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Clovis Schneider compose la musique du film +Tunnels+ de Bùi Thac Chuyên. |
Photo : NVCC/CVN |
Clovis Schneider est compositeur de bandes originales de plusieurs longs métrages : Moissons sanglantes (Prix FIPADOC) et Cœurs noirs (FTV, AMZ), des films historiques. En 2024, il a connu un grand succès avec la bande originale de la comédie musicale Dans la cuisine des Nguyen de Stéphane Ly-Cuong et surtout celle de Địa Đạo : mặt trời trong bóng tối de Bùi Thac Chuyên. Ce dernier, connu sous le nom Tunnels : Soleil dans l'obscurité, est son premier film international et il est actuellement en tête du box-office au Vietnam.
À l’occasion de la sortie récente du film, Clovis Schneider nous parle de son travail dans le Tunnels.
Pouvez-vous nous parler de ce projet ?
Je suis arrivé sur le projet grâce à Roman Dymny, l’ingénieur du son du précédent film pour lequel j’avais composé la musique, +Dans la cuisine de Nguyen+.
J’avais déjà été confronté à l’univers du film de guerre quand j’ai recomposé la bande originale de +The Wall+ de Doug Liman pour mon master au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon. Et ensuite, j’ai fait des musiques additionnelles pour la série +Cœurs noirs+, saisons 1 et 2, avec Éric Neveux.
Quand j’ai vu ce film pour la première fois, j’ai tout de suite senti que ce n’était pas un film de guerre épique. Ça a été confirmé par le réalisateur et Julie Béziau, la monteuse. Du coup, j’ai pris une direction musicale minimaliste, sobre, sans chercher à accentuer un quelconque héroïsme.
Où êtes-vous allé chercher votre inspiration musicale ?
Au départ, on avait envisagé une musique orchestrale. Mais très vite, en la confrontant au film, on s’est rendu compte que ça ne collait pas. L’orchestre apporte une richesse dans les timbres, dans l’harmonie, qui ne correspondait pas à la réalité des soldats du Front national de la libération du Sud du Vietnam.
Eux fabriquaient des bombes avec ce qu’ils récupéraient dans les champs de napalm. Il y avait une logique de débrouille, une forme d’ingéniosité de survie. Et c’est exactement ça que j’ai voulu suivre : détourner des instruments, trouver des sons bruts, atypiques, créer une musique bricolée.
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Avec Bùi Thac Chuyên, directeur du film. |
Un moment marquant a été ma collaboration avec Hô Thuy Trang. Je lui ai demandé de jouer sur une partie de son +đàn tranh+ (cithare à 16 cordes) qu’on n’utilise normalement pas. Une partie sans repères, où les notes sonnent faux. Pour moi, ça évoquait les soldats du Front national de la libération du Sud du Vietnam qui se cachaient sous la surface. Ce son est devenu une sorte de signature de la musique.
Je voulais une musique étouffante, comme les tunnels. J’ai eu des retours de jeunes vietnamiens qui m’ont dit qu’ils ressentaient presque une ambiance de film d’horreur. Et je pense que c’est ça que j’ai essayé de faire : retranscrire ce que ces guérilleros vivaient sur le moment, et pas notre lecture post-traumatique, 50 ans plus tard. C’était atroce. Et la musique est habitée par cette atrocité.
Aviez-vous connaissance de cette page de l’histoire du Vietnam avant de travailler sur ce projet ?
Je ne connaissais pas particulièrement l’histoire des tunnels de Cu Chi. Quand j’ai été appelé sur le film, j’ai lu des livres, mais franchement… le film dit mieux les choses. Et après avoir visité les tunnels, je trouve même que le film est plus vrai que les vestiges qu’il en reste.
Avez-vous peur de ne pas être à la hauteur ?
Si on me contacte, j’imagine que c’est pour ce que je fais. Je me concentre là-dessus.
Connaissiez-vous la culture vietnamienne avant ce film ?
Je reviens justement d’un voyage au Vietnam, donc j’en connais un peu plus aujourd’hui - les mentalités, l’héritage culturel… Cela dit, je ne pense pas que ça m’aurait aidé à composer la musique de ce film si j’étais parti avant. Ce que j’ai cherché à faire, c’est coller à l’expérience vécue dans les tunnels, pas à illustrer une culture.
Presque trois semaines après sa sortie en salle au Vietnam, Tunnels a déjà rapporté plus de 150 milliards VND de recette. Cela représente un excellent succès surtout pour une œuvre destinée principalement aux adultes avec un sujet autour de la guerre. Contribuant à ce succès, la musique du film sous la direction de Clovis Schneider renforce l’âme du film.
Propos recueillis par Quyen Gavoye/CVN