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Lauréat du Cerf-volant d’or 2024 dans la catégorie “Meilleur court métrage”, Dàn cá gô est perçu comme une œuvre indépendante, empreinte des confidences de jeunes confrontés aux tournants de la vie, en quête d’un équilibre entre leur quotidien et leurs passions.
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Une scène du film "Dàn cá gô". |
Photo : CTV/CVN |
L’histoire suit Cuong, un jeune passionné de musique. Pour subvenir aux besoins de sa famille, il continue à pêcher comme le fait son père, bien que les poissons se fassent de plus en plus rares. Soutenu par sa femme, qui l’encourage à vendre son bateau pour vivre de sa passion, il se retrouve tiraillé entre le devoir familial et l’appel de la musique.
“Un cadeau à ma femme”
Nguyên Pham Thành Dat est né en 1998 à Môc Châu, dans la province montagneuse de Son La (Nord). Il est diplômé en 2024 du Département Réalisation de l’Université de théâtre et de cinéma de Hanoï.
Dàn cá gô est à la fois son film de fin d’études et une œuvre profondément personnelle. Il retrace un chemin artistique intimement lié au soutien indéfectible de sa compagne, aujourd’hui son épouse. “Le film a été tourné dans la ville natale de ma femme, à Quynh Luu, province de Nghê An (Centre), et pensé comme un cadeau pour elle”, confie Thành Dat.
Selon Box Office Vietnam, une société qui observe l’activité des salles obscures du pays et analyse les statistiques de recettes des films, cette production de 30 minutes a attiré plus de 110.000 spectateurs en une semaine (du 15 au 21 juillet), pour des recettes dépassant 4,45 milliards de dôngs. Il a suscité de nombreux débats au sein du public. Pour certains, il séduit par la beauté de ses images et son atmosphère poétique, mais déçoit par un contenu et une intrigue jugés faibles. Pour d’autres, il s’agit d’un film très symbolique, proche du poème, où l’émotion l’emporte sur la logique : un exemple d’art pour l’art, rare dans le cinéma vietnamien depuis longtemps.
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"Dàn cá gô" est lauréat du Cerf-volant d’or 2024 dans la catégorie “Meilleur court métrage”. |
Photo : CTV/CVN |
Selon une enquête menée par la communauté de passionnés de films Moveek, Dàn cá gô a obtenu une note moyenne de 6,19. La majorité des spectateurs ont donné un avis positif, considérant le film comme une expérience cinématographique légère, suffisante pour être appréciée. Seuls 37% ont estimé que le film a provoqué un sentiment de déception, avec le commentaire : “La fin est arrivée avant même que l’on ait eu le temps de comprendre ce qui se passait”.
Mais la majorité s’accordent à dire que le film a insufflé une bouffée d’air frais dans un paysage cinématographique dominé ces derniers temps par les films d’horreur ou les drames familiaux.
Thành Dat explique qu’il n’avait initialement pas prévu de distribuer son film en salle, ce format étant généralement destiné aux festivals. “Après avoir remporté le Cerf-volant d’or 2024, j’ai publié la chanson +Phép màu+ (Miracle), écrite par Nguyên Hùng, un ami compositeur. C’est une ballade rock, avec une scène de guitare jouée sous la mer. En voyant le soutien du public et la curiosité autour du vidéo clip présentant des extraits du film, j’ai décidé de proposer quelques projections en salle, à petite échelle”, raconte-t-il. Mais dès que l’annonce a été publiée sur les réseaux sociaux, la demande en billets a explosé. Le réalisateur a alors cherché des solutions pour élargir la diffusion. C’est à ce moment-là que la société Beta a accepté d’assurer la distribution, permettant une sortie nationale.
Une nouvelle voix du 7ᵉ art
“Nous n’avions pratiquement aucun budget pour le marketing. Beta ne pouvait nous aider qu’avec un peu de publicité sur ses fanpages. Nous avons donc communiqué exclusivement via Facebook. Par chance, le public a adoré le film et l’a massivement partagé”, confie Thành Dat. Il poursuit : “Pendant la semaine de projection, je ne pensais ni à la concurrence, ni aux recettes. J’ai tout fait pour négocier un tarif réduit de 39.000 dôngs le billet, en guise de remerciement pour ceux qui avaient aimé +Phép màu+. Le box-office n’était pas ma priorité”.
Après la première semaine en salle, le réalisateur a été surpris par l’enthousiasme du public, qui a largement soutenu et défendu le film. ”Il s’avère qu’un public important existe pour ce type de films”, observe-t-il.
Des experts saluent l’émergence de ce jeune réalisateur, considéré comme une nouvelle voix prometteuse du cinéma vietnamien, capable de renouveler et diversifier la scène, qu’il s’agisse de productions indépendantes ou commerciales.
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Thành Dat, qui signe ce court métrage, a créé une œuvre qualifiée de véritablement cinématographique sur le plan visuel. |
Photo : CTV/CVN |
La critique Thao Dan confie avoir été surprise : “Thành Dat, un jeune réalisateur qui signe son premier court métrage, a créé une œuvre que je n’hésite pas à qualifier de véritablement cinématographique sur le plan visuel. Le format 4:3 et le traitement des couleurs - la teinte rouge chaleureuse de l’aspiration, entrelacée au bleu froid de la mer - évoquent deux dimensions spatiales : la mémoire et la réalité, l’aspiration et la responsabilité, qui s’entrechoquent fréquemment dans la vie des jeunes”.
Le président de l’Association vietnamienne du cinéma, le Pr. agrégé - Dr. Dô Lênh Hùng Tú, rappelle qu’une industrie cinématographique en développement ne peut se limiter aux seuls succès commerciaux. Elle doit aussi diversifier ses récits comme le fait Thành Dat et toucher un public plus large.
De son côté, Nguyên Anh Tuân, spécialiste de l’Institut de la culture, des arts, des sports et du tourisme, estime que Dàn cá gô a un ton introspectif qui rappelle l’esthétique musicale indie, très appréciée par la jeunesse. Il considère Thành Dat comme une voix nouvelle, moderne, et prometteuse pour renouveler le 7e art vietnamien.
Une jeune carrière prometteuse
Avant Dàn cá gô, Nguyên Pham Thành Dat s’est déjà illustré avec Khu rung cua Páo (La Forêt de Páo, 2023), lauréat du premier prix du concours “Mon Vietnam” organisé par Netflix, du prix du Meilleur court métrage au Festival international du film de Hanoï, et sélectionné dans le Top 20 du Centre international de liaison des écoles de cinéma et de télévision (CILECT, France). En 2025, il poursuit sur sa lancée avec deux projets prometteurs : Tàn sua (Lait résiduel), sélectionné dans le Top 5 du concours de courts métrages CJ, et Bò sua bay (La Vache volante), qui a remporté le prix “Genre Projet” au Festival du film asiatique de Dà Nang.
NGOC ANH - LINH THAO/CVN