Passeurs de mots : les Viêt kiêu à l’œuvre

Portée par une énergie patiente et tenace, une génération d’écrivains et d’artistes vietnamiens résidant à l’étranger (Viêt kiêu) érige des passerelles, donnant au Vietnam une place plus importante sur la carte littéraire mondiale.

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Vo Thi Nhu Mai et son recueil de poèmes "Rythme du Vietnam".
Photo : CTV/CVN

Des œuvres bilingues comme Rythme du Vietnam, Les plis gracieux du temps, ainsi que plusieurs recueils de poésie de la poète et traductrice Vo Thi Nhu Mai, 49 ans, résidant à Perth, en Australie, se rapprochent désormais du lectorat international.

“Je suis convaincue que les artistes vietnamiens de l’étranger sont des +ponts souples+ qui portent le pays vers le monde par l’art et la créativité. Ils diffusent des valeurs culturelles vietnamiennes de façon authentique et accessible auprès des sociétés d’accueil, tout en contribuant à renforcer la grande union de la communauté vietnamienne d’outre-mer”, confie Vo Thi Nhu Mai.

Selon elle, dans de nombreux forums, les représentants de la diaspora s’accordent à dire que la force de l’unité constitue le socle de la préservation et de la promotion de l’identité culturelle, tout en aidant la jeune génération à s’intégrer avec confiance sans se couper de ses racines.

Raviver la fierté nationale

Grâce à leur fine connaissance des langues, des usages et des sensibilités des deux rives, les artistes de la diaspora disposent d’atouts pour raviver la fierté culturelle, tisser des liens émotionnels entre générations et relier les communautés dans et hors du pays. Ils jouent aussi un rôle d’ouvreurs d’espaces culturels - création, traduction, performance, expositions - pour rapprocher l’image du Vietnam de l’opinion internationale, éveiller le sens des responsabilités et nourrir la fierté nationale chez ceux qui vivent loin de leur pays natal.

La mission des artistes vietnamiens à l’étranger dépasse la création et la scène. Ils inspirent, préservent et réinventent les valeurs culturelles vietnamiennes au cœur de la dynamique d’intégration.

De plus en plus, des figures exemplaires et passionnées honorent la littérature vietnamienne. En Europe, l’écrivaine Quynh Iris Nguyen, domiciliée à Prelle, s’emploie inlassablement à organiser des festivals dédiés à la culture vietnamienne, à donner des lectures de poésie en vietnamien et à promouvoir la langue et la culture du pays tant au sein des communautés locales que lors de festivals internationaux, affirmant la responsabilité et la fierté des artistes de la diaspora.

Un recueil de poèmes, traduit par Vo Thi Nhu Mai.
Photo : CTV/CVN

En Allemagne, le poète Truong Anh Tu, avec son recueil Trang mây toc me (Les nuages blancs des cheveux de mère, publié par les Éditions Kim Dông), insuffle un souffle nouveau à la poésie pour la jeunesse : une musicalité affirmée, un amour maternel vibrant, un esprit profondément vietnamien ouvert sur le monde.

De son côté, l’autrice d’origine vietnamienne Kiêu Bich Huong, établie en Belgique, s’attache à jeter un pont culturel entre son pays natal et le monde avec la série de bandes dessinées pour enfants Mât hiêu OGO (Code OGO), diffusant l’amour de la langue vietnamienne et la fierté des racines au sein des communautés d’outre-mer.

En juin dernier, le mouvement mondial de poésie (World Poetry Movement, WPM) a organisé une lecture internationale intitulée “Chant d’amour pour Gaza”, à laquelle le Vietnam a pris part avec le poète Huu Viêt, coordinateur du WPM au Vietnam, le poète Nguyên Quang Thiêu, président de l’Association des écrivains vietnamiens, et la poète et traductrice Vo Thi Nhu Mai.

La dernière a été chargée de compiler l’ensemble du programme en une vidéo, basée sur la chanson Let’s Sing for Love (littéralement : Chantons pour l’amour, poème de Truong Anh Tu, adaptation anglaise de l’autrice, musique de Cung Minh Huân, interprétation de Tuyêt Mai). Une occasion précieuse de confirmer la place de la poésie vietnamienne dans l’espace mondial des échanges poétiques, tout en nourrissant une voix humaniste au sein de la communauté internationale.

Actuellement, Vo Thi Nhu Mai officie comme éditrice invitée d’une anthologie de poésie internationale publiée par l’organisation ISISAR en Inde, réunissant des poètes contemporains vietnamiens et indiens.

“Je réalise moi-même la traduction en anglais de ce recueil, afin de promouvoir les échanges culturels et de tisser des liens poétiques entre nos deux pays. L’ouvrage paraîtra en édition bilingue anglais-bengali, pour élargir son audience et toucher les lecteurs des deux nations”, partage-t-elle. Et de continuer : “Par ailleurs, je recherche un éditeur approprié pour le roman +Miêt vuon xa lam+ de l’écrivaine Da Ngan. Pour qu’un livre circule officiellement sur le marché international, l’appui d’un agent littéraire est indispensable. C’est un facteur clé : sans lui, l’exportation d’une œuvre se heurte à de nombreuses difficultés”.

Promotion des lettres vietnamiennes

Pour rendre plus efficace et pérenne la promotion des lettres vietnamiennes à l’étranger, la poète et traductrice plaide pour une philosophie de traduction “chercher à être comprise plutôt qu’à briller” : privilégier une transmission claire, accessible et fidèle du contenu, plutôt que l’ornementation. La traduction doit servir la diffusion du savoir et de la culture, afin que le plus grand nombre puisse appréhender l’essence de la littérature vietnamienne.

Dans le même esprit, le choix des œuvres à mettre en avant doit être judicieux, pertinent et en phase avec l’époque : sélectionner des titres porteurs de valeurs culturelles, mais aussi compatibles avec les goûts et les tendances internationales, afin d’accroître leur attractivité auprès d’un lectorat mondial.

L’expérience des initiatives communautaires montre l’importance de bâtir un réseau de traducteurs et de contributeurs animé par l’entraide et l’esprit collectif, pour démultiplier les forces, diversifier l’offre et rehausser la qualité des traductions.

La mise en valeur internationale des lettres vietnamiennes appelle un investissement structuré et cohérent : au delà de la traduction, elle suppose la formation de traducteurs professionnels, la construction de canaux de distribution à l’étranger, la participation aux foires du livre et l’organisation d’événements culturels pour créer un effet d’entraînement durable.

De concert, l’usage des technologies comme la traduction automatique, l’édition numérique et les réseaux sociaux permettra d’optimiser les coûts, d’améliorer la diffusion et de porter la littérature vietnamienne vers un public mondial élargi.

Enfin, l’élargissement des coopérations multilatérales avec les maisons d’édition, les institutions culturelles internationales et les communautés vietnamiennes d’outre-mer constitue un levier essentiel pour tisser des liens solides et stimuler des projets bilingues et interculturels.

L’essentiel demeure : dans ce mouvement d’internationalisation, la littérature vietnamienne doit préserver intactes son identité et ses valeurs cardinales, sans s’édulcorer au nom du marché au point d’en perdre sa singularité.

An Binh - Phuong Nga/CVN

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