Le Vietnam vise une transition énergétique ambitieuse

Avec un besoin en capitaux estimé à 136 milliards de dollars sur les cinq prochaines années, le Vietnam entre dans une phase cruciale de sa transition énergétique. Le pays ne manque pas d’ambition : transformer ses orientations politiques en projets concrets capables d’attirer les investisseurs. Mais pour y parvenir, il lui faudra surmonter des obstacles institutionnels et financiers persistants.

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Malgré l’ampleur des défis, les signaux du marché sont encourageants. Plusieurs acteurs internationaux ont déjà exprimé leur intérêt pour participer à cette transformation. Les objectifs restent à portée de main, à condition que le Vietnam parvienne à instaurer un environnement d’investissement clair, transparent et sécurisé.

Des résolutions clés pour accélérer la mutation du Vietnam

Le Vietnam pose les fondations d’un nouveau cadre politique pour sa transition énergétique, articulé autour de deux résolutions majeures. La première, la Résolution N°70-NQ/TW, fixe les grandes lignes de la sécurité énergétique nationale à l’horizon 2030, avec une vision étendue jusqu’en 2045. Pour Nguyên Anh Tuân, vice-président et secrétaire général de l’Association de l’Énergie du Vietnam (VEA), ce texte marque une avancée significative par rapport à la Résolution 55.

Au-delà du maintien des objectifs traditionnels - sécurité énergétique et marché concurrentiel - la Résolution 70 introduit des mesures ambitieuses : amélioration des cibles d’économie d’énergie (8 à 10%), appel renforcé au capital privé pour les infrastructures stratégiques (réseaux électriques, systèmes de stockage BESS, gaz naturel liquéfié), et création de mécanismes dédiés à l’éolien offshore et au nucléaire.

En complément, la Résolution 57-NQ/TW du Politburo, axée sur la science, la technologie, l’innovation et la transformation numérique, constitue le second pilier de cette stratégie. Pour les experts, ces deux orientations sont indissociables et forment le socle d’une transition énergétique cohérente et durable.

Lors du séminaire sur les politiques prioritaires pour le développement d’infrastructures énergétiques durables, organisé le 23 octobre par l’UNOPS et le Département des finances sectorielles du ministère des Finances, les enjeux de la transition énergétique du Vietnam ont été au cœur des échanges.

Vue d’ensemble du colloque sur les politiques prioritaires pour le développement d’infrastructures énergétiques durables, organisé le 23 octobre par l’UNOPS et le Département des finances sectorielles du ministère des Finances.
Photo: CTV/CVN

John Rockhold, président du Groupe de travail sur l’électricité et l’énergie (PEWG) du Forum des entreprises du Vietnam (VBF), a salué les deux résolutions politiques récemment adoptées, les qualifiant de deux faces d’un même enjeu. Selon lui, elles traduisent une volonté claire d’accompagner le nouvel essor économique du pays, porté par les industries technologiques de pointe, les centres de données et les infrastructures d’intelligence artificielle.

"Ces secteurs dépendent d’un approvisionnement électrique stable et fiable. Une simple interruption peut provoquer des pertes financières majeures ou des arrêts imprévus. Renforcer le pilier énergétique devient donc une priorité stratégique pour la sécurité économique nationale", a-t-il déclaré.

Malgré cet élan, le PEWG souligne que la mise en œuvre reste entravée par des défis structurels. Les ambitions politiques ne pourront se concrétiser que si elles se traduisent en projets bancables, capables de séduire les investisseurs et de passer à l’échelle.

Des verrous financiers et réglementaires freinent les projets

Malgré les ambitions affichées, la transition énergétique du Vietnam se heurte à plusieurs obstacles structurels. Selon le Groupe de travail sur l’électricité et l’énergie (PEWG), le principal frein reste l’absence de projets véritablement finançables.

Le marché manque toujours de contrats d’achat d’électricité bancables, de mécanismes clairs de paiement de capacité et de garanties de taux de change, a souligné John Rockhold, représentant du PEWG. Faute de ces instruments, le coût du capital demeure élevé et les investisseurs internationaux restent prudents.

Le secteur de l’éolien offshore, pourtant stratégique pour l’avenir énergétique du pays, illustre bien ces limites. D’après un projet de résolution de l’Assemblée nationale, seuls les groupes publics ou nationaux pourraient développer directement des projets sans appel d’offres. Or, ni cette proposition ni la Résolution 70 ne prévoient l’intégration de partenaires étrangers, pourtant jugés essentiels.

Avec des coûts estimés entre 4,5 et 5,5 milliards de dollars par gigawatt et une forte complexité technique, le recours à des développeurs internationaux expérimentés est indispensable pour garantir la réussite des projets, insiste le PEWG.

Autre point de blocage : les réseaux de transmission. Selon Nguyên Manh Son, du ministère des Finances, de nombreux projets d’énergies renouvelables déjà construits ou en phase finale ne peuvent pas être raccordés, faute d’infrastructures adaptées. Un défi de taille pour concrétiser les ambitions du pays.

Plusieurs acteurs internationaux ont déjà exprimé leur intérêt pour participer à la transformation énergétique du Vietnam.
Photo: CTV/CVN

Des pistes concrètes pour débloquer les investissements

Face à l’enjeu colossal de mobiliser 136 milliards de dollars dans un marché encore entravé, les experts appellent à des réformes financières audacieuses et une gouvernance plus agile.

Nguyên Anh Dung, représentant de The Asia Foundation, plaide pour l’abandon du régime FIT (tarifs fixes garantis) au profit du modèle FIP (prix de référence assorti d’un complément), couplé à des mécanismes d’enchères concurrentielles. Ce système, déjà éprouvé dans plusieurs pays, offre une double garantie : stabilité des revenus pour les investisseurs et adaptation aux fluctuations du marché.

Concrètement, si le prix de marché est inférieur au prix de référence, le groupe de l’électricité du Vietnam (EVN) compense la différence ; si le prix est supérieur, l’investisseur conserve le surplus.

De son côté, Nguyên Van Phu, chercheur à l’Université Paris Nanterre, recommande une révision progressive des tarifs électriques afin d’encourager l’innovation et les comportements économes en énergie.

Pour surmonter les blocages institutionnels, le PEWG propose la mise en place d’une plateforme permanente de coordination public-privé, chargée de suivre l’avancement des projets et d’assurer une cohérence dans leur mise en œuvre.

"La prochaine étape de la transition énergétique du Vietnam ne s’écrira pas dans les documents, mais dans les projets réels. Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est de vitesse, de cohérence et de partenariats solides", a conclu John Rockhold, représentant du PEWG.

Truong Giang/CVN

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