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Cent ans d'encre et de mémoire. L'histoire de la presse révolutionnaire vietnamienne est une fresque où se mêlent courage, passion et sens du devoir. Pour mieux comprendre cet héritage journalistique, nous avons suivi un parcours des couloirs chargés d'histoire du Musée de l'histoire militaire du Vietnam aux salles silencieuses du Musée de la presse vietnamienne.
Quand les journalistes prenaient les armes
Ils étaient journalistes et soldats. Sous les bombes, les reporters de guerre vietnamiens ont risqué leur vie pour documenter les révolutions, enregistrer les victoires, et transmettre au monde les luttes de leur peuple.
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L'équipe de journalistes de pointe de l'Agence Vietnamienne d'Information couvre la campagne Hô Chi Minh, en avril 1975. |
Photo : VNA/CVN |
Võ Thế Ái (1930-2025), figure emblématique de l’Agence Vietnamienne d’Information (Vietnam News Agency - VNA), fut le premier journaliste envoyé sur le front Sud dès 1959, avant même la création du Front national de libération du Sud-Vietnam. Unique reporter présent lors du soulèvement de Trà Bồng à Quảng Ngãi (Centre), il avait rapporté les combats les plus intenses de la bataille de Diên Biên Phu (13 mars - 7 mai 1954).
“Nous étions là, à Him Lam, la colline A1, Mường Thanh... Notre mission était primordiale : transmettre les informations les plus précises et rapides possibles sur la campagne, afin d’annoncer la victoire non seulement au gouvernement central, mais aussi aux stations radio des Régions 3, 4, 5 et du Sud”, confiait-il.
En 1972, en pleine intensification du conflit au Sud du Vietnam, la VNA recruta des étudiants talentueux du Nord, formant la promotion GP10. Ces jeunes reporters étaient envoyés sur tous les fronts, de Quang Tri (Centre) à Cà Mau (extrême-Sud). Parmi eux, Cao Tân Hòa, qui partage un souvenir de ses missions : “En chemin, nous avons cueilli des fleurs de myrte tomenteux. Soudain, en levant les yeux, j’ai découvert un champ de mines non déminé. Ne sachant plus où mettre les pieds, nous avons poursuivi les yeux fermés, priant pour notre survie. Par miracle, nous sommes arrivés sains et saufs”. Cette histoire illustre la réalité quotidienne des reporters de guerre vietnamiens : entre romantisme fugace et danger permanent.
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Espace dédié à l'Agence Vietnamienne d'Information (Vietnam News Agency) au Musée de la presse vietnamienne, à Hanoï. |
Photo : Trần Trường/CVN |
Nguyễn Trung Hiếu (1944-2021), ancien chef du bureau de l'Agence d'information de libération dans la Xe Région militaire, n’a pas échappé aux horreurs du conflit en 1970. “Ce jour-là, tandis que j’étais transporté à l’hôpital à cause de mes blessures par arme à feu, un avion B-57 nous a repérés, a plongé et a largué des bombes sur notre position. Après un premier traitement sommaire, je suis rentré immédiatement. Tout avait été réduit à néant... Alors, je me suis promis de me venger en faisant tout pour que mon unité accomplisse sa mission”.
Après ce bombardement qui a détruit son poste et tué cinq collègues, seule une radio 15W transpercée mais fonctionnelle restait utilisable. Il a réparé l'appareil et rétabli la communication avec le centre, sauvant une mission cruciale. Aujourd’hui, cette radio est conservée comme une relique sacrée au sein de l’Agence à Hanoï.
Les vitrines vivantes
Le Musée de la presse vietnamienne n’est pas qu’une collection d’objets inanimés. C’est un sanctuaire journalistique vivant, où chaque micro et chaque page jaunie murmurent une histoire. La Dr Nguyễn Thu Hiền, employée de l'établissement, raconte avec émotion : “Je ne suis pas journaliste de formation, mais conserver ces archives m’a transformée. Lire des documents et entendre des récits incroyables m’ont bouleversée”.
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Nguyễn Thu Hiền, employée du Musée de la presse vietnamienne. |
Photo : Diệu Thúy/CVN |
Au-delà de la conservation, elle fait de la recherche et guide les visiteurs. Pour elle, transmettre ces histoires est une fierté. Son témoignage souligne l’importance de préserver et de faire vivre ces mémoires pour les générations futures.
En quittant les salles du musée, une réflexion demeure : "Nous avons gardé la flamme. Et toi ? Es-tu prêt à la raviver ?"
Car l’histoire de la presse révolutionnaire vietnamienne n’est pas figée. Elle continue de s’écrire chaque jour, dans les rédactions, sur les terrains, au cœur de la société vietnamienne moderne.
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Lê Việt Dũng, jeune journaliste à Viêt Nam News and Law, relevant de l'Agence Vietnamienne d'Information (VNA). |
Photo : Diệu Thúy/CVN |
La presse révolutionnaire vietnamienne ne s’arrête pas à ses héros du passé. La flamme brûle encore dans les rédactions contemporaines. Lê Việt Dũng, jeune journaliste à la VNA, partage sa vision : "Au départ, je pensais que la tradition du journalisme était quelque chose de très abstrait. Mais après quatre ans de métier, j'ai compris que la tradition, ce sont ces gestes quotidiens : un collègue passant la nuit à vérifier chaque chiffre, un autre s’aventurant dans des zones dangereuses pour réaliser des reportages percutants. La rigueur et la responsabilité sont l’âme de notre travail".
“J’aime la vérité, comme les autres journalistes. Je veux la défendre... Même si ce métier ne m’apporte pas la richesse, il me permet de réaliser une partie de mes aspirations à contribuer au développement de notre société. Et c’est pour ça que j’aime ce métier”.
L'écho du centenaire de la presse révolutionnaire vietnamienne résonne toujours. Avec ses voix du passé, ses héros silencieux et ses jeunes passionnés, la presse nationale rappelle qu’au-delà des mots, elle est surtout une histoire de cœur et de vérité.
Texte et photos : Diêu Thúy/CVN