Vietnam - France : L’innovation, pilier d’un partenariat stratégique global d’avenir

Lors d’une interview accordée au Courrier du Vietnam, l’ambassadeur de France, Olivier Brochet, révèle comment la Résolution 57 catalyse une synergie commune sans précédent. Une collaboration bilatérale intense se dessine, promettant des percées majeures en innovation et haute technologie.

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Photo : VNA/CVN

Quel bilan dressez-vous des récentes avancées et des événements majeurs qui ont jalonné les relations entre la France et le Vietnam, et quelles nouvelles perspectives en découlent ?

Effectivement, la relation franco-vietnamienne connaît une dynamique exceptionnelle depuis plus d’un an, fruit d’un travail intense et concerté. Je tiens à souligner l’impulsion décisive donnée par le secrétaire général Tô Lâm. Quelques semaines seulement après sa nomination à la tête du Parti communiste et de l’État - il était alors également président de la République - il a choisi de se rendre en France en octobre 2024. Ce déplacement, à l’occasion du Sommet de la Francophonie à Paris - Villers-Cotterêts et d’une visite bilatérale cruciale, a été marqué par une proposition historique : l’élévation de la France au statut de partenaire stratégique global du Vietnam.

Depuis lors, nous nous attelons à donner corps à ce partenariat. Nos deux nations partagent des intérêts et des visions communes, une histoire riche, et des affinités culturelles profondes.

Cette intensification s’est concrétisée en mai dernier, lors de la visite d’État du président Emmanuel Macron au Vietnam, par la signature d’une trentaine d’accords. Ces accords, d’une grande diversité, témoignent de l’intensité de notre coopération et de notre volonté commune de faire face aux défis internationaux. Ensemble, nous souhaitons renforcer nos souverainetés et nos autonomies stratégiques avec nos partenaires - l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est d’un côté, l’Union européenne de l’autre.

Nos grands axes de travail se traduisent par des partenariats de confiance sur des sujets stratégiques pour le Vietnam. En matière de sécurité et de défense, une lettre d’intention a été signée entre nos ministres respectifs, soulignant notre volonté de coopérer. Nous nous engageons également sur les grands projets stratégiques du Vietnam, en particulier la transition énergétique, y compris le développement de l’énergie nucléaire. Nous œuvrons pour des solutions plus efficaces et décarbonées. La France, forte de son expertise, propose d’avancer sur des projets d’envergure tels que la ligne à grande vitesse et d’autres projets ferroviaires. Au-delà du rail, nous sommes des partenaires majeurs dans l’aéronautique et le transport maritime, comme en témoigne l’investissement de 700 millions d’euros annoncé par CMA CGM à Hai Phong, visant à faire du Vietnam un véritable hub régional. En outre, la formation et la recherche constituent également un pilier essentiel de notre coopération bilatérale.

L’ambassadeur de France au Vietnam, Olivier Brochet. 
Photo : Hông Anh/CVN

Quelles analyses faites-vous de la Résolution 57, en date du 22 décembre 2024, du Politburo du Parti communiste vietnamien, et quelles sont ses implications pour le développement futur du pays ? Comment la France, en tant que partenaire stratégique global, accompagne-t-elle le Vietnam dans cette démarche ?

Nous avons évidemment pris note avec grand intérêt de cette Résolution 57. Le secrétaire général du Parti, Tô Lâm, s’y est d’ailleurs beaucoup investi, pilotant le Comité central de suivi de sa mise en œuvre.

Ce texte répond à une analyse très juste des dirigeants vietnamiens sur le tournant actuel du pays. Après 25 ans de développement extrêmement rapide, le Vietnam est confronté à une stagnation de la productivité. La Résolution 57 vise précisément à éviter le piège dans lequel se retrouvent certains pays émergents, en investissant massivement dans la recherche et l’innovation pour accroître la valeur ajoutée de la production nationale. L’objectif est de renforcer les capacités du pays et d’atteindre ses objectifs de développement, tout en respectant ses engagements internationaux, notamment ceux pris lors des COP sur le climat, comme la neutralité carbone d’ici 2050.

Comment concrétisons-nous ce soutien ? Premièrement, lors de la visite d’État du président Emmanuel Macron, nous avons signé un nouvel accord intergouvernemental de coopération sur la recherche et l’innovation. Cet accord va nous permettre d’intensifier les relations entre nos universités et nos laboratoires de recherche, facilitant la mobilité des chercheurs, notamment avec le lancement du programme Hubert Curien en France.

Le président français Emmanuel Macron lors d’une rencontre avec les étudiants de l’USTH sur le thème “France - Vietnam : un avenir commun”, le 27 mai 2025 à Hanoï. 
Photo : VNA/CVN

Le deuxième axe de coopération concerne la formation. Nous souhaitons nous appuyer davantage sur les trois universités franco-vietnamiennes, qui se sont développées au Vietnam au cours des dernières décennies. Je pense à l’Université des sciences et technologies de Hanoï (USTH), qui a atteint un rythme de développement très prometteur et répondra en partie aux besoins du Vietnam en matière de formation de techniciens supérieurs et d’ingénieurs. Il y a aussi le programme de formation des ingénieurs d’excellence, un partenariat entre les trois grands instituts polytechniques du Vietnam (Hanoï, Dà Nang, Hô Chi Minh-Ville) et un consortium des plus grandes écoles et universités françaises. Enfin, le troisième campus est le Centre franco-vietnamien de formation à la gestion (CFVG), qui délivre un quart des MBA au Vietnam et joue un rôle crucial dans l’accompagnement du développement économique.

Enfin, le dernier axe concerne les nombreux projets de coopération économique et industrielle. Avec les entreprises françaises et en partenariat avec nos homologues vietnamiens, nous veillons à ce que chaque projet intègre une part importante de formation et de transfert de technologie, en parfaite adéquation avec la vision des autorités vietnamiennes.

Comment évaluez-vous l’attractivité du marché vietnamien pour les entreprises françaises spécialisées dans l’innovation et la haute technologie ?

Le Vietnam est bien plus qu’un simple marché ; c’est un pays qui possède tous les atouts pour attirer les investisseurs et les entreprises. Sa main-d’œuvre est reconnue pour sa qualité, il affiche une dynamique de croissance exceptionnelle, et son marché intérieur est en pleine expansion. De plus, pour les entreprises multinationales, le Vietnam offre la possibilité de s’intégrer davantage comme un pôle de production à haute valeur ajoutée. L’intérêt est donc indéniable et très clair.

Des investissements sont actuellement possibles dans des domaines stratégiques. J’ai déjà évoqué les transports et l’énergie, des secteurs que toutes les entreprises françaises suivent de très près. Le secteur de la santé suscite également un grand intérêt. À titre d’exemple, lors de la visite d’État du président Macron, Sanofi a signé un accord majeur avec VNVC, et Servier a également conclu un accord avec une autre entreprise pharma-ceutique vietnamienne.


Photos : VNA/CVN

Par ailleurs, un environnement économique favorable est essentiel et doit être constamment amélioré. Les autorités vietnamiennes en sont parfaitement conscientes. De nombreuses réformes et changements réglementaires ont déjà été engagés, allant dans la bonne direction. Nous espérons naturellement que cette voie se poursuivra, car ces évolutions incitent un nombre croissant d’entreprises françaises, européennes et d’ailleurs, à investir au Vietnam.

Quels projets emblématiques, notamment dans les infrastructures, les technologies avancées ou les semi-conducteurs, ont vu le jour au Vietnam grâce à l’implication d’entreprises françaises ?

Ces domaines sont effectivement très prometteurs, d’autant que de nombreuses entreprises françaises sont déjà implantées ici, ou ont été fondées par des Français résidant au Vietnam, contribuant activement à ce développement grâce à leurs liens privilégiés avec la France.

Parmi les grands secteurs emblématiques, l’aéronautique se distingue. C’est un marché commercial majeur pour Airbus, comme en témoignent les récentes commandes de Vietjet lors de la visite présidentielle et du Salon du Bourget. Mais au-delà de l’aspect commercial, le Vietnam devient un véritable partenaire de développement économique. Depuis plusieurs mois, Airbus fait par exemple fabriquer des portes d’A320 ici au Vietnam. Sachant que les exigences de qualité dans l’aéronautique sont comparables à celles du nucléaire ou de la santé - c’est le niveau le plus élevé - cette production locale est un signe fort des premiers transferts de technologie et de l’intégration d’entreprises vietnamiennes dans cette chaîne de valeur très exigeante.

Je tiens également à souligner notre coopération dans le domaine spatial, mise en avant lors de la visite présidentielle par la signature d’un accord entre Airbus Space, l’Académie vietnamienne des sciences et technologies (VAST) et le Centre national d’études spatiales (CNES), pour intensifier la collaboration dans ce secteur.

Concernant les transports, notamment pour le ferroviaire, il existe un potentiel de développement considérable selon les orientations du Vietnam.

L'accord entre Sanofi et VNVC a aussi été signé dans le cadre de la visite d’État du président français Emmanuel Macron au Vietnam en mai 2025. 
Photo : VNA/CVN

Le secteur de la santé est un autre domaine d’excellence, comme le démontre l’accord entre Sanofi et VNVC. La santé représente déjà un quart des exportations françaises vers le Vietnam et connaît une croissance régulière. Au-delà des échanges commerciaux, nous assistons désormais à des investissements de production, notamment dans le domaine des vaccins, et des coopérations futures sont très probables.

S’agissant des semi-conducteurs, la France est un pays d’excellence dans ce domaine, avec des entreprises extrêmement importantes et innovantes. Je pense notamment à Dassault Systèmes, dont les capacités, initialement développées pour l’aéronautique, s’appliquent désormais à la santé et à de nombreux autres secteurs.

Les entreprises françaises sont non seulement compétentes, mais aussi très désireuses de renforcer leurs liens avec le Vietnam. Pour souligner cet intérêt et le potentiel de collaboration, nous avons décidé, à l’occasion de la visite du président de la République, de lancer l’Année de l’innovation France - Vietnam 2025-2026. Pendant les 18 prochains mois, nous co-organiserons, avec le National Innovation Center (Centre d’innovation national) du Vietnam, une série de manifestations visant à exploiter tout le potentiel d’innovation qui peut naître de la coopération entre entreprises, laboratoires et universités français et vietnamiens. C’est notre feuille de route pour les mois à venir.

Hông Anh/CVN

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