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Arthur Chareire avec sa mère vietnamienne Nguyên Thi Hoi à l’aéroport de Nôi Bài le 13 septembre à Hanoï. |
Photo : Thanh Hà Lê/CVN |
En 1994, Arthur Chareire (Vu Van Dâu, de son nom vietnamien) est né à l'hôpital Bach Mai, à Hanoï. En raison de conditions de vie difficiles, Nguyên Thi Hoi avait confié son fils à l'adoption. En avril dernier, le jeune homme a contacté le journal vietnamien en ligne Dân Trí dans l'espoir de retrouver ses racines. Après vérification, les résultats du test ADN ont confirmé que Mme Hoi et Arthur étaient bien apparentés.
Mi-septembre, après 17 heures de vol, le réalisateur français et sa mère biologique, Nguyên Thi Hoi, ont vécu des retrouvailles émouvantes à l'aéroport de Nôi Bai (Hanoï). Son histoire bouleversante a tout d’un scénario de film "feel good" capable d’arracher des larmes et de réchauffer les cœurs.
Un rêve devenu réalité
"Les émotions lors des retrouvailles sont irréelles, c’est le même ressenti que dans un rêve. Notre corps est là, mais chaque sensation et chaque émotion sont uniques, inédites jusque-là. J’avais imaginé beaucoup de scénarios, mais la réalité est incomparable. Voir ma mère pleurer et me sauter dans les bras m’a profondément touché", raconte Arthur après avoir rencontré sa mère face à face, plus de 30 ans après leur séparation.
"Retrouver ma sœur Winnie a été immédiatement un point d’ancrage fort. J’avais déjà beaucoup échangé avec elle avant mon arrivée, car elle parle anglais, et notre lien est déjà très solide. J’ai plongé la tête la première dans le cœur du Vietnam dont j’ai toujours rêvé : celui d’un pays accueillant et bienveillant. Je me suis senti enfin prêt à affronter une page de mon histoire que je pensais inaccessible", poursuit-il.
En larmes, Mme Hoi tremblait en caressant les cheveux d’Arthur, effleurant délicatement chaque ride sur le visage de son fils. Arthur, de son côté, essuyait avec tendresse les larmes qui coulaient sur les joues de sa mère, tout en lui tapotant doucement l’épaule pour la rassurer.
Dans cette chaleureuse étreinte, il baissa la tête et pressa sa joue contre l’épaule de Mme Hoi, comme pour graver à jamais dans sa mémoire ce moment sacré, après tant d’années sans nouvelles.
Recevant un bouquet de fleurs de la part de ses proches, Arthur, entouré d’une dizaine de membres de sa famille, posa pour des photos souvenirs. Le réalisateur appelait affectueusement, un à un, ceux qu’il avait connus à travers de simples conversations sur les réseaux sociaux et qui, désormais, avaient la chance de se rencontrer face à face.
"J’avais tellement envie de retrouver mon enfant, mais les informations dont je disposais étaient très limitées, comme si je cherchais une aiguille dans l’océan. Heureusement, grâce à l’article publié dans Dân Tri, Arthur m’a contactée et nous avons pu être réunis aujourd’hui", a-t-elle partagé.
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Arthur Chareire avec les proches de sa famille biologique au Vietnam. |
Photo : Thanh Hà Lê/CVN |
"Tout a commencé en 2024, quand j’ai rencontré une jeune femme lors d’un covoiturage entre Annecy et Paris. Elle était vietnamienne, adoptée comme moi à la naissance, mais à la différence près qu’elle avait retrouvé sa famille biologique. Elle m’a raconté cette expérience inoubliable et m’a parlé de l’association La Voix des Adoptés, qui l’avait accompagnée dans ses recherches. Elle m’a conseillé de m’inscrire sur leur groupe Facebook pour lire des témoignages", se souvient Arthur.
À partir de ce moment-là, l’idée de rechercher ses origines a commencé à mûrir dans son esprit. "Jusque-là, je n’en ressentais pas le besoin. J’avais déjà une famille aimante, et cela me suffisait. Mais, à force de lire les témoignages émouvants publiés sur cette page, j’ai fini par me dire que moi aussi j’avais peut-être une histoire à vivre. Et si cette rencontre dans le covoiturage n’était pas le hasard, mais le destin ?" confie-t-il.
Arthur avait déjà prévu un road trip au Vietnam pour ses 30 ans, son premier grand voyage, avec l’idée de mettre en pause son activité professionnelle. "Alors pourquoi ne pas lancer des recherches en amont, quitte à transformer ce voyage ?", raconte-t-il.
Pendant les fêtes de Noël, ses parents adoptifs et lui ont rouvert son dossier avec émotion. En janvier, il publiait sa première demande d’aide sur le groupe Facebook de l’association, en s’inspirant des centaines de témoignages déjà présents, et en partageant les scans de son dossier d’adoption avec toutes les informations disponibles.
En février, il a fait la connaissance de Tân Sinh Huynh, qui deviendra un acteur clé de cette quête. "Nous avons d’abord échangé par messages pour vérifier la solidité de mon dossier, mais aussi pour savoir si j’étais prêt psychologiquement. En mars, lorsqu’il a déménagé à Paris, nous nous sommes rencontrés. Il m’a raconté son histoire de boat people, son passage par le Japon, puis son enfance difficile au Québec. J’ai compris tout de suite que c’était une personne de confiance. Il a déjà aidé des centaines d’adoptés avant moi, bénévolement, sur son temps libre", explique Arthur.
Les recherches difficiles
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Arthur avec Tân Sinh (gauche) - la personne la plus importante pour lui dans toute ces recherches. |
Photo : Jacques-Henri Heim/CVN |
Les recherches se sont révélées difficiles : le nom de sa mère était trop commun. L’idée de médiatiser l’histoire a donc rapidement émergé. Arthur a collaboré avec plusieurs médias numériques, ainsi qu’avec la chaîne YouTube Tuân Vy. Mais c’est finalement grâce au quotidien Dân Trí et au journaliste Trân Thành Công que les recherches ont abouti.
"J’ai accepté une interview de M. Công, qui a publié l’article. Trois jours plus tard seulement, deux membres d’une famille m’ont contacté en même temps, sans concertation préalable. Je me souviens encore de cet appel en visioconférence avec mon cousin Ninh et son fils Viêt, qui m’ont affirmé connaître ma mère. Sous le choc, je refusais d’y croire. J’ai donc demandé au Dân Trí de vérifier. Nous avons alors procédé à des tests ADN, et j’ai envoyé des échantillons de cheveux et d’ongles par la poste en avril", raconte-t-il.
En mai, quatre semaines plus tard, les échantillons sont arrivés. Vingt-quatre heures plus tard, grâce au Dân Trí, le laboratoire Gentis offrait les tests ADN. "C’est en visioconférence avec Dân Trí, ma mère et ma cousine que Gentis a annoncé les résultats positifs", se réjouit-il.
Au fil de ses recherches, Arthur dit avoir trouvé une "seconde famille" : la communauté des adoptés. "Tous n’ont pas la chance d’obtenir des réponses. Certains cherchent encore après des années, d’autres vivent des retrouvailles compliquées avec leur famille biologique. Beaucoup rencontrent aussi des tensions avec leur famille adoptive. Cela m’a profondément marqué. Lors d’un barbecue chez ma tante, avec ma famille biologique et ma mère adoptive, chacun a témoigné de l’amour inconditionnel de ma famille adoptive et de leur ouverture d’esprit. Beaucoup m’ont dit ne pas retrouver cela dans leur propre famille", explique-t-il.
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Arthur avec les membres de sa famille adoptive à l'aéroport à Paris. Photo : Arthur/CVN |
"Ce groupe est devenu très vite une seconde famille pour moi. Certains m’ont énormément aidé, en partageant leur expérience et en me rassurant au fil du processus. Je leur suis infiniment reconnaissant. Nous avons tous des histoires différentes, mais l’abandon nous a réunis, et ce lien est plus fort que tout. J’ai même contribué à élargir ce cercle, en y invitant une connaissance adoptée, dont la vie a également changé. Je voudrais leur dire à quel point je les aime et combien ils comptent pour moi", confie Arthur avec émotion.
Une "formation accélérée" sur la culture et les traditions vietnamiennes
"Je n’ai encore rien goûté que je n’aime pas, tout est délicieux. La cuisine est à la fois simple et raffinée. Après avoir visité le cœur d’Hanoï, dégusté un phở au petit matin à l’hôtel Métropole, puis un bún chả au déjeuner - déjà mon plat préféré -, nous avons visité le musée de la poterie de Bát Tràng avant de partir pour Gia Lâm, le village d’origine de ma famille. Là, j’ai pris conscience des traditions et des valeurs profondes qui régissent la société vietnamienne", raconte-t-il.
Il souligne : "La manière dont on traite sa famille s’étend aux relations sociales, même avec les inconnus. Le langage reflète cela : on s’adresse à autrui comme à un membre de la famille, selon l’âge et le statut. La mémoire des ancêtres est aussi bien plus importante qu’en Occident. En brûlant de l’encens pour mes grands-parents décédés, j’ai ressenti une émotion intense en pensant aussi à mes grands-parents adoptifs disparus, Mamie Thérèse du côté maternel et Papi Jean du côté paternel".
Ses projets : rester trois semaines à Hanoï auprès de sa famille, découvrir la ville et ses coutumes, avant de commencer son road trip en moto, des rizières du Nord (Sa Pa, Hà Giang, Cao Bằng) à la baie de Ha Long et Ninh Bình, puis descendre la côte jusqu’à Huê et Dà Nang.
En novembre, ses parents adoptifs le rejoindront à Hanoï pour rencontrer sa famille biologique. Ensemble, ils visiteront Dà Nang et Hôi An. Après leur départ, début décembre, Arthur poursuivra sa route vers le Sud. "À Ho Chi Minh-Ville, j’ai beaucoup de personnes à retrouver. Je pense y rester quelques mois, puis faire un aller-retour à Hanoï pour passer le Têt en famille. Ensuite, j’aimerais découvrir le Cambodge, le Laos et la Thaïlande", confie-t-il.
"J’aimerais aussi profiter de toutes les opportunités possibles pour développer mon activité professionnelle de réalisateur en créant du contenu sur les réseaux sociaux (Instagram @Arthy314 et Facebook Arthur Chareire) et trouver de belles collaborations avec des artistes, artisans, entreprises, marques, modèles et acteurs locaux", conclut-il.
Nguyên Tùng/CVN