Le temps des musées privés

En complément des musées publics, les établissements privés, développés au fil des années, montrent leur rôle crucial dans la préservation et la promotion des valeurs culturelles, historiques et artistiques du pays, ainsi que dans le renforcement de l’attractivité du secteur muséal. Analyses.

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Outre la richesse d’objets, le Musée mondial du café du groupe Trung Nguyên, dans la province de Dak Lak (hauts plateaux du Centre), a une architecture originale.
Photo : Thu Huyên/CVN

Les musées privés sont des adresses incontournables lors d’une visite à Hanoï, Huê ou Hô Chi Minh-Ville, comme en témoignent plusieurs sites web nationaux et internationaux de conseils de voyage. Ce qui était autrefois une rareté audacieuse est devenu une tendance croissante avec l’ouverture de nouveaux établissements du genre. Selon les récentes données du ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme, fin 2023, les musées privés représentaient 35% du total des musées dans tout le pays. Alors que seulement six institutions de ce type étaient recensées entre 2001 et 2009, leur nombre a considérablement augmenté depuis 2010, passant de 25 en 2015 à 52 en 2020, et à 70 en 2024.

D’après une étude de Hoàng Thanh Mai, de l’Université de la culture de Hanoï, les musées privés ont des thèmes assez variés dans des domaines tels que les antiquités, l’art, l’histoire de la guerre, la religion, la culture et les célébrités.

Des noms connus dans les grandes villes

Hanoï, la capitale vietnamienne, abrite le plus grand nombre de musées privés. En visitant cette ville millénaire riche en histoire, on ne peut ignorer des destinations aussi renommées que le Musée de la céramique de Bat Tràng du regretté “Artiste du Peuple” Vu Thang dans le district de Gia Lâm, “Sy Tôt et sa famille”, consacré aux œuvres du peintre paysan Sy Tôt (1920-2002), dans le district de Ba Vi, ou encore le Musée des soldats révolutionnaires capturés et emprisonnés, dans le district de Phu Xuyên.

Le musée de peintures 3D Art in Paradise dans la ville de Dà Nang (Centre). 
Photo : Mai - Phuong/CVN

À Hô Chi Minh-Ville, une visite serait incomplète sans admirer les créations du Musée de l’áo dài (tunique traditionnelle fendue des Vietnamiens) du styliste Sy Hoàng, du Musée de peintures 3D Artinus, ou sans se plonger dans la collection d’art impressionnante du musée Quang San du collectionneur Nguyên Thiêu Quang, ou la Galerie de la culture chinoise de Saigon-Cho Lon, qui abrite 2.500 précieux souvenirs.

Dans le Centre, plus précisément à Huê, province de Thua Thiên Huê, on retrouve l’Espace commémoratif Lê Ba Dang, le Musée des beaux-arts Cécile Le Pham, ainsi que le Centre d’art Diêm Phùng Thi… La ville de Dà Nang est réputée pour les musées Dông Dinh et Art in Paradise, le Musée de la culture bouddhiste, ainsi que le Musée de sculpture sur pierre Non Nuoc-Ngu Hành Son.

Même les établissements basés dans les provinces et les petites villes peuvent surprendre les amateurs de culture par leurs œuvres et leurs décorations : le Musée de la culture et des arts d’Indochine dans la ville de Hai Phong, le Musée de l’espace culturel Muong dans la province de Hoa Binh, dans le Nord ; Nhà Viêt (Maison vietnamienne) à Hôi An, province de Quang Nam, ainsi que le Musée de la céramique ancienne Go Sành Vijaya, province de Binh Dinh, sans oublier l’espace d’art de la broderie XQ Su Quan à Dà Lat, dans le Centre ; et le Musée mondial du café à Buôn Ma Thuôt, province de Dak Lak, sur les hauts plateaux du Centre.

Efforts et créativité des propriétaires

Pour construire ces établissements, leurs créateurs ont investi beaucoup de temps, d’efforts et de passion dans la collecte, la préservation et la diffusion de la quintessence culturelle et historique à destination de la communauté. Nhà Viêt en est un exemple notable. Son propriétaire, Lê Van Vinh, a entrepris un voyage passionnant et extraordinaire de quatre ans pour restaurer une ancienne maison typique du Nord aux 108 piliers en bois de fer (bois de lim). Le collectionneur Trân Dinh Thang à Hai Phong a établi la réputation de son musée An Biên fort de 500 antiquités dont 18 reconnues “trésors nationaux”.

Architecture captivante du Musée de la céramique de Bat Tràng, en banlieue de Hanoï. 
Photo : Truong Trân/CVN

L’enseignante Ngô Thi Khiêu a honoré la civilisation de la culture du riz inondé et les vertus des paysans avec le musée Dông quê (La campagne) à Giao Thuy, province de Nam Dinh (Nord)... Dans la conception, bon nombre de ces établissements ont été marqués par la créativité de célèbres architectes vietnamiens et étrangers. Ils ont insufflé une grande vitalité à ces institutions culturelles, ouvrant de nouvelles tendances et orientations pour la promotion des précieux patrimoines auprès du public national et international. La Française Véronique Dollfus a donné vie au design et au style d’exposition du musée Nguyên Van Huyên. L’architecte Hoàng Thuc Hào a créé le Musée de la céramique de Bat Tràng avec une structure inspirée d’un magnifique plateau tournant.

Beaucoup de musées privés sont devenus des destinations prisées des jeunes grâce à des concepts accrocheurs et à des architectures impressionnantes, comme l’Espace commémoratif Lê Ba Dang ou le Musée mondial du café... Plusieurs noms figurent sur la liste des adresses à ne pas manquer grâce à leurs collections de grande valeur : plus de 300 peintures et 2.000 antiquités rares présentées par l’homme d’affaires Cao Van Tuân au Musée de la culture et des arts d’Indochine à Hai Phong, ou encore les 40.000 pièces exposées solennellement par le propriétaire Nguyên Ngoc Ân au Musée des antiquités de Mui Né, province de Binh Thuân (Centre).

La tendance marquante du développement des musées au XXIe siècle est la croissance rapide du nombre d’établissements privés. Alors que ceux investis par l’État dans le monde sont généralement confrontés à de nombreuses difficultés dues à la récession économique et à la pandémie de COVID-19, les espaces financés par les individus connaissent un essor sur presque tous les continents. Le nombre de ces établissements a considérablement augmenté au cours des deux dernières décennies, avec environ 317 musées d’art en plus. Selon le Conseil international des musées (ICOM), le nombre de musées privés dans le monde dépasse celui des musées publics”, observe Hoàng Thanh Mai, de l’Université de la culture de Hanoï.

Se différencier, un défi

Bien qu’ils suscitent beaucoup d’enthousiasme de la part de leurs propriétaires, les établissements privés sont également confrontés à des difficultés. En raison de ressources financières limitées, l’embauche d’employés bien formés et de haute qualification est un casse-tête. En outre, la gestion et le choix du style d’exposition, qui reposent souvent sur les efforts personnels du propriétaire et de sa famille, entraînent un manque de professionnalisme et une faible efficacité.

Visiteurs au musée Quang San à Hô Chi Minh-Ville. 
Photo : CTV/CVN

À l’exception des institutions qui génèrent des revenus stables grâce à la vente de billets comme le Musée de la céramique de Bat Tràng, le Musée de l’áo dài, le Musée du ginseng Ngoc Linh..., l’entrée dans la plupart des musées privés est actuellement gratuite. Leurs revenus dépendent donc principalement d’activités commerciales auxiliaires telles que les services de restauration (Musée des antiquités de Hoàng Long - Thanh Hoa), d’hébergement et de restauration (Musée de l’espace culturel Muong - Hoa Binh), ou des contributions volontaires de la communauté, comme cela est le cas pour le Musée de la photographie de Lai Xa...

Le tourisme est considéré comme un biais efficace pour les aider à se développer, mais il constitue également un défi pour que les collections apportent des valeurs économiques tangibles. Plusieurs musées ont échoué faute d’avoir trouvé leur propre identité et leurs caractéristiques distinctives. Le Musée de statues de cire a subi de lourdes pertes après une ouverture de courte durée car il n’a pas su proposer d’activités originales et intéressantes pour les visiteurs.

Ainsi, la leçon est claire : pour survivre et se développer, chaque musée doit trouver sa propre voie, unique, attractive et créative. Par exemple, pour attirer 10.000 visiteurs par an au Musée de l’áo dài, Sy Hoàng a dû déployer de grands efforts pour introduire des idées uniques et un style de présentation attrayant. Pour assurer des revenus stables, le Musée de saumures de poisson Làng Chài Xưa (Village de pêche d’antan) à Phan Thiêt, province de Binh Thuân (Centre), a investi gros pour récréer un espace artisanal traditionnel vieux de plus de 300 ans, agrémenté d’un théâtre moderne, ainsi que d’une zone de restauration qui satisfait pleinement les touristes.

Linh Thao - Huyên Nga/CVN

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