Pêche illicite
Vers une pêche responsable pour lever le "carton jaune" de l’UE

Sous le "carton jaune" de la Commission européenne depuis plus de huit ans pour la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN), le Vietnam est à un tournant : combler ses insuffisances et bâtir une filière halieutique transparente, responsable et durable.

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Photo : VNA/CVN

Au-delà d’une simple exigence technique visant à préserver les marchés d’exportation, la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN) est devenue un véritable test pour la capacité de gouvernance des pêches, le respect du droit par les pêcheurs et la mobilisation coordonnée de l’ensemble du système politique.

Dans des provinces méridionales comme Dông Tháp, Vinh Long ou Tây Ninh, ce processus révèle aujourd’hui des évolutions encourageantes : changement progressif des mentalités des pêcheurs, mise en place de modèles de production innovants à l’échelle locale, renforcement de la gestion grâce aux technologies et aux cadres réglementaires. Autant d’éléments qui posent peu à peu les bases d’une pêche responsable.


Les faits montrent que l’une des causes profondes des infractions à la réglementation INN par le passé résidait dans une connaissance encore limitée des pêcheurs concernant les frontières maritimes, le droit international et les conséquences de la pêche illégale. C’est pourquoi, dans la stratégie visant à lever le "carton jaune", les autorités locales ont fait de la sensibilisation une priorité, en amont de toute autre mesure.

Avec une flotte de plus de 7.800 navires opérant en mer, la province de Dông Tháp a adopté le principe "au plus près du terrain" : aller directement à la rencontre des bateaux et des hommes. Les informations relatives à la Loi sur la pêche de 2017, aux réglementations INN, à l’installation et au maintien du fonctionnement des systèmes de surveillance des navires (VMS), ou encore à la tenue des journaux de pêche, ne sont pas seulement diffusées lors de réunions officielles, mais relayées de manière régulière par les radios locales, les pages officielles sur les réseaux sociaux et les groupes Zalo réunissant armateurs et capitaines.

À Dông Tháp, les autorités privilégient l'action de terrain en allant directement à la rencontre des bateaux et des pêcheurs.
Photos : VNA/CVN

À Dông Tháp, les autorités privilégient l’action de terrain en allant directement à la rencontre des bateaux et des pêcheurs.

À Gia Thuân - commune disposant de la plus grande flotte de pêche de la province - la sensibilisation est étroitement liée au contrôle et à la supervision sur le terrain. Avant chaque sortie en mer, les pêcheurs sont invités à vérifier licences, équipements et documents de bord ; après chaque marée, les procédures d’entrée au port et de déclaration des captures sont appliquées avec rigueur. Résultat : depuis 2024, aucune infraction liée à la pêche INN ni aucun cas de violation des eaux étrangères n’y a été recensé.

À Vinh Long, la sensibilisation ne se limite pas à "expliquer aux pêcheurs", mais vise à "travailler avec eux". Les gardes-frontières accompagnent directement les capitaines dans la tenue des journaux de pêche, les déclarations électroniques ou la gestion des incidents liés à la perte de signal VMS. Nombre de pêcheurs reconnaissent qu’après une phase initiale d’hésitation, ces accompagnements pratiques ont rendu le respect des règles plus simple et plus rassurant, leur permettant de poursuivre leurs activités en mer sur le long terme.


Au-delà du changement des mentalités, les localités concernées ont fait preuve de souplesse en déployant des modèles d’organisation de la production et de gestion des pêches adaptés aux réalités locales, contribuant ainsi à l’application concrète des règles IUU.

À Vinh Long, le modèle "Information rapide, accompagnement des pêcheurs", mis en œuvre par le poste de garde-frontières de Long Vinh, est considéré comme une initiative efficace dans le contexte de la transition numérique. Grâce à des groupes Zalo reliant directement les forces de garde-frontières à plus de 200 armateurs et capitaines, des centaines d’informations essentielles - sur la législation, les limites maritimes, la météo ou les opérations de secours - sont diffusées en temps réel. Les pêcheurs peuvent ainsi ajuster leurs itinéraires et éviter des infractions liées à un manque ou à un retard d’information.

Photo : VNA/CVN

De son côté, Dông Tháp a opté pour une réorganisation de la production à travers des groupes coopératifs et des coopératives de pêche. Depuis 2014, la province a mis en place 31 groupes coopératifs, une coopérative et trois syndicats professionnels. Ces structures permettent non seulement de partager les informations sur les zones de pêche, de renforcer la logistique et de réduire les coûts de carburant, mais aussi d’instaurer une forme de "discipline collective souple", où les membres se surveillent et se rappellent mutuellement leurs obligations en matière de pêche responsable.

Au sein de ces groupes, l’activation permanente du VMS, le respect des zones et des routes autorisées, ainsi que la tenue rigoureuse des journaux de pêche sont devenus des règles communes. En cas de problème technique sur un navire, l’information est immédiatement partagée afin d’apporter un soutien rapide et d’éviter tout risque d’infraction. Cette organisation collective permet d’améliorer la rentabilité économique tout en réduisant sensiblement les risques juridiques.


L’une des exigences fondamentales de la Commission européenne est la capacité du Vietnam à contrôler l’ensemble de la chaîne de la pêche - du départ du navire au port, aux activités en mer, jusqu’au débarquement et à la mise sur le marché des produits. Cela suppose une mobilisation forte des outils technologiques et des mécanismes institutionnels.

Dông Tháp intensifie ses efforts pour lutter contre la pêche INN.

À Dông Tháp, le Service de l’agriculture et de l’environnement travaille en étroite coordination avec les forces compétentes pour surveiller les itinéraires des navires de pêche et sanctionner strictement les cas de perte de signal VMS ou de franchissement des limites autorisées. Le système électronique de traçabilité des produits halieutiques (eCDT) est déployé de manière synchronisée, imposant à 100% des navires entrant ou sortant des ports, ainsi qu’aux entreprises de collecte, la mise à jour des données, garantissant la transparence et la légalité des produits.

À Vinh Long, une permanence de surveillance 24h/24 via le système VMS est assurée, avec une répartition claire des responsabilités entre les services, les autorités locales et les agents chargés du suivi. Les problèmes persistants - tels que les navires perdant le signal VMS ou enregistrés dans une province mais opérant ailleurs - sont désormais clairement identifiés afin d’éviter tout "vide de responsabilité".

En pleine saison, le port de Vàm Lang (commune de Gia Thuân, province de Dông Tháp) s'anime : chaque jour, des centaines de tonnes de produits de la mer sont triées et pesées.
Photo : VNA/CVN

Bien que dépourvue de façade maritime, la province de Tây Ninh assume également sa part de responsabilité dans les efforts nationaux pour lever le "carton jaune". Elle renforce sa coopération avec les provinces côtières dans la gestion des navires et met en œuvre des politiques de soutien financier pour aider les pêcheurs à moderniser ou remplacer leurs équipements de surveillance, considérés comme une solution préventive essentielle.

Selon les experts, le marché européen ne représente pas seulement une valeur économique majeure, mais constitue également une référence internationale en matière de pêche durable. Répondre aux recommandations de la Commission européenne ne vise donc pas uniquement à préserver les débouchés commerciaux, mais permet aussi au secteur halieutique vietnamien d’améliorer globalement sa gouvernance, sa traçabilité et sa responsabilité environnementale.

L’expérience menée à Dông Tháp, Vinh Long et Tây Ninh montre que lorsque les pêcheurs comprennent la loi, lui font confiance et en perçoivent les bénéfices à long terme, la lutte contre la pêche INN cesse d’être une contrainte extérieure pour devenir une démarche volontaire. 



La levée du "carton jaune" est un processus de longue haleine, qui exige persévérance et cohérence. Mais au-delà de cet objectif, elle constitue aussi une opportunité pour le Vietnam de restructurer son secteur halieutique : réduire la pression sur les ressources, protéger les écosystèmes marins et diversifier les moyens de subsistance des communautés de pêcheurs.

Les plans de communication, de gestion et de reconversion du secteur halieutique pour la période 2025-2030 à Dông Tháp, ainsi que les politiques de soutien aux équipements et à la gestion des flottes à Vinh Long et Tây Ninh, traduisent une vision à long terme : non seulement prévenir les infractions, mais aussi préserver la mer pour les générations futures.

Lorsque la sensibilisation gagne en profondeur, que les modèles de production s’avèrent efficaces, que la technologie est appliquée de manière cohérente et que le cadre institutionnel est strictement respecté, l’objectif de lever le "carton jaune" cesse d’être une fin en soi. Plus encore, le Vietnam est en train de façonner progressivement une pêche responsable, dans laquelle les pêcheurs sont au cœur du dispositif, assurant à la fois leur subsistance, la protection de la souveraineté maritime et la préservation des ressources halieutiques nationales.

Mai Quynh/CVN

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