>> Des élèves vietnamiens insufflent un "vent nouveau" sur un archipel japonais
>> Une Professeure agrégée vietnamienne à la meilleure université d’Australie
>> L'École de langue japonaise Goto à Nagasaki, un tremplin pour les étudiants vietnamiens
>> La passion des enseignants vietnamiens d’outre-mer pour le vietnamien
Photo : NVCC/CVN |
“Aucun élève ne se lève le matin en souhaitant échouer. C’est juste qu’ils n’ont pas eu l’opportunité de s’exprimer ou ne savent pas comment réussir”. Van Tân Hoàng Vy a pris conscience de cela alors qu’il était professeur de mathématiques dans le lycée Sam Houston au Texas, classé au plus bas niveau par la Commission de l’éducation de cet État du Sud des États-Unis pendant six années consécutives. Cette année-là, à 23 ans, le jeune professeur vietnamien venait d’obtenir son diplôme dans l’une des universités les plus prestigieuses du Royaume-Uni, l’Imperial College London. Lui et d’autres jeunes enseignants avaient été recrutés dans l’espoir de renouveler et améliorer la qualité de l’enseignement dudit lycée.
Hoàng Vy a été surpris de constater dès le premier jour que les élèves ne voulaient pas faire leurs devoirs. Ils restaient assis, sans perturber la classe, mais ne réagissaient pas au cours. À la vue d’un simple exercice de graphique, près de 30 élèves restaient immobiles. Certains ne savaient même pas combien de côtés possède un triangle.
Au cours de la première semaine, l’enseignant Vy a dû abandonner complètement le programme qu’il avait élaboré pendant les trois mois d’été. Décidant de ne pas suivre le plan de cours imposé par la hiérarchie, il a recomposé le sien en se basant sur les capacités des élèves, dans le but de combler leurs lacunes.
La première chose qu’il a faite a été de permettre à ses élèves de “goûter la saveur de la réussite”. Au lieu de leur donner des exercices de mathématiques trop complexes, il les a décomposés en étapes simples pour que les élèves réalisent “finalement, je peux y arriver”. Par ce processus, il a également reconstruit des bases de connaissances solides avant de les confronter à des problèmes plus complexes. Grâce à cela, les élèves ont petit à petit repris confiance en eux.
Photo : NVCC/CVN |
Pendant sa première année à Sam Houston, le professeur Hoàng Vy était toujours présent à l’école de 06h00 du matin jusqu’à 18h00 ou 19h00 le soir pour préparer ses cours ou aider les élèves qui n’avaient pas bien compris la leçon du jour. “J’espère que mes élèves progresseront étape par étape, qu’ils feront toujours de leur mieux et verront qu’ils peuvent réussir”, explique-t-il.
Au lieu d’utiliser les tests standardisés de l’État, Hoàng Vy a conçu ses propres tests pour évaluer les élèves à chaque étape. Il ne s’est jamais mis en colère contre les élèves, et il s’est efforcé de se rappeler le nom et les centres d’intérêt de chacun d’entre eux pendant ses quatre années d’enseignement à Sam Houston. De plus, tous les ans, Hoàng Vy demandait à ses élèves d’afficher leur rêve sur un tableau. Ces rêves restaient accrochés pendant toute l’année, servant de guide pour les élèves lorsqu’ils se sentaient découragés ou manquaient de motivation.
Ce dévouement indéfectible du jeune professeur a porté ses fruits. Au bout d’un an, 98% des élèves réussissait le test standardisé de mathématiques de l’État du Texas contre seulement 33% à la fin de l’année scolaire précédente. Certains élèves qui pensaient ne pas pouvoir obtenir leur diplôme de fin d’études secondaires (baccalauréat) ont finalement pu intégrer des universités américaines. Plusieurs anciens élèves de Hoàng Vy sont même devenus enseignants à leur tour.
“Le professeur Vy ne s’est pas contenté de transmettre des connaissances, il nous a aussi aidés à changer notre attitude, à prendre conscience de l’importance des études et à trouver notre voie”, confie Brittany Cantu, une élève de Sam Houston autrefois considérée comme “problématique”. Aupara-vant, Cantu détestait l’école et voulait abandonner à cause de ses mauvais résultats. “Mais le professeur Vy ne m’a pas jugée, il m’a aidée à me relever”, se souvient-elle avec gratitude.
La plupart des élèves de l’Académie Van Houston aux États-Unis sont d’origine vietnamienne. |
Photo : CTV/CVN |
Jusqu’à présent, Hoàng Vy a toujours considéré son métier d’enseignant comme une destinée. Ancien élève en spécialité mathématiques du Lycée d’excellence Lê Quy Dôn dans la ville de Nha Trang, province de Khanh Hoa (Centre), Hoàng Vy a obtenu une bourse pour suivre le programme A-level pour étudier en Grande-Bretagne, avant d’être admis en mathématiques à l’Imperial College London.
La plupart de ses camarades de classe et de nombreux anciens étudiants à l’étranger ont choisi de travailler dans la banque ou le secteur médical. Lui-même n’avait jamais pensé devenir professeur.
La première fois que Hoàng Vy a enseigné c’était pendant l’été de sa première année à l’Imperial College London. Il a accompagné un professeur pour être assistant d’enseignement auprès d’élèves de Hackney, le quartier le plus pauvre de Londres. Faute de personnel, on lui a même proposé d’enseigner directement.
“Quand j’ai fait classe, j’ai ressenti de la joie et j’ai beaucoup aimé ce travail. Auparavant, j’ai eu de nombreux autres emplois, mais aucun ne m’a procuré ce sentiment. Après trois semaines d’enseignement, il a décidé d’en parler à sa famille et de leur faire part de son choix de devenir enseignant”, se souvient-il.
L’enseignant Van Tân Hoàng Vy. |
Photo : NVCC/CVN |
Gardant ce rêve à l’esprit jusqu’à la fin de ses études, il a eu l’opportunité de travailler à Sam Houston. Bien qu’il y ait rencontré de nombreux élèves en difficulté, Hoàng Vy ne s’est jamais découragé.
“Je pense simplement que pour les bons élèves, les enseignants n’ont qu’un rôle de guide, car ceux-ci ont la capacité d’explorer et d’apprendre par eux-mêmes. Ce sont les élèves en difficulté qui ont le plus besoin d’excellents enseignants”.
Pour lui, enseigner à des élèves en difficulté, leur transmettre le goût d’apprendre et les aider à progresser jour après jour, est la plus grande joie du métier d’enseignant.
“J’ai des collègues qui ont pleuré de joie en voyant que les élèves avaient amélioré leurs notes de fin d’année. Je pense que lorsqu’on a la passion du métier, on ne se décourage jamais et on cherche seulement comment faire progresser les élèves pas à pas”, dit-il.
Après quatre ans de service dans l’école Sam Houston, dont trois ans en tant que chef du département de mathématiques, Hoàng Vy a décidé d’interrompre ses activités d’enseignement pour se concentrer sur la recherche approfondie en pédagogie et la construction de programmes scolaires. Son souhait était alors d’étendre son champ de compétences et de soutenir davantage d’élèves en dehors de son école. En 2012, il a postulé à l’Université de Stanford pour suivre un master en éducation.
“Avant d’entrer dans l’enseignement, je n’avais jamais suivi de formation pédagogique. Tout ce que je faisais était guidé par mon instinct”, explique-t-il. Mais après deux ans d’études et l’obtention de son diplôme avec mention à Stanford, Hoàng Vy a commencé à avoir davantage confiance en ses connaissances et ses compétences. C’est à ce moment-là qu’il a voulu retourner s’engager auprès de la communauté vietnamienne.
L’idée d’une école vietnamienne à Houston a alors commencé à germer. En 2016, l’Académie Van Houston a vu le jour, fonctionnant d’abord selon un modèle “Après l’école” - tutorat après les heures de classe. Cependant, selon Hoàng Vy, ce modèle, bien que financièrement avantageux, n’avait pas une grande signification sur le plan éducatif. “Avec seulement deux heures par jour, je ne pouvais pas garder de bons enseignants car les salaires n’étaient pas suffisants pour subvenir à leurs besoins. Ce temps était également insuffisant pour permettre aux élèves de progresser réellement”.
C’est pourquoi, après deux ans, Hoàng Vy a décidé d’élargir le modèle pour en faire une école privée à temps plein. En 2019, la pandémie de COVID-19 a éclaté, obligeant les élèves à rester à la maison et forçant les écoles à passer à l’enseignement en ligne. La nouvelle école de Hoàng Vy a également été ébranlée par ses infrastructures rudimentaires, incapable de maintenir ses activités pédagogiques. Cette année-là, l’école a dû fermer et tous les élèves ont été renvoyés vers des écoles publiques.
Mais heureusement, en 2021, le pays a commencé à rouvrir ses infrastructures et Hoàng Vy a décidé de “sauver” l’école en rassemblant six de ses anciens enseignants qui à l’époque étaient prêts à abandonner leurs emplois actuels pour revenir et s’unir avec lui pour participer au “sauvetage” de l’établissement.
Malgré des infrastructures peu reluisantes, grâce à la “réputation” des enseignants de l’époque du modèle “After school”, de nombreux parents étaient prêts à ramener leurs enfants.
Cependant, il y avait aussi beaucoup de doutes sur une école fondée par un Vietnamien. “Beaucoup disent que les bulletins de note de l’école ne sont pas reconnus et qu’il sera donc très difficile d’entrer dans les universités américaines. Mais je reste ferme sur ma position, en faisant de mon mieux pour les élèves et les parents aient confiance”, s’enthousiasme-t-il.
Selon les réglementations américaines, les écoles privées doivent fonctionner pendant au moins deux ans avant d’être éligibles pour la certification Cognia - l’un des plus grands organismes d’accréditation éducative au monde. En 2022, cinq experts de l’éducation ont été envoyés pour examiner les plans de cours, le programme et interviewer le personnel, les élèves et les parents. L’école de Hoàng Vy a passé avec succès tous les cycles d’évaluation avec de très bons résultats. Grâce à cela, l’école est passé de huit élèves au départ à 200 élèves et 20 enseignants, en cinq ans d’activité. La plupart sont d’origine vietnamienne.
Ayant étudié à l’étranger, Hoàng Vy a également remarqué que la principale barrière pour les étudiants étrangers était de comprendre le programme scolaire complexe des États-Unis et les difficultés dans la transition vers un nouvel environnement. Par conséquent, son souhait est de soutenir et d’accompagner l’intégration et l’adaptation des élèves. “Ce que j’apprécie le plus dans les écoles vietnamiennes, c’est la culture communautaire. Auparavant, lorsque j’enseignais à Houston, j’ai constaté que les élèves n’étaient plus en contact après l’école car ils tissaient peu de liens. C’est pourquoi j’aspire à avoir une école où les élèves se sentent chez eux”.
Chaque vendredi, à l’Académie Van Houston, les élèves se réunissent pour des activités communes, des échanges, des sports, du yoga, etc. Les élèves suivent également des parcours personnalisés, adaptés à leurs capacités individuelles. Ils bénéficient toujours de l’accompagnement et du soutien des enseignants pour ne pas se sentir perdus pendant les leçons.
“Tout ce que je fais vise à placer les élèves en premier. Je crois qu’agir pour les élèves avant tout convainc les enseignants de rester et de s’engager. Et ce sont les résultats obtenus par les élèves qui convaincront les parents de la qualité de la formation de notre établissement scolaire”, conclut Hoàng Vy.
Thuy Nga - Phuong Nga/CVN