Hô Thi Hoàng Anh, ambassadrice de la gastronomie huéenne

Forte de la tradition familiale, Hô Thi Hoàng Anh a réussi, ces dernières années, à reproduire les plats royaux de Huê et à les présenter à l’étranger. Elle a contribué à valoriser l’héritage fabuleux de la gastronomie de l’ancienne capitale impériale du Vietnam.

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Mme Hoàng Anh veille minutieusement à chaque détail de ses plats. 
Photo : CTV/CVN

Le 2 janvier 2003, en Une de l’édition spéciale pour le Nouvel An, Ouest France a publié un article pour encenser le talent de l’artisane vietnamienne Hô Thi Hoàng Anh, qui était le chef d’orchestre du banquet organisé au Centre de recherche pour le développement culturel de Nantes.

C’était un dîner royal pour passer avec raffinement le cap de la nouvelle année. "Quatre cents couverts, huit plats d’exception et une préparation minutieuse. Un dîner comme à Huê, au temps de la cité impériale", a souligné l’article. Ce dernier a également décrit minutieusement les plats servis dont le banh ram it qui répond à la théorie du yin et du yang. Ce plat contient deux parties : l’une, appelée banh it, est une boulette de porc et de crevettes enveloppée dans une pâte moelleuse et l’autre, banh ram, est une petite galette frite croustillante. L’une représente la souplesse et l’autre la vigueur ou le lien entre le ciel et la terre, la masculinité et la féminité.

Selon l’article, Mme Hoàng Anh a soigné minutieusement chaque détail, des bols aux assiettes en passant par les soupières de potage. L’article se terminait par les félicitations des convives qui conserveront pour toujours le goût spécial de la découverte de la gastronomie d’un pays d’Extrême-Orient.

Famille traditionnelle

Mme Hoàng Anh est née dans le village de Phuoc Yên qui se trouve au bord de la rivière Bô et à une dizaine de kilomètres du centre-ville de Huê (province de Thua Thiên-Huê, au Centre). Autrefois, les villageois étaient spécialisés dans la préparation des repas royaux pour la dynastie des Nguyên (1802-1945). Son grand-père fut le dernier chef de groupe Thuong Thiên qui était chargé des repas des rois Khai Dinh (1926-1925) et Bao Dai (1925-1945). Sa mère, une Huéenne typique, était rompue aux arts de la gastronomie et de l’entretien du foyer. Les qualités de sa mère pénétrèrent silencieusement Hoàng Anh et l’influencèrent largement.

Mme Hoàng Anh exporte la gastronomie de Huê à l’étranger. 
Photo : CTV/CVN

Hoàng Anh a étudié au lycée Dông Khanh de Huê pendant sept ans. Cette école, réservée uniquement aux jeunes filles, a toujours donné la priorité aux cours de cuisine pour donner à ses élèves les qualités nécessaires aux femmes huéennes, selon la tradition. En bref, elle a été formée dans une famille où régnait la discipline et dans un environnement éducatif traditionnel visant à faire d’elle une parfaite femme d’intérieur. Pourtant, entrée au lycée, elle a choisi la section des sciences naturelles et pratiqué le basket-ball, un sport réservé généralement aux hommes à cette époque. Puis, à l’université, elle s’est inscrite dans la spécialité physique nucléaire. Elle a réalisé un virage à 180° en s’éloignant du chemin préalablement tracé pour sa vie.

Valeurs traditionnelles

Pourtant, la vie lui a réservé un tournant inattendu. Elle s’est mariée avec Trân Dinh Son, un chercheur culturel qui a des connaissances profondes sur la culture et les arts royaux de Huê. Ce mariage a “réveillé” les qualités développées depuis son enfance. Une fois de plus, elle a réalisé un virage à 180° pour se tourner de nouveau vers la culture, la gastronomie de Huê et les missions sacrées des femmes traditionnelles de Huê. Plus particulièrement, elle est devenue une experte dans l’art culinaire et une ambassadrice du prestige de la gastronomie royale de Huê à l’étranger.

En 1996, le couple a ouvert le restaurant Phu Xuân (au 128, rue Dinh Tiên Hoàng, 1er arrondissement de Hô Chi Minh-Ville) qui se spécialise dans la gastronomie huéenne, les plats populaires et royaux à la fois.

Pour enrichir son savoir-faire, Mme Hoàng Anh a passé des heures et des heures à lire les documents historiques de la dynastie des Nguyên pour chercher l’origine, les ingrédients, la recette et la décoration des plats royaux afin de les préserver et particulièrement de restituer ceux dont la recette était perdue.

Gâteaux et confiseries pour le Têt

Outre la passion pour les repas royaux, Mme Hoàng Anh s’est consacré à la confection des gâteaux et des confiseries du Têt de la cour royale. "Pour les Vietnamiens, le Têt revêt une signification particulièrement importante. C’est pour cette raison que la cérémonie est soigneusement préparée, des offrandes à l’autel aux mets réservés aux invités, notamment dans les familles royales", a souligné l’artisane.

Mme Hoàng Anh s’est consacré à la confection des gâteaux du Têt de la cour royale.
Photo : CTV/CVN 

Les gâteaux et les confiseries pour cette occasion sont variés et nombreux. On peut citer notamment les gâteaux à base de haricots ou de céréales, les confitures de fruits et les fruits frits. Ces produits sont utilisés d’abord pour les cultes dans les pagodes et les temples et sont ensuite distribués aux membres de la famille royale. Cette tradition est importante pour souhaiter la bénédiction et la richesse aux descendants à l’occasion du Nouvel An.

 À la recherche des recettes perdues, Mme Hoàng Anh a eu l’occasion de rencontrer feu l’artisane Lê Thi Dinh qui fut la dernière servante de la dynastie des Nguyên et qui était également la servante la plus proche de la reine mère Tu Cung (mère du roi Bao Dai). Les descendants des familles royales qui vivent actuellement à Huê ou à l’étranger lui dévoilent aussi les secrets des recettes.

Un parcours sans relâche 

Le succès du restaurant Phu Xuân a constitué un levier pour que Mme Hoàng Anh exporte la gastronomie de Huê à l’étranger. En 2001, à travers l’intermédiaire de l’école japonaise Sakura et de la société Craftfooz, elle a inauguré une succursale du restaurant Phu Xuân à Tokyo, au Japon. Cette adresse a été élue par le magazine Esquire comme un des 76 restaurants de gastronomie étrangère typique à Tokyo.

En 2002, elle a présenté la gastronomie de Huê à la Semaine de la culture vietnamienne à Munich, en Allemagne. À cette occasion, elle a réussi à reconstituer le marché Gia Lac, un marché spécial de l’ancienne capitale de Huê qui s’ouvrait uniquement pendant les trois jours du Têt traditionnel. Initié au début du XIXe siècle par le prince Nguyên Phuc Binh (1797-1863), fils du roi Gia Long, ce marché a été maintenu jusqu’à la fin de la dynastie des Nguyên en 1945.

La même année, elle a été invitée à participer la Fête de l’Extrême-Orient en France. Elle a assuré la préparation du banquet du réveillon au Centre de recherche pour le développement culturel de Nantes et est devenue le personnage principal de l’article de Ouest France. Deux ans après, Mme Hoàng Anh a eu l’occasion de se présenter à la Journée culturelle du Vietnam en Suède. De ses mains habiles, elle a dirigé le buffet "Saveurs vietnamiennes" pour un banquet diplomatique à Stockholm. D’autre part, elle a été présente à plusieurs colloques et festivals gastronomiques internationaux en République de Corée ou aux États-Unis, entre autres. "À travers la gastronomie, je veux présenter aux amis étrangers les valeurs vietnamiennes. La gastronomie est un canal de diplomatie qui relie le Vietnam et les pays étrangers", a-t-elle souligné.

Ces dernières années, elle a été responsable de la rubrique "Gastronomie végétarienne" sur la revue spéciale Culture bouddhique. Les plats végétariens présentés sont ceux qu’elle a appris de sa mère et de la bonzesse Diêu Tri, de la jeune bonzesse Diêu Tân - les maîtresses de cette gastronomie dans les pagodes de Huê. C’est pour cette raison que la rubrique de Hoàng Anh est toujours applaudie par les moines et les jeunes lecteurs.

Hô Thi Hoàng Anh est enseignante à l’École touristique de Saigontourist. À travers ses cours, elle veut transmettre aux jeunes les techniques culinaires et la passion pour l’héritage gastronomique du pays. 

Vân Anh/CVN

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