>> Faire du privé un véritable levier pour un Vietnam prospère
>> Lever les obstacles politiques pour l’essor des entreprises privées
>> Libérer le potentiel du secteur privé : enjeux et bénéfices
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Une petite entreprise de transformation de nids de salanganes à Thanh Hóa (partie septentrionale du Centre). |
Photo : VNA/CVN |
Propriétaire d’un restaurant fonction-nant comme un foyer commerçant depuis une dizaine d’années dans la rue Tô Hiêu, arrondissement de Câu Giây, à Hanoï, Nguyên Van Long a envisagé de le transformer en entreprise pour pouvoir émettre des factures officielles aux clients. Cependant, après avoir étudié la situation réelle, il a constaté qu’il y avait trop de formalités à accomplir. Pour ce faire, il aurait fallu que son établissement de petite taille se dote d’un comptable, paie des frais syndicaux... M. Long a donc préféré maintenir le modèle d’affaires actuel.
“Si mon auberge devenait une entreprise, je devrais embaucher un comptable certifié, verser des cotisations syndicales et risquerais de payer des impôts plus élevés. Cela augmenterait les coûts alors que les recettes ne pourraient peut-être pas s’accroître”, explique-t-il.
D’après Mac Quôc Anh, vice-président de l’Association des petites et moyennes entreprises (PME) de Hanoï, la ville a pris de nombreuses mesures incitatives en faveur des sociétés en matière de procédures juridiques, de formalités administratives, d’organisation de formations et d’aide financière. Cependant, le nombre de ménages commerçants convertis en entreprises reste limité. La raison en est qu’après la transition, les obligations légales comme l’accroissement des impôts, le respect des règles concernant le design des produits et l’enseigne deviennent une charge parfois trop conséquente.
“En général, les familles commerçantes sont souvent gérées par une ou seulement quelques personnes, qui manquent de compétences et d’expérience en administration d’entreprise. Or, la conversion exige qu’elles les améliorent, leur posant ainsi un défi majeur”, reconnaît-il.
Faciliter la transition
Ces dernières années, le Vietnam a mis en place de nombreuses politiques favorables destinées à aider les foyers producteurs et commerçants à se transformer en sociétés.
Par exemple, selon la Loi sur le soutien aux PME, ces établissements bénéficient de l’exonération ou de la réduction d’impôts, de taxes et de frais. Plus précisément, ils sont exemptés de frais d’enregistrement des entreprises et de ceux liés à la fourniture d’informations commerciales lors de l’enregistrement initial. De plus, les sociétés ne sont pas patentables pendant trois ans à compter de la date de délivrance du certificat d’enregistrement pour la première fois. Elles verront également leurs frais d’utilisation des terres exonérés ou réduits conformément aux dispositions foncières…
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Une petite entreprise de transformation de nids de salanganes à Thanh Hóa (partie septentrionale du Centre). |
Photo : VNA/CVN |
Cependant, d’après Nguyên Thi Cúc, présidente de l’Association des conseillers fiscaux du Vietnam (VTCA), la plupart des ménages commerçants hésitent encore à se convertir en entreprises, estimant que les procédures seront compliquées, qu’ils devront payer plus d’impôts et que leurs affaires seront soumises à une surveillance stricte des autorités compétentes.
Il est même arrivé que certains déjà convertis, après avoir bénéficié d’avantages fiscaux pendant un certain temps, soient finalement revenus au modèle initial de foyer commerçant pour profiter de simples impôts forfaitaires payés chaque mois et à taux très bas. D’autant plus qu’à partir du 1er janvier 2026, les ménages ayant un chiffre d’affaires inférieur à 200 millions de dôngs ne seront plus soumis à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), au lieu du seuil actuel de 100 millions.
Selon Mme Cúc, l’expérience de nombreux pays montre que pour encourager ces petits établissements à se transformer en sociétés, le taux d’impôt appliqué aux premiers devrait généralement être plus élevé que celui des secondes.
Ainsi, pour inciter leur transformation, le Vietnam a besoin de mesures efficaces, les obligeant à payer des cotisations sociales, des assurances maladie et à se conformer aux règles de sécurité au travail comme une entreprise. “Si le taux d’imposition et le coût de la conformité réglementaire appliqués aux ménages d’affaires sont beaucoup plus bas que ceux des entreprises, alors ils ne voudront certainement pas changer de statut”, souligne-t-elle.
Élargir le soutien
Truong Thanh Duc, directeur du Cabinet d’avocat ANVI, est du même avis. D’après lui, puisque des foyers commerçants réalisent plusieurs dizaines de milliards, voire des centaines ou des milliers de milliards de dôngs de chiffre d’affaires, “il faut resserrer l’imposition forfaitaire et la surveillance fiscale à leur égard”.
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Le secteur privé a été une force cruciale dans la création d’emplois, la réduction de la pauvreté, l’amélioration du niveau de vie et la promotion d’une croissance économique inclusive et durable au Vietnam. |
Photo : VNA/CVN |
Cependant, cette mutation nécessite un soutien de l’État en termes de taxes, de procédures juridiques, de logiciels de comptabilisation et de comptabilité, ou de taux d’intérêt des prêts. “Si ce modèle continue d’exister tel quel, les ménages d’affaires ne pourront pas se développer et l’économie restera morcelée”, ajoute-t-il.
En réalité, d’après Mac Quôc Anh, nombre d’entre eux souhaitent une entreprise de grande envergure, élargie, plus professionnelle, mais ne sont pas suffisamment équipés de connaissances et de compétences en gestion dans le contexte d’intégration actuel. Hors, les politiques de soutien, bien que nombreuses, semblent se concentrer principalement sur la création d’entreprises ou l’entrepreneuriat.
Ainsi, les établissements souhaitent, pendant les trois premières années après le changement de statut, voir baisser ou être reportés divers frais, tels que l’impôt sur les sociétés, la taxe foncière, ou les cotisations sociales et d’assurance maladie.
En ce qui concerne le capital, il est nécessaire de multiplier les programmes de prêts préférentiels en faveur des PME et de développer des fonds d’assistance aux entreprises ayant des difficultés d’accès au crédit bancaire.
En matière de marché, il s’agit de continuer à favoriser l’accès des sociétés aux débouchés et de mettre en place davantage de politiques de soutien à leur export.
Enfin, il importe de renforcer la digitalisation et l’innovation chez les PME en leur accordant des aides aux coûts de logiciels, à l’infrastructure technologique et à la formation du personnel.
“Il nous faut un mécanisme d’assistance plus large, plus grand et plus soutenu”, conclut M. Quôc Anh.
Thúy Hà - Gia Hung/CVN