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Notre classe de première année. |
Je suis née dans une région montagneuse, au fin fond du pays, où l’éducation n’a jamais été considérée comme une priorité. La plupart des élèves arrêtaient l’école après le collège, parfois même au lycée, au mieux, afin d’aider leurs parents. J’étais comme eux : je fréquentais l’école sans vraiment m’intéresser aux études.
Un jour pourtant, alors que j’étais encore au lycée, nous avons eu la chance de participer à un programme d’orientation exceptionnel. Des étudiants de l’Université des langues étrangères de Hanoï (ULIS) sont venus jusqu’à notre petit établissement pour partager leur expérience. Ce jour-là, une phrase simple mais d’une force immense a bouleversé ma vie : "L’éducation m’a changée, voilà tout". Ce fut comme un petit coup frappé à mon cœur. Je me suis revue : paresseuse, indifférente aux livres, sans motivation pour avancer. Et ce fut le point de départ. À partir de ce jour, j’ai commencé à rêver, à nourrir l’ambition de devenir étudiante à l’ULIS, et j’ai choisi la langue française comme une porte ouverte sur l’avenir.
Bien sûr, le chemin n’a pas été facile. J’ai dû fournir beaucoup d’efforts pour tenir bon, mais ces efforts ont fini par porter leurs fruits. Je me souviens de l’instant où mes parents ont tenu entre leurs mains la lettre d’admission. Leur regard traduisait à la fois de la joie et de l’inquiétude : joie de voir leur fille franchir la porte de l’université, mais inquiétude face aux charges économiques et à un avenir encore incertain. Je leur ai dit : "Si vous me laissez étudier, je ferai tout mon possible pour partager le fardeau avec vous. Ce n’est pas seulement mon rêve, c’est aussi une chance pour toute notre famille de construire un avenir meilleur". Petit à petit, ma détermination a fini par les convaincre.
En entrant à la Faculté de langue et culture françaises, j’ai rencontré une amie particulière - elle venait de Nghê An, une province du Centre du Vietnam souvent frappée par les inondations. Comme moi, elle avait grandi dans le manque et dans un milieu où l’éducation n’était pas valorisée. Pourtant, nous nous sommes retrouvées ensemble à l’ULIS, cet endroit qui rassemble des jeunes de toutes les régions du pays, tous animés par la même soif de connaissance.
Mais "Je m’éduque" n’a jamais suffi. Plus important encore, c’est "donc j’agis". Mon amie et moi avons travaillé sans relâche pour obtenir une bourse. Quand nous avons reçu notre première bourse, nous savions que nos efforts avaient porté leurs fruits. Mais ce n’était qu’un tremplin : grâce à cela, nous avons osé sortir de notre zone de confort, en nous engageant dans de nouveaux rôles - devenir ambassadrices de communication de l’université, participer à des clubs de français, organiser des activités parascolaires et surtout, faire du bénévolat dans les régions reculées - là où, dans les yeux des enfants pauvres, nous retrouvions le reflet de notre propre enfance.
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Nos activités en tant qu’ambassadrices de communication de l’université. |
Ce jour, je suis revenue à Điện Biên et j’ai pris la parole dans mon ancienne école. L’émotion m’a submergée quand j’ai dit aux élèves : "Moi aussi, j’ai déjà été assise à votre place. Moi aussi, j’ai été fatiguée, perdue, sans savoir quel chemin prendre. Mais c’est ici même que j’ai trouvé une lumière : l’éducation. L’éducation m’a donné la chance d’accéder à un meilleur environnement d’apprentissage, d’ouvrir des portes pour me développer. Grâce à elle, j’ai pu apprendre une langue étrangère, rencontrer des amis venus de toutes les régions et vivre des expériences que je n’aurais jamais osé imaginer autrefois. Et plus encore, c’est grâce à elle que je peux revenir aujourd’hui, pour vous dire que notre avenir ne se limite pas aux rizières ni aux chemins boueux de nos villages. Il peut s’élargir, devenir plus vaste, plus lumineux - si nous osons apprendre et rêver".
Je suis convaincue que vous aussi, vous pouvez réussir, peut-être encore mieux que moi. Et qui sait ? Un jour, certains d’entre vous reviendront ici, à ma place, pour raconter votre propre histoire aux générations suivantes. Voilà pourquoi je tiens à vous le redire aujourd’hui : l’éducation m’a changée, voilà tout.
Après mon intervention, nous avons animé un petit moment d’échange : nous avons appris aux élèves quelques salutations en français, joué à deviner des mots à partir d’images et chanté ensemble une comptine franco-vietnamienne. L’atmosphère s’est emplie de joie, les regards des enfants se sont illuminés. En voyant leurs sourires, j’ai compris qu’une étincelle d’espoir pouvait naître de choses très simples.
Mon amie et moi savons que notre parcours ne s’arrête pas là et qu’il y aura encore beaucoup d’obstacles. Mais nous avons la certitude que l’éducation est la clé qui ouvre toutes les portes. Issues de villages reculés, nous étions destinées à un avenir limité aux champs et aux saisons de pluie. Et pourtant, aujourd’hui, nous sommes là, prêtes à inspirer la génération suivante.
"Je m’éduque, donc j’agis". J’apprends, donc j’agis. Car lorsqu’une personne est éclairée par le savoir, ce n’est pas seulement sa propre vie qui change, mais aussi celles de beaucoup d’autres autour d’elle. Et c’est bien cela, le véritable miracle de l’éducation.
Ngoc Hân - Thu Huong/CVN