Des Viêt kiêu rentrent au pays pour une retraite paisible

Chaque matin à 07h30, Mme Thu Hà, 67 ans, américaine d’origine vietnamienne, monte dans un taxi pour parcourir les sept kilomètres qui la séparent d’un centre d’accueil pour personnes âgées où elle entame sa journée entourée d’une dizaine de compagnons de son âge, par des exercices doux : ballon qui circule de main en main, bras levés en rythme, respiration profonde.

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Mme Nancy Hông (droite) dans la maison de retraite Tam An, dans le quartier de Thu Duc, à Hô Chi Minh-Ville.
Photo : Ngoc Ngân/CVN

Après l’effort, place aux conversations, au déjeuner, puis à des cours de dessin et de danse. Sa journée se termine par un bain aux herbes, avant de retrouver sa maison du quartier de Cho Lon à Hô Chi Minh-Ville vers 17 heures. "Je rentre le corps léger, l’esprit joyeux", confie-t-elle avec un sourire.

Sa vie au Vietnam contraste avec ses années d’exil. Dix ans aux États-Unis ne lui ont jamais permis de s’adapter : un fils et une belle-fille trop occupés au salon de manucure pour lui tenir compagnie, des soirées silencieuses, une solitude qui s’est creusée encore après la mort de son mari. En 2024, elle a pris une décision radicale : rentrer au pays et s’installer auprès d’un neveu. D’abord isolée, elle a trouvé dans ce centre de jour une solution idéale. "Depuis cinq mois, je n’ai plus un seul moment d’ennui", raconte-t-elle.

Une tendance qui prend de l’ampleur

L’histoire de Mme Hà illustre une réalité nouvelle : de plus en plus de Viêt kiêu choisissent de rentrer au pays pour leur retraite. Selon Peter Hông, vice-président de l’Association des entrepreneurs vietnamiens à l’étranger, sur les 5,5 millions de Vietnamiens vivant hors du pays, plus de 20 % sont déjà à la retraite ou s’en approchent. Beaucoup expriment le désir de revenir vivre, investir et retrouver leurs racines. Rien qu’en Australie, près de 170.000 sur 350.000 Vietnamiens expatriés déclarent envisager ce retour.

Les raisons d’un retour aux sources

Pour Doan Thi Ngoc, spécialiste en travail social formée aux États-Unis, ce choix répond à trois besoins : retrouver sa langue, sa cuisine et sa culture ; profiter d’un coût de la vie plus abordable qu’en Occident ; accéder à des soins médicaux moins onéreux et plus proches.

"La culture vietnamienne valorise les aînés. Beaucoup veulent être écoutés, respectés par leurs enfants et petits-enfants", souligne-t-elle.

Des histoires de vie, entre choix et nécessité

Mme Nancy Hông, 73 ans, et son mari, Kiên Tuong, 78 ans, installés aux États-Unis depuis 1978 ont longtemps hésité. Mais lorsque la maladie de Parkinson de M. Tuong s’est aggravée fin 2024, le couple a fait un choix : rentrer au Vietnam. Là où les soins en maison spécialisée coûtent 8.000 dollars par mois aux États-Unis, un centre de Thu Duc leur propose une prise en charge complète pour 20 millions de dôngs (moins de 1.000 dollars). "Ici, le personnel nous appelle “papa” et “maman”. Nous sommes une grande famille de cinquante résidents", raconte Mme Hông.

Mme Nguyễn Thị Hoàn, 82 ans (droite), regarde la télévision avec ses compagnons dans la maison de retraite Diên Hông au quartier de Linh Nam, à Hanoï. 
Photo : Phan Duong/CVN

Mme Nguyễn Thị Hoàn, expatriée en République tchèque a elle aussi décidé de rentrer après un accident vasculaire cérébral. Après un séjour éprouvant en Europe – soins limités, communication difficile avec les médecins – elle a retrouvé à Hanoï un suivi plus humain. "Je reste dépendante, mais ici je choisis ce que je mange, à qui je parle et comment je me soigne", explique-t-elle.

Une opportunité pour le Vietnam

Pour Mme Ngoc, cette vague de retours n’est pas qu’une affaire de nostalgie. Elle constitue une opportunité économique et sociale : création d’emplois pour les soignants, attractivité accrue auprès d’étrangers, et surtout affirmation du Vietnam comme pays où il fait bon vieillir.

Mme Trân Thi Thuy Nga, directrice d’une maison de retraite à Hanoï, confirme : "Nous avons déjà accueilli plus de dix Viêt kiêu âgés. Ils reviennent parce qu’ici, ils trouvent des soins adaptés et une attention qu’ils n’avaient pas ailleurs". 

Cette tendance pousse le pays à diversifier ses politiques de prise en charge : internats, accueils de jour, soins de courte et longue durée, amélioration des standards infirmiers et du système de santé.

En somme, le Vietnam ne se contente plus d’être un pays d’émigration de main-d’œuvre. Il devient peu à peu une terre de retour, où les anciens renouent non seulement avec leur langue et leurs racines, mais bénéficient aussi d’une qualité de vie qu’ils n’espéraient plus.

Tâm An/CVN

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