L’aventure japonaise d’un jeune ingénieur vietnamien

Trân Huu Binh Minh fait partie des rares ingénieurs vietnamiens à contribuer au développement des technologies de cœur du réseau 6G chez Ericsson Research, au Japon, l’un des épicentres mondiaux de l’innovation en télécommunications.

>> Un ingénieur d’origine vietnamienne à l’honneur en République tchèque

>> Lê Duy Loan et ses facteurs clés de succès aux États-Unis

Trân Huu Binh Minh.
Photo : CTV/CVN

À seulement 26 ans, Trân Huu Binh Minh occupe déjà une place de choix au sein de l’élite de la recherche en télécommunications. Il ne cache pas sa fierté de participer à la conception des infrastructures qui façonneront l’Internet du futur.

Enfant, Binh Minh passait des heures devant la télévision à s’émerveiller devant les gadgets futuristes de Doraemon ou les communications interplanétaires des films de science-fiction. Ces images ont nourri une imagination sans limites et inspiré sa vocation. Plus tard, en découvrant les fondements de la physique, il réalise que nombre de scénarios jadis jugés irréalistes reposent aujourd’hui sur des bases scientifiques tangibles. “Ce qui me passionne, ce n’est pas seulement ce que la technologie permet, mais la manière dont elle bouleverse les interactions humaines”, explique-t-il.

De la fiction à la réalité

Son parcours académique exceptionnel, couronné par une médaille d’or en physique et une bourse d’excellence pour intégrer l’Institut de technologie de Tokyo, témoigne de cette passion. En choisissant la filière “Ingénierie interdisciplinaire”, Binh Minh s’engage dans une démarche holistique : “Les grands défis de demain nécessitent une approche plurielle, dépassant la spécialisation traditionnelle”.

Il concentre alors ses travaux sur l’émulation cyber-physique des réseaux sans fil, un domaine clé pour la modélisation et la validation des architectures télécoms de nouvelle génération. À cette époque, la 6G n’était encore qu’un concept embryonnaire, mais c’est justement cette zone grise qui attise sa curiosité : “Explorer un territoire vierge, c’est ouvrir la voie à l’innovation”.

Photo : CTV/CVN

Après plusieurs projets de simulation à l’Institut de technologie de Tokyo et un stage chez Ericsson, Binh Minh intègre également des équipes de R&D chez Sony et au sein du Fond d’investissement technologique de l’Université de Tokyo, avant de revenir chez Ericsson, séduit par la culture de l’innovation et l’écosystème de recherche de l’entreprise suédoise, pionnière des générations mobiles. “Pour façonner l’avenir de la connectivité mondiale, c’est ici que je devais être”, affirme-t-il.

Le Dr. Szabolcs Malomsoky, directeur de la recherche senior chez Ericsson, ne tarit pas d’éloges : “Binh Minh a démontré une intelligence remarquable et une capacité de travail collaboratif hors pair, livrant en un temps record un modèle d’IA avancé qui offre des perspectives concrètes pour nos équipes de R&D”.

La 6G, qui succèdera à la 5G, promet des débits démultipliés, une latence quasi nulle et la connexion simultanée de millions d’objets, ouvrant la voie à des avancées majeures en intelligence artificielle, en réalité augmentée et en automatisation des systèmes. Binh Minh souligne que, malgré l’incertitude entourant certaines technologies émergentes, la 6G s’inscrit comme un chantier de long terme, structurant le socle d’un monde hyperconnecté. “Objets, personnes, infrastructures : tous seront interconnectés de façon instantanée”, précise-t-il.

Contrairement aux générations précédentes, la 6G exige une hybridation profonde entre télécommunications, science des données et intelligence artificielle. “La compréhension des réseaux donne la vision d’ensemble ; l’IA et la data science optimisent le traitement du signal pour atteindre des niveaux de performance inédits”, analyse-t-il.

La normalisation mondiale, condition sine qua non à l’implémentation commerciale, représente un défi colossal, imposant aux industriels et opérateurs une convergence technologique planétaire. “Prouver la supériorité de nos solutions face à la concurrence internationale demande rigueur et persévérance”, note-t-il.

Enjeu de la souveraineté technologique

Le Vietnam s’est fixé un objectif ambitieux : commercialiser la 6G d’ici 2030. Minh estime ce cap réaliste à condition de maîtriser la technologie, au-delà de la simple importation : “L’essentiel, c’est la souveraineté : concevoir, fabriquer et standardiser nos propres équipements. C’est la seule voie pour ne pas se laisser distancer”.

Les premières initiatives nationales, telles que le développement de puces 5G par Viettel ou la stratégie de soutien à la recherche via la Résolution N°57 datant du 22 décembre 2024 du Bureau politique du Parti communiste du Vietnam (portant sur les percées dans le développement des sciences, des technologies, de l’innovation et de la transformation numérique nationale, Ndlr), posent des jalons importants. Mais Binh Minh juge que l’écosystème technologique vietnamien doit encore s’affirmer sur la scène mondiale de l’innovation de rupture. “Pour peser dans la standardisation 6G, il faut investir massivement dans la R&D fondamentale : microélectronique, antennes, algorithmes de traitement du signal”, remarque-t-il.

Son conseil aux jeunes Vietnamiens aspirant à la recherche technologique ? “Bâtissez des fondations solides, cultivez une expertise transversale et, surtout, développez une pensée créative. Lisez, imaginez, osez penser autrement : l’innovation naît de la capacité à envisager de nouveaux possibles”.

Khanh Linh - Phuong Nga/CVN

Rédactrice en chef : Nguyễn Hồng Nga

Adresse : 79, rue Ly Thuong Kiêt, Hanoï, Vietnam

Permis de publication : 25/GP-BTTTT

Tél : (+84) 24 38 25 20 96

E-mail : courrier@vnanet.vn, courrier.cvn@gmail.com

back to top