il faut pour cela intensifier les échanges entre nos deux peuples. Nos deux pays partagent en effet de nombreux intérêts. Ils se comprennent et s’apprécient. La France, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, attachée au respect du Droit international et engagée pour que les peuples n’aient pas à choisir entre leur développement et la préservation de notre planète, veut travailler encore davantage avec le Vietnam.

L'ambassadeur de France au Vietnam, Olivier Brochet, rencontre une athlète de tir à l'arc. 
Photo : CTV/CVN

Seize athlètes vietnamiens participeront aux Jeux olympiques de Paris 2024 qui approchent à grands pas. Les liens franco-vietnamiens restent diversifiés dans différents secteurs, mais pas encore dans le sport. Grande puissance dans ce domaine, la France envisage-t-elle de partager son expertise avec le Vietnam en vue d’une coopération éventuelle en la matière ?

Vous avez raison et je suis heureux que cette année olympique et paralympique nous ait permis d’ouvrir un nouveau champ de coopération avec le Vietnam. J’ai rencontré dès le mois d’octobre dernier le secrétaire général du Comité national olympique du Vietnam, Trân Van Manh, et nous n’avons cessé depuis de travailler pour mieux nous connaître et pour examiner la possibilité de renforcer la coopération sportive entre nos deux pays.

J’ai rencontré à plusieurs reprises les athlètes vietnamiens au centre d’entraînement national de Hanoï, à celui de Dà Nang (Centre), où j’ai notamment pu assister à l'entraînement des nageurs sélectionnés pour les Jeux paralympiques, et j’ai eu aussi le plaisir de ramer à Hai Phong (Nord) avec les deux championnes d’aviron et de canoë sélectionnées pour les Jeux olympiques. Ces visites magnifiques, avec à chaque fois un accueil extraordinaire, ont été l’occasion pour moi d’exprimer tout mon soutien et mes encouragements à ces athlètes impressionnants de volonté et de courage.

Le premier séminaire organisé avec le Comité national olympique du Vietnam en  mars dernier a permis d’explorer les pistes des futures coopérations sur la structuration du sport de haut niveau, l’accompagnement des jeunes talents et l’économie du sport. La France, depuis 60 ans, a engagé une politique très structurée qui lui permet aujourd’hui d’être parmi les cinq ou six premières nations sportives et nous serions heureux de partager avec le Vietnam notre expérience.

Journée de l’olympisme et du paralympisme, le  22 juin au lycée français Alexandre Yersin à Hanoï. 
Photo : CTV/CVN

Mais nous n’oublions pas non plus l’importance du sport à l’école et nous avons mené de nombreuses actions pour favoriser les échanges entre jeunes vietnamiens et français autour du sport et des valeurs de l’olympisme, en nous appuyant notamment sur les deux grands lycées français, Alexandre Yersin à Hanoï et Marguerite Duras à Hô Chi Minh-Ville, et les 17 établissements vietnamiens labellisés FrancÉducation pour la qualité de leur enseignement francophone. La Journée de l'olympisme et du paralympisme, organisée le 22 juin au lycée français Alexandre Yersin à Hanoï, en lien avec son association des parents d’élèves et le Comité national olympique du Vietnam, a été le point d’orgue de cette coopération scolaire.

Nous sommes convaincus que ces activités, développées à l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, ouvriront de nouvelles opportunités de coopération sportive entre nos deux pays, en lien notamment avec l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP) qui joue un rôle clé en France dans l’entraînement des sportifs.

Un représentant du ministère vietnamien de la Culture, des Sports et du Tourisme rencontrera des responsables français lors de son déplacement à Paris pour l’ouverture des Jeux olympiques. Nous espérons que cette rencontre débouchera sur des actions concrètes dès l’année prochaine, notamment en matière de formation des entraîneurs, des athlètes et des médecins du sport, ainsi que dans le domaine des équipements sportifs et des logiciels de préparation athlétique. Ce ne sont que quelques exemples des initiatives que nous pourrions développer dans les années à venir.

Lors de la Course de la Francophonie, le 24 mars 2024, autour du lac Thiên Quang à Hanoï.
Photo : Mai Quynh/CVN

Le Vietnam et la France sont tous deux membres de la Francophonie. Que pensez-vous du rôle du Vietnam et de la coordination entre nos deux pays au sein de cette communauté ?

Depuis l’accueil du Sommet de la Francophonie en 1997 à Hanoï, le Vietnam n’a cessé de démontrer son attachement à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), qui regroupe 88 États, et à son intégration dans le monde de la Francophonie. Nous l’avons bien vu une nouvelle fois lors de la Semaine de la Francophonie en mars dernier avec une mobilisation extraordinaire des Francophones vietnamiens, au plan institutionnel comme dans les universités, les écoles et au sein de la communauté francophone.

Je garde notamment un très grand souvenir de la Course de la Francophonie, qui a réuni près de 2.000 participants à Hanoï et lors de laquelle les spectateurs ont pu aussi visiter des dizaines de stands. Le Vietnam attache aussi une grande importance à avoir un journal francophone de qualité comme Le Courrier du Vietnam, ou des émissions télévisées en français, et à faciliter la diffusion de TV5 Monde. Il est actif dans l'animation du réseau francophone en Asie-Pacifique, accueillant notamment le siège régional de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF). Et j’espère bien entendu que le Vietnam sera représenté au plus haut niveau lors du XIXe Sommet de la Francophonie, qui se tiendra en octobre prochain à Villers-Cotterêts et à Paris.

L'événement "Balade en France" a réuni des personnes désireuses de découvrir et de déguster des spécialités françaises mais aussi d'apprécier des numéros artistiques originaux.
Photo : Mai Quynh/CVN

Mais nous le savons, le Vietnam appartient à un continent qui n’a pas de grands foyers de francophonie, et les jeunes vietnamiens ne sont pas "spontanément" attirés par la langue française. Il nous revient donc à tous, Vietnamiens, Français, autres francophones et représentants des institutions de la francophonie de mieux communiquer en direction des jeunes vietnamiens et des institutions scolaires et universitaires vietnamiennes pour leur faire comprendre l’intérêt d’apprendre le français. Les 321 millions de locuteurs sont chaque année plus nombreux, consolidant le français comme 5e langue mondiale, la 4e sur Internet. Le monde francophone est un monde en développement rapide, qui offre des opportunités considérables aux étudiants, aux chercheurs comme aux entreprises.

Pour l’ambassade de France, la priorité est de travailler davantage avec le Vietnam pour consolider le dispositif éducatif et universitaire francophone, pour soutenir les efforts engagés pour la qualité de l’enseignement, et pour faciliter la poursuite d’études supérieures en France. Nous sommes en train de finaliser un nouvel accord inter-gouvernemental sur la coopération éducative qui va dans ce sens. Nous structurons davantage le réseau des 17 écoles labellisées FrancÉducation du Vietnam (l’un des tous premiers dans le monde par la taille) qui doit encore s’agrandir, pour favoriser les échanges entre jeunes francophones, notamment avec les élèves des lycées français, et pour apporter de la formation au bénéfice des enseignants.

Dans ce contexte, nous avons été très heureux d’offrir cette année, pour la première fois, un prix aux trois lauréats du Concours national du français réservé aux lycéens. Ils partiront en août prochain pour 15 jours en Normandie dans le cadre d’un séjour linguistique et culturel organisé par l’Institut français du Vietnam.

Pourriez-vous nous partager certaines de vos activités en faveur de la coopération bilatérale depuis votre entrée en fonction au Vietnam ?

J’ai eu la chance de prendre mes fonctions au moment où nos plus hautes autorités ont tracé une voie très précise pour renforcer notre partenariat. Toute mon action, avec mes collègues de l’ambassade et des nombreux opérateurs présents ici au Vietnam (l’Agence française de développement - AFD, l’Institut de recherche pour le développement - IRD, le Centre pour la coopération internationale en agronomie et pour le développement - CIRAD, l’Agence nationale de recherche sur le sida, les hépatites, et les maladies infectieuses émergentes - ANRS-MIE ou l’École française d’Extrême Orient - EFEO), consiste à donner corps à ce partenariat renforcé et à mieux le faire connaître à nos compatriotes.

Au plan politique, je retiens surtout la visite du ministre de la Transformation et de la Fonction publique, Stanislas Guerini, qui a permis de mettre en valeur l’importance de notre coopération administrative au bénéfice des citoyens vietnamiens, et bien entendu la visite historique, à l’invitation des autorités vietnamiennes, du ministre français des Armées Sébastien Lecornu et de la secrétaire d’État auprès du ministre des Armées, chargée des Anciens combattants et de la Mémoire Patricia Miralles, en mai dernier dans le cadre de la commémoration du 70e anniversaire de la Victoire de Diên Biên Phu. Elle a témoigné du niveau d’amitié et de confiance entre nos deux pays. L’escale de la frégate Vendémiaire à Dà Nang en avril, avec un séminaire euro-vietnamien consacré à la Mer Orientale, ou le succès du forum sur les industries de défense qui a réuni près de 150 participants français et vietnamiens à Hanoï les 11 et 12 juillet, illustrent une volonté conjointe de travailler pour la souveraineté du Vietnam.

Des entreprises françaises participant aux 12es Assises franco-vietnamiennes de la coopération décentralisée, le 15 avril 2023, à Hanoï.
Photo : VNA/CVN

Dans le domaine économique, il faut davantage promouvoir l’innovation au service du développement du pays et du consommateur vietnamien. La France et le Vietnam ont noué des relations solides. Je m’attache à les approfondir au quotidien en soutenant les activités des entreprises françaises dans de nombreux secteurs, notamment l’énergie et les transports, secteurs phares de la coopération. À ce titre, je me réjouis de l’ouverture prochaine de la partie aérienne de la ligne de métro N°3 de Hanoï, qui vient consacrer les efforts conjoints des entreprises comme des autorités françaises et vietnamiennes, en faveur de la mobilité durable.

Je n’oublie pas bien entendu des secteurs importants pour satisfaire les besoins nouveaux de la population vietnamienne. La santé et les médicaments en particulier, mais aussi les productions agro-alimentaires. Le succès incroyable de Balade en France, avec 400.000 participants en avril dernier à Hanoï, montre qu’il y a une vraie attente des consommateurs vietnamiens pour des productions et des services français innovants et de très haute qualité.

Depuis mon arrivée, j’essaie aussi d’ouvrir de nouveaux champs de coopération, en particulier dans le domaine de l’innovation, secteur dans lequel nos deux pays ont beaucoup à s’apporter l’un à l’autre. Je suis très heureux du succès remporté par ForTec, événement organisé en mai à Hô Chi Minh-Ville par La French Tech Vietnam.

Plantation d'arbres dans la ville de Vinh Châu, province de Soc Trang (Sud). 
Photo : VNA/CVN

À propos de la coopération pour affronter les enjeux globaux. Je ne prendrai que deux exemples pour illustrer notre action.

Le premier défi, c’est celui de la transition énergétique et de la lutte contre le changement climatique. En soutien au Vietnam dans son ambition de neutralité carbone d'ici 2050, la France participe activement au Partenariat pour une transition énergétique juste (JETP), notamment par un soutien financier de 500 millions d’euros, et l’AFD sera en mesure très prochainement de signer le premier prêt JETP. Nous avons aussi lancé des initiatives telles qu'une coopération technique entre Electricité de France et l'Électricité du Vietnam (EVN), afin de partager notre expertise en réseau électrique et énergies renouvelables. Cette collaboration étroite avec le gouvernement vietnamien et d'autres partenaires de développement, en préalable et en complément à un engagement important des entreprises françaises notamment, renforce notre engagement commun envers le développement durable.

Deuxième illustration de cet engagement : la campagne océanographique PLUME Vietnam (Particle transport along river plumes and their impact on coastal ecosystems off Vietnam) qui s’est achevée le 13 juillet est un autre exemple de coopération concrète pour affronter ensemble les défis auxquels le Vietnam est confronté. Cette campagne scientifique franco-vietnamienne de deux mois, avec la mobilisation de l’Antéa, navire océanographique français semi-hauturier destiné aux recherches scientifiques dans le Pacifique, va permettre d’établir une cartographie précise des pollutions en Mer Orientale pour préserver la qualité des eaux et des ressources halieutiques.

C’est un effort conjoint significatif pour la protection des océans, soutenu par une contribution française évaluée à deux millions d'euros. J’ai été très heureux de visiter l’Antéa pour saluer les chercheurs français et vietnamiens, dont plusieurs sont de jeunes doctorants qui font leurs études en France.

Propos recueillis par Thuy Hà/CVN

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