>> D'une rue des ordures, Phuc Tân est devenue un espace artistique
>> L’ère des arts communautaires au Vietnam
>> Une ancienne congrégation, un nouveau centre des arts et de la culture
Depuis sa cérémonie d’inauguration organisée fin avril, le nouvel espace artistique de la capitale gagne en popularité et attire beaucoup d’habitants et de touristes. Tous sont impressionnés par les modèles de poissons marins qui décorent la voûte du pont piétonnier, le dessin de centaine de couches de vagues des deux côtés et aussi les images de Cá chép vượt vũ môn (carpes se transformant en dragons) sur chaque marche d’escalier. C’est le pont tout entier qui prend une nouvelle physionomie.
L’idée du pont piétonnier de la rue Trân Nhât Duât est nourrie depuis 2021 et les travaux ont été réalisés en 4 mois par un groupe d’artiste de Hanoï pour être achevés à l’occasion du 49e anniversaire de la Libération du Sud et de la réunification du pays (30/4/1975 - 30/4-2024). "Nous avons réalisé des étapes d’examen et d’études de la structure du pont piétonnier pour que les œuvres d’art soient harmonieuses sous tous les angles et que la passerelle entière se transforme en un espace artistique", souligne l’artiste Nguyên Thê Son, enseignant à la Faculté des sciences interdisciplinaires de l'Université nationale de Hanoï, également curateur du projet.
L’eau et les vagues occupent le devant de la scène
La passerelle de la rue Trân Nhât Duât est l’unique pont piétonnier de l’arrondissement de Hoàn Kiêm et relie le Vieux quartier au quartier Phuc Tân. C’est un pont en acier et béton de 44,6 m de long et 3 m de large, en service depuis 2014. Ce viaduc est devenu le chemin habituel de nombreux citadins, notamment des personnes âgées, des marchands ambulants et des élèves de deux écoles alentours. Mais en di· ans, le viaduc s’était détérioré et manquait de lumière la nuit. Au pied du viaduc, la pollution avait empiré.
Après examen, les artistes ont discuté de leurs idées pour la transformation du pont en "aquarium terrestre" avec deux images dominantes : l’eau et les vagues. Résultat, tout le long de la voûte du pont, baleines bleues, dauphins et autres raies nagent à côté des méduses et coraux. Les modèles réalisés par l’artiste Vu Xuân Dông en produits recyclés sont de grande taille avec des formes et des lignes souples et naturelles. Chaque détail est soigneusement réalisé, des nageoires jusqu’aux écailles. Les couleurs éclatantes de ces poissons sont particulièrement remarquables.
Chaque jour, de 17h30 à 20h00, le tout est illuminé et brille de mille feux. En admirant cette œuvre, les visiteurs ont l’impression de danser avec les vagues. "Presque toute la structure et chaque partie du pont sont décorées par des œuvres d’art. Avec mes artistes collaborateurs, je souhaitais créer des œuvres qui parlent aux élèves de l’école primaire Trân Nhât Duât et du lycée Lê Loi situées près du pont. Ces enfants en sont les principaux bénéficiaires. Cela illumine et embelli le chemin vers l’école", confie M. Thê Son.
Faire rayonner les valeurs culturelles
L'œuvre "Vagues" de l'artiste Lê Dang Ninh réalisée sur les deux côtés du pont entre en résonance avec l'espace artistique que constitue la passerelle Trân Nhât Duât. Lê Dang Ninh explique ce choix par le fait que la zone où se trouve le pont est située juste au bord du fleuve Rouge qui joue un rôle important dans l'histoire de l’ancienne citadelle de Thang Long et de la capitale actuelle, Hanoï. L'image des vagues représente l'accrétion de la culture, de l'histoire ainsi que des valeurs que la ville a préservées jusqu'à présent. Lê Dang Ninh exprime sa joie d’avoir participé à ce projet qui contribue à transformer le vieux viaduc et à résoudre ainsi une problématique urbaine. "Comme beaucoup d’autres projets auxquels j’ai eu l’occasion de participer, j’y présente mon histoire artistique et personnelle dans un lieu public accessible au plus grand nombre", partage l’artiste.
Au milieu des vagues, Lê Dang Ninh a également incorporé des images d’artisans, d’ouvriers, de marchands ambulants du Hanoï d’antan. L’artiste fait référence aux recherches du peintre français Henri Joseph-Oger dans son ouvrage Techniques du peuple annamite qui décrit les métiers du Vietnam à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. À l’instar de ce peintre français, Lê Dang Ninh a ressuscité la formidable diversité des industries et des commerces développés par le peuple de l’époque, ainsi que les aspects de la vie quotidienne. "Les facteurs culturels jouent un rôle très important. Je voudrais relier les valeurs anciennes au contexte actuel du pont piétonnier en utilisant les croquis du peintre Henri Oger. Ceux-ci constituent une étude assez complète de la vie des Vietnamiens de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Ils permettent une rétrospective qui éclaire le développement actuel de la capitale", souligne Lê Dang Ninh.
Les escaliers en acier du pont sont également décorés par les peintures de Cân Van An. Elles sont inspirées de l’œuvre Les carpes se transformant en dragons. Cette œuvre est typique des estampes populaires de Hàng Trông représentant les efforts déployés pour surmonter les difficultés. Les peintures de Cân Van An sont considérées comme un encouragement réservé aux élèves qui passent chaque jour sur cette passerelle pour se rendre à l’école.
Un appel à la protection de l’environnement
La nouvelle physionomie du viaduc de Trân Nhât Duât est applaudie par les habitants et les visiteurs. Nguyên Thu Thao vit tout près du pont. En tant que responsable des politiques publiques du groupe Meta au Vietnam, au Laos et au Cambodge, elle a eu l’occasion de visiter de nombreuses villes de par le monde et se réjouit des changements considérables observés sur le viaduc. "Ces dernières années, le changement de Hanoï se manifeste par la modernité mais également par des projets artistiques, et notamment des projets d’art communautaire à travers lesquels on aime encore davantage la capitale et le quartier dans lequel on vit", se réjouit-elle. Et d’ajouter que "ma famille vit près de ce pont. Ce projet revêt une signification particulièrement importante pour nous. Il y a quelques années, les locaux se plaignaient de la pollution de cette zone, aujourd’hui, elle devient un espace culturel vert".
Benjamin Lee, un visiteur américain, admire attentivement les œuvres. Il applaudit : "Ces œuvres d’art sont vraiment géniales, vraiment sympas. C'est un très bon mélange d’éléments modernes et traditionnels qu’on observe à l’échelle de la ville. Et vous transformez cet endroit en une véritable mer urbaine et une exposition qui permet à la population de se retrouver".
Le développement des espaces d’arts communautaires est une orientation prioritaire de l’arrondissement de Hoàn Kiêm ces dernières années. Le projet du pont piétonnier Trân Nhât Duât met également l’accent sur la protection de l’environnement. "Portant un message favorable à la protection de l’environnement, les œuvres du projet utilisent des produits recyclés pour sensibiliser la population au tri des ordures ménagères, au recyclage et à la minimisation des déchets plastiques", souligne Pham Tuân Long, président du Comité populaire de l’arrondissement de Hoàn Kiêm.
Pont piétonnier artistique unique de Hanoï. |
Le projet artistique du pont piétonnier Trân Nhât Duât est considéré comme une pièce jusque-là manquante sur la carte artistique de l’arrondissement de Hoàn Kiêm. Il prolonge et relie les espaces culturels du Vieux quartier tels que le Centre culturel et artistique du 22 rue Hàng Buôm, la rue des fresques de Phùng Hung ou les anciennes maisons communales de la Rue des arts communautaires du quartier Phuc Tân au bord du fleuve Rouge.
Les visiteurs sont invités à faire une visite nocturne à la découverte de ce patrimoine culturel et artistique urbain. Les responsables de Hoàn Kiêm espèrent que ce nouveau circuit contribuera à améliorer la vie culturelle des habitants et le développement économique local.
Texte : Vân Anh/CVN
Photos : ST - VNA/CVN
Video : Vân Anh - Vnews/CVN