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| Fresque murale d’écoliers vietnamiens sortant de l’école. |
Devant l’entrée principale, de petits drapeaux de couleurs vives flottent au vent chaud, accompagnés, çà et là, par quelques affiches aux slogans encourageants. Il est sept heures du matin et le premier cours va bientôt commencer.
Les élèves arrivent, déposés par leurs parents et encore légèrement endormis. La grille franchie, je me faufile entre les groupes de camarades qui se forment rapidement, les "Bonjour Monsieur" résonnent de toutes parts.
En passant par le préau, on aperçoit les panneaux célébrant les meilleurs élèves de l’établissement, quelques objets artisanaux fabriqués en classe et des chaises et petites tables en bambou sur lesquelles on joue à des sortes d’échecs.
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| Beau cahier de français d’une élève de sixième. |
Au fond de la cour en forme de carré trône le buste du héros dont l’école porte le nom. La statue, fleurie, veille sur l’école, elle est près de l’estrade et du grand écran servant aux diverses cérémonies et spectacles de l’année. Il y a aussi un gros tambour traditionnel dont les coups portent partout dans l’école et ses proches alentours. Des arbres apportent ombre et fleurs et les murets qui les entourent servent de sièges naturels.
Les toits du bâtiment sont en tôle rouge pâle ; les jours de pluie, ils amplifient le son des trombes d’eau qui s’abattent sur l’école, créant cette délicieuse sensation de bien-être et de protection. Dans le puissant édifice, à l’abri de l’attaque pluviale, on assiste au spectacle son et images de ces averses aussi courtes que brutales ! Des enfoncements, pareils à des passages secrets, permettent quant à eux de rester loin du soleil et de sa chaleur étouffante. Certains jours, le moindre brin de fraîcheur semble être un bouquet de bonheur !
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| Compétition de ‘’tir à la corde’’ pendant la récréation. |
Cet ensemble architectural crée un tableau mêlant histoire, traditions et modernité, où les professeures en áo dài passent sous les arcades centenaires après avoir enregistré leur arrivée par un appareil digital fixé à l’entrée.
En classe !
Dans la classe, je retrouve avec enchantement le grand tableau noir et les craies de couleur qui me rappellent mes années d’enfance, les bons points, l’ardoise, les punitions au coin, le bon temps où j’étais écolier en France…
Au-dessus du tableau est accroché le portrait de Hô Chi Minh, les tables et les bancs en bois sont disposés à l’ancienne, par rangées les unes derrière les autres pour pouvoir y placer les nombreux élèves.
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| Préparation de spectacle entre deux averses. |
Le bureau du professeur est aussi en bois, une nappe le recouvre et un vase de fausses fleurs le décore un peu. L’estrade en pierre est le lieu d’actions, des présentations aux corrections en passant par les scénettes en français jouées par les apprenants.
La classe "à l’ancienne" est agrémentée d’appareils modernes comme l’indispensable climatisation, le rétroprojecteur, le microphone et un grand téléviseur. Enseigner ici me procure vraiment le sentiment d’être dans un lieu où l’on prépare le futur dans un présent où le passé est bien présent !
La classe, un rectangle de passions humaines…
Professeurs, élèves, collègues, apprenants, enseignants, adultes, adolescents, enfants, étrangers, locaux, garçons, filles… La classe, c’est la rencontre de nombreuses personnes aux caractères et statuts différents, et quand le professeur est étranger, la découverte et l’adaptation n’en sont que plus grandes : autre culture, autre langue, autre façon d’enseigner et d’apprendre, autres expériences…
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| Matériel de travail. |
Ceci rend la relation encore plus riche et intense. Comme le dit le renard au Petit Prince : "Il faut s’apprivoiser" ! Ainsi, après les premières heures d’observation et de relative timidité, une relation de coopération, de joie et de complicité s’installe naturellement. Le dynamisme de la jeunesse s’impose et nos efforts communs permettent de surmonter les difficultés diverses : la langue française n’est pas simple, il y a souvent du bruit, il peut faire très chaud même avec la climatisation, les élèves sont nombreux…
La salle de classe, un véritable lieu de vie.
Vers onze heures, les odeurs de cuisine envahissent toute l’école, distrayant les esprits en aiguisant nos appétits. Elles hâtent notre envie de terminer les leçons de la longue matinée. Le repas est pris dans la classe même, distribué par la dame de service responsable de la classe. La sieste aussi se fait sur place, les nattes sont sorties et font office de couchettes, les filles sur les tables resserrées et les garçons à même le sol. La salle est classe, cantine et dortoir, c’est un véritable lieu de vie de sept heures et quart à quatre heures et demie.
C’est la récré !
Dans la cour, les plus jeunes courent, jouant encore au loup, ils lâchent des cris de jeu qui s’échappent du brouhaha sourd et permanent de la récréation. Les autres jouent au badminton, au basket, au đá câu ou "plumfoot", qui est un jeu très populaire ici, une sorte de badminton sans raquette où l’espèce de volant doit passer de joueur en joueur sans toucher terre. Beaucoup sont adeptes de jeux de stratégie, d’autres encore marchent côte à côte en tenant un cahier dans les mains pour réviser une leçon ou préparer un examen.
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| C’est l’heure de la sieste à l’abri du soleil de midi. |
Certains se reposent à l’ombre ou profitent de la pause pour manger quelque chose. Par moments, on aperçoit les voiles colorés des áo dài des professeures, volant au vent léger sous les branches à fleurs roses qui se balancent doucement, ils apportent des couleurs éclatantes à ce tableau de cour d’école, dominé par la couleur blanche des chemises d’uniforme des enfants.
L’école en fête !
L’année scolaire est parsemée de quelques fêtes et avant chacune d’elles, des concours sont organisés, des spectacles préparés, des compétitions interclasses de "lutte de corde" déchaînent les passions… Le vingt novembre est un grand jour de l’année scolaire, c’est la "fête des professeurs". C’est une journée haute en couleur avec les petits cadeaux, les bouquets de fleurs, les jolies cartes aux gentils mots de remerciements et les douceurs gastronomiques qui parfument cette belle date.
Un grand dessin à la craie ainsi qu’un poème décorent le tableau. L’école organise un grand repas sous le chapiteau qui recouvre une grande partie de la cour. En effet, en cette période de l’année, les pluies sévissent encore pour quelques jours avant de disparaître pour six mois. On mange, on rit, on boit et l’on chante pendant cette journée de grand bonheur où les professeurs sont mis à l’honneur.
Profession très respectée au Vietnam, ils sont un pilier de la société, et c’est avec une profonde joie et fierté que je rentre le soir chargé de présents et d’émotion. Certes, ces fêtes des professeurs du vingt novembre m’ont laissé beaucoup de beaux souvenirs tant en pensées qu’en objets, mais c’est bien chacun de mes jours de présence à l’école qui sont pour moi une fête.
Texte et photos : Hervé Fayet/CVN








