>> Promouvoir la coopération entre Hanoï et la préfecture japonaise de Fukuoka
>> Le "Printemps au pays natal" à Fukuoka met en veleur l’identité culturelle du Vietnam
>> Une école vietnamienne à Fukuoka perpétue la langue et la culture du pays
![]() |
Nguyên Duy Anh défile à la cérémonie solennelle sur la place historique Ba Dinh à Hanoï pour célébrer les 80 ans de la Révolution d’Août et de la Fête nationale. |
Photo : Hoàng Phong/CVN |
Non seulement Nguyên Duy Anh promeut l’amour de la langue maternelle, mais, mondial - un espace où les enfants vietnamiens, où qu’ils vivent, peuvent retrouver le lien indéfectible avec leur patrie. Rencontrons avec lui.
Beaucoup vous connaissent en tant que secrétaire général du Réseau mondial de l’enseignement du vietnamien. Comment en avez-vous conçu le modèle organisationnel ?
Je vis au Japon depuis 20 ans et je suis aujourd’hui directeur d’une école de japonais. Tout au long de ce parcours, une question m’a constamment habité : "Que puis-je faire pour préserver la culture et la langue vietnamiennes pour les générations futures ?" C’est cette interrogation qui m’a conduit à m’engager dans l’enseignement du vietnamien aux enfants de la diaspora.
En 2019, nous avons ouvert la première classe de vietnamien à Fukuoka. Puis, la pandémie de COVID-19 a semblé tout interrompre. Mais grâce au soutien du Consulat général du Vietnam à Fukuoka - en particulier de la consule générale Vu Chi Mai - et à l’appui des associations de la communauté, la classe a pu être relancée à partir de zéro. À ce moment-là, j’ai ressenti avec force l’amour pour la langue vietnamienne et la puissance du lien communautaire : la classe est devenue un repère spirituel, non seulement pour les enfants, mais aussi pour leurs parents.
Sur cette base, avec le parrainage du Comité d’État chargé des Vietnamiens de l’étranger (ministère des Affaires étrangères) et la participation de nombreux intellectuels et enseignants vietnamiens aux quatre coins du monde, le Réseau mondial de l’enseignement du vietnamien a officiellement vu le jour. J’ai eu l’honneur d’être élu secrétaire général.
Le réseau repose sur trois principes : volontariat - partage - rayonnement. Il dispose d’un comité de coordination par régions (Europe, Amérique du Nord, Asie, Océanie…), d’un pôle spécialisé dans les programmes et méthodes pédagogiques, ainsi que d’un groupe de communication. Les activités se déroulent principalement en ligne, mais incluent régulièrement des séminaires, formations et ateliers, en coopération étroite avec les institutions du pays. Le réseau n’est pas un organe administratif : il est la maison commune de tous ceux qui portent en eux la passion du vietnamien.
Quels sont les principaux obstacles pour maintenir des cours de vietnamien à destination des enfants de la diaspora ?
Le premier défi est le manque d’enseignants professionnels. La plupart des cours sont assurés par des membres d’associations ou des étudiants bénévoles. Leur engagement est immense, mais ils n’ont pas reçu de formation pédagogique spécifique à l’enseignement du vietnamien comme langue étrangère, d’où des méthodes parfois inégales.
![]() |
Nguyên Duy Anh à l'Institut de langue japonaise GAG, au mois de février 2025. |
Photo : Nguyên Tuyên/VNA/CVN |
Le deuxième problème concerne les manuels. La plupart des ouvrages produits au Vietnam sont destinés aux enfants vivant dans le pays, et donc peu adaptés aux enfants de la diaspora, qui apprennent souvent le vietnamien comme "deuxième langue étrangère". Les contenus sont parfois trop centrés sur l’orthographe et la grammaire, alors que les élèves ont besoin de supports vivants, concrets et proches de leur quotidien. Faute de mieux, de nombreuses communautés rédigent elles-mêmes leurs documents, mais cela reste fragmentaire et peu structuré.
Pour surmonter ces obstacles, le réseau a entrepris de collecter, numériser et mutualiser des ressources, constituant une "bibliothèque ouverte" rassemblant des centaines de manuels, supports de cours et illustrations. Certaines ont même été élaborées par les Vietnamiens de l’étranger eux-mêmes, au plus près des besoins locaux. Mais les difficultés demeurent en termes d’infrastructures et de financement : certaines classes doivent emprunter des salles associatives, des églises, ou se rabattre sur l’enseignement en ligne.
Heureusement, nous bénéficions du soutien du Comité d’État et d’experts au Vietnam. Des formations hebdomadaires en ligne, animées par le Professeur Nguyên Minh Thuyêt et des universitaires vietnamiens, réunissent jusqu’à 400–500 enseignants chaque samedi matin. C’est une véritable "classe internationale" vivante, où l’on acquiert des savoirs pédagogiques modernes tout en partageant des expériences de terrain.
Où en est aujourd’hui le réseau ? Combien de membres compte-t-il et quels résultats concrets avez-vous obtenus ?
Le Réseau a été officiellement créé le 31 mai 2025. Malgré sa jeunesse, il s’est rapidement développé grâce à la mobilisation de la communauté et au soutien des institutions nationales. Il compte aujourd’hui près de 500 membres - enseignants, bénévoles, responsables associatifs - répartis dans plus de 30 pays et territoires.
Parmi les projets phares figure la création de la "Carte numérique mondiale du vietnamien", un outil en ligne recensant et reliant les cours de vietnamien à travers le monde. Alors qu’autrefois chaque classe ressemblait à un "îlot isolé", il suffit désormais de quelques clics pour trouver une classe, un enseignant ou du matériel adapté. C’est une étape clé vers un véritable écosystème mondial du vietnamien.
Un souvenir marquant reste le premier jour de réouverture, après la pandémie, de la classe de Fukuoka. Les parents et les enfants étaient venus nombreux, et une petite fille a couru vers moi en criant : "Je peux apprendre le vietnamien à nouveau !" Cette phrase, à elle seule, a justifié tous nos efforts.
D'après vous, quelle est la signification profonde de l’enseignement du vietnamien aux enfants de la diaspora ?
Le vietnamien est l’âme de la nation. Si les générations futures venaient à le perdre, le lien avec la patrie s’effriterait. Le préserver, c’est sauvegarder la mémoire, les coutumes, les traditions et l’identité vietnamiennes.
![]() |
Une séance de cours de la langue vietnamienne à l'Institut de langue japonaise GAG, au mois de février dernier. |
Photo : Nguyên Tuyên/VNA/CVN |
Pour les enfants, apprendre le vietnamien ne signifie pas seulement pouvoir parler avec leurs parents et grands-parents. C’est aussi comprendre la culture, l’histoire et les racines. Dans un environnement multilingue, la langue vietnamienne leur offre un ancrage identitaire solide, tout en ouvrant des opportunités professionnelles : devenir un pont entre le Vietnam et le monde. J’aime dire que "chaque classe de vietnamien de la diaspora est une petite ambassade culturelle du Vietnam à l’étranger".
Pouvez-vous nous parler de l'Institut de langue japonaise GAG et de son rôle auprès des étudiants vietnamiens au Japon ?
Parallèlement à mon engagement communautaire, je dirige l’école de japonais GAG à Fukuoka, dont je suis fier d’être le premier directeur vietnamien. GAG a été fondée avec une mission claire : accompagner les étudiants vietnamiens au Japon, non seulement à travers l’apprentissage de la langue, mais aussi en les aidant à s’intégrer et à construire une carrière durable.
Depuis 2019, GAG soutient également la classe de vietnamien à Fukuoka, en offrant locaux, personnel et assistance. Nous considérons cela comme le devoir d’une école vietnamienne au Japon : former à la langue japonaise, tout en contribuant à préserver le vietnamien.
Au fil des ans, de nombreux élèves ont réussi : ingénieurs dans de grands groupes à Tokyo, infirmiers dans les hôpitaux japonais, chercheurs ou enseignants. Ce dont nous sommes le plus fiers, c’est que plusieurs anciens élèves, une fois installés professionnellement, reviennent soutenir l’école : bourses, ateliers de compétences, témoignages d’expérience. Leurs lettres de remerciement sont pour nous la récompense la plus précieuse.
Quel regard portez-vous sur ce chemin parcouru ?
Je suis profondément reconnaissant envers le Comité central du Front de la Patrie du Vietnam, le ministère des Affaires étrangères, le Comité d’État chargé des Vietnamiens de l’étranger, ainsi que les ambassades et consulats vietnamiens dans de nombreux pays. Grâce à leur appui, nous disposons de manuels, de formations, de connexions avec des experts.
De l’action communautaire à l’éducation, je n’ai qu’un seul vœu : préserver l’identité et accompagner les jeunes Vietnamiens à l’étranger. Enseigner le vietnamien, c’est maintenir les racines. Enseigner le japonais aux étudiants vietnamiens, c’est ouvrir les portes de l’intégration. Les deux convergent vers un même but : permettre aux Vietnamiens, partout dans le monde, de rester confiants, fiers et liés à leur patrie.
Je reste convaincu que : "Le vietnamien est le pont qui relie les cœurs vietnamiens aux cinq continents ; préserver le vietnamien, c’est préserver l’âme de la nation".
Propos recueillis par Thanh Tuê/CVN