Quatre itinéraires spirituels pour découvrir les tréfonds de l’âme de Hanoï

Un nouveau guide numérique invite à découvrir Hanoï autrement, à travers quatre itinéraires patrimoniaux thématiques, accessibles directement sur smartphone.

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Et si Hanoï  se découvrait autrement ? Loin des circuits classiques, quatre nouveaux itinéraires patrimoniaux invitent à plonger dans l’univers spirituel de la capitale. Temples cachés dans des ruelles, maisons communales oubliées, pagodes séculaires: autant de trésors méconnus désormais accessibles d’un simple scan de QR code.

Cérémonie de présentation officielle des "Itinéraires touristiques patrimoniaux dans la ville de Hanoi", au temple Quan Thanh, à Hanoi.
Photo : VN+/CVN

Ces parcours sont le fruit du projet FEF-R Patrimoine, une collaboration franco-vietnamienne financée par le ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères. Le projet a réuni l’Institut français du Vietnam, l’École française d’Extrême-Orient, l’Université des Sciences sociales et humaines de Hanoi et l’Agence universitaire de la Francophonie. Un travail coordonné par Nguyên Thi Hiêp, docteure en histoire, experte technique internationale d’Expertise France, spécialiste du patrimoine religieux et urbain de Hanoi.

“Nous avons conçu plusieurs itinéraires de tourisme patrimonial à Hanoï, structurés autour de thématiques précises. Certains parcours explorent les métiers traditionnels anciens, d’autres le culte des Déesses-Mères, qui est une croyance emblématique du Vietnam, ou encore des pagodes majeures du bouddhisme vietnamien, dont certaines datent des 17ᵉ et 18ᵉ siècles. Mené avec la participation d’étudiants sur le terrain, ce projet vise à faire découvrir aux visiteurs une facette originale et méconnue du patrimoine de Hanoï”, explique-t-elle.

Depuis plus d’un an, des équipes franco-vietnamiennes travaillent à documenter, analyser et valoriser la richesse patrimoniale de la capitale.

Pour moi, ce voyage a été particulièrement enrichissant. Il m’a permis de prendre conscience que, au cœur même de Hanoï , il existe de nombreux patrimoines et sites historiques aujourd’hui oubliés. Ces fragments de patrimoine, parfois négligés, jouent pourtant un rôle essentiel dans la préservation et la transmission des valeurs historiques. Ce projet a également représenté une véritable opportunité pour nous, étudiants, d’apprendre sur le terrain et de contribuer, à notre échelle, à la sauvegarde de ces héritages culturels”, confie Lê Hông Son, étudiant du programme conjoint Toulouse - Université d’architecture de Hanoi.

Le temple Quan Thanh, gardien millénaire de l'ancienne cité de Thang Long. 
Photo: VNA/CVN

Itinéraire 1: les quatre divinités gardiennes de Thang Long

Ce premier circuit relie quatre temples sacrés disposés selon les points cardinaux: Bach Ma (Est), Voi Phuc (Ouest), Kim Liên (Sud) et Quan Thanh (Nord). Ensemble, ils forment un dispositif sacré protégeant symboliquement la cité impériale.

Le génie Bach Ma, considéré comme l’ancêtre tutélaire de la capitale, incarne l’illumination et la protection; Trân Vu, à Quan Thanh (d’inspiration taoïste), symbolise la puissance qui maîtrise les influences nocives; Linh Lang Dai Vuong, à Voi Phuc, est le dieu guerrier qui défend l’Ouest; tandis que Cao Son Dai Vuong, à Kim Liên, représente la force des montagnes du Sud.

Ce système de “quatre directions - quatre divinités - quatre symboles” dessine une carte de Thang Long, où l’espace politique est légitimé par la structure religieuse. Dans ces temples, rituels taoïstes, bouddhiques et croyances populaires coexistent harmonieusement, illustrant le syncrétisme religieux vietnamien.

Comme le résume l’historienne Nguyên Thi Hiêp: “À Hanoi, đền (temple) et quán (sanctuaire taoïste) cristallisent la relation entre sacralité, mémoire et territoire”.

Itinéraire 2 : Les temples et palais des Déesses-Mères

Ce deuxième parcours relie neuf lieux de culte dédiés à la Déesse-Mère Liêu Hanh, figure majeure du panthéon vietnamien, et aux Déesses-Mères des Trois Palais.

Du temple de Dông Ha au sanctuaire de Tây Hô, en passant par les temples Bà Kiêu, Vu Thach ou encore l’oratoire situé à l’extrémité du pont Long Biên, chaque site révèle un univers vibrant où se mêlent encens, musique rituelle, prières et pratiques médiumniques.

Les femmes jouent un rôle prépondérant dans la gestion communautaire de ces bâtiments. Elles sont gardiennes du culte, médiums, chantres et disciples”, souligne Nguyên Thi Hiêp. Inscrit au patrimoine UNESCO en 2016, ce culte unique mêle rituels, musique, danse et profond respect maternel.

Itinéraire 3 : les maisons communales

Ce troisième circuit explore huit maisons communales, véritables musées de la mémoire professionnelle. Chacune honore un métier traditionnel et son fondateur: l’orfèvrerie à Kim Ngân, le travail du cuir à Pha Truc Lâm, la broderie à Tu Thi, la laque à Hà Vi, la forge à Lo Rèn, la confection de cache-poitrine traditionnels yêm à Dông Lac, l’argenterie à Phuc Hâu et la fonte du bronze à Ngu Xa.

Ces lieux racontent une relation de symbiose entre sacré et labeur, où le culte renforce l’identité corporative. Même lorsque certaines maisons communales ont été morcelées ou enclavées par l’urbanisation, les rituels, les fêtes et le culte des ancêtres de métier continuent de vivre grâce aux habitants.

Itinéraire 4 : Les pagodes

Le dernier parcours retrace le paysage bouddhique de Thang Long à travers des pagodes associées au grand maître An Thiên (Phuc Diên), figure majeure du bouddhisme urbain au XIXe siècle.

Les sanctuaires Liên Tri, Hàm Long, Quang Hoa (ancienne Liên Phai) témoignent de ce réseau spirituel, tandis que la pagode Bao Thiên, aujourd’hui disparue, rappelle les pertes causées par l’urbanisme colonial. “Ce ne sont pas seulement des pertes matérielles: ce sont des brèches dans les milieux de mémoire”, note Nguyên Thi Hiêp.

Le parcours raconte ainsi une histoire de pertes, de préservation et de reconstruction du patrimoine.

Une vision d’avenir

Ces lieux parlent du passé, mais la question reste d’actualité, en tout cas pour Olivier Brochet, ambassadeur de France au Vietnam: “Le patrimoine culturel témoigne de ce que nous avons été, mais la manière dont nous en prenons soin, aujourd’hui, témoigne ce que nous voulons devenir”, constate-t-il.

Une vision partagée par Nguyên Thi Hiêp, qui imagine un réseau patrimonial vivant, accessible à tous. Grâce à ces quatre itinéraires, habitants comme visiteurs sont invités à redécouvrir Hanoi autrement: QR code en main, regard ouvert sur l’Histoire...

VOV/VNA/CVN

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