Hô Chi Minh-Ville face à l’urgence d’un virage pour une mobilité verte

Confrontée à une pollution croissante et à un trafic toujours plus saturé, Hô Chi Minh-Ville s’attaque à un défi majeur de la transition vers une mobilité durable. Objectif affiché : atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Mais les obstacles à surmonter restent nombreux.

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Embouteillage sur l’autoroute Hô Chi Minh-Ville - Long Thành - Dâu Giây. 
Photo : VNA/CVN

Sous un ciel chargé de gaz d’échappement, les rues de la mégapole du Sud résonnent nuit et jour au son des klaxons d’une circulation dense. Plus de 10 millions de véhicules y circulent quotidiennement, dont plus de 7,6 millions de motos, 700.000 voitures et quelque deux millions de véhicules venant d’autres localités. L’ancienne Saïgon, moteur économique du Vietnam, fait aujourd’hui face à l’un de ses défis les plus pressants : l’impact de sa mobilité urbaine sur l’environnement.

À elle seule, la ville émet plus de 13 millions de tonnes de dioxyde de carbone (CO2) chaque année, se classant ainsi deuxième source d’émissions après l’industrie. Un chiffre alarmant, qui fait d’elle l’un des principaux contributeurs aux 60 millions de tonnes de CO₂ rejetées annuellement au Vietnam, soit près de 23% du volume national. Si aucun changement majeur n’intervient, l’ambition de neutralité carbone pour 2050 restera hors de portée.

Une mutation incontournable

Le secteur des transports est le premier émetteur de gaz à effet de serre dans le monde, représentant environ 29% des émissions globales selon l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA). À Hô Chi Minh-Ville, le phénomène est amplifié par une urbanisation rapide et une forte dépendance aux véhicules individuels. Aujourd’hui, entre 85% et 91% des déplacements quotidiens s’effectuent par des moyens privés, reléguant les transports collectifs à un rôle secondaire.

Dans ce contexte, la transition vers une mobilité propre n’est plus une option mais une nécessité stratégique. Les autorités locales visent à ce que 50% du parc de bus fonctionne à l’électricité ou à l’énergie propre d’ici 2030, et que l’ensemble des bus et taxis soient “verts” à l’horizon 2050.

Mais l’écart entre ambition et réalité demeure important. Premier écueil : un manque criant d’infrastructures. Les stations de recharge pour véhicules électriques sont quasi absentes, et le réseau de métro censé structurer l’offre de transport public en est à ses prémices. Seule la ligne Bên Thành - Suôi Tiên a été mise en service, tandis que les autres projets avancent lentement ou en sont encore aux étapes préparatoires.

Autre frein de taille : le coût des véhicules électriques et hybrides, encore trop élevé pour la majorité des habitants. Même avec quelques aides ponctuelles, beaucoup préfèrent conserver leurs motos thermiques, plus abordables et plus simples à entretenir.

S’ajoute enfin un obstacle sociétal : l’ancrage culturel de l’usage des véhicules individuels. Les transports en commun restent marginalisés, souvent jugés peu fiables, inconfortables ou trop espacés en fréquence. Résultat : les usagers continuent à privilégier la voiture ou la moto, accentuant congestion et pollution.

Des solutions sur la table

Les voies surélevées du projet de métro de Hô Chi Minh-Ville contribuent à réduire la pression du trafic dans la ville. 
Photo : Ngô Thi Thu Ba/CVN

Pour inverser la tendance, les experts appellent à une réforme en profondeur du système de mobilité. Six leviers sont jugés prioritaires.

Le plus urgent : accélérer le développement des transports publics propres. Cela implique la finalisation du réseau de métro - 183 km de lignes d’ici 2035, 510 km en 2060 -, l’augmentation du nombre de bus électriques et la mise en place de corridors dédiés aux bus à haut niveau de service (BRT).

Deuxième mesure : instaurer des zones à faibles émissions. Inspirée des expériences européennes, cette stratégie consisterait à interdire progressivement les véhicules thermiques dans certaines zones sensibles, notamment Cân Gio ou Côn Dao. Des péages urbains ou des systèmes de contrôle par caméras renforceraient l’efficacité de cette politique.

Troisième levier : mettre en place des incitations financières fortes pour encourager le remplacement des véhicules à moteur thermique. Subventions, exonérations fiscales, primes à la conversion : autant de dispositifs qui pourraient dynamiser l’adoption des véhicules électriques, en ciblant notamment les livreurs et les chauffeurs de VTC, particulièrement nombreux et polluants dans la ville.

Quatrième priorité : développer un réseau dense, intelligent et accessible de bornes de recharge. “Chaque quartier devrait disposer de points de recharge publics, et les copropriétés devraient être encouragées à en installer dans leurs parkings”, souligne un expert du secteur.

Cinquième orientation : tirer parti des expériences internationales. Le “Green Deal” européen démontre l’efficacité de politiques intégrées combinant fiscalité écologique, soutien à la recherche, développement des énergies renouvelables et partenariats internationaux. Hô Chi Minh-Ville pourrait aussi profiter des accords commerciaux en vigueur pour attirer les investissements verts et accéder à des transferts technologiques.

Enfin, dernier levier mais non des moindres : initier un changement profond des mentalités. Sensibilisation, éducation, communication dans les écoles, entreprises et services publics… Tout doit être mis en œuvre pour créer une culture de la mobilité durable. Car une ville verte commence par des citoyens engagés.

Si les défis sont multiples, la transition vers des transports propres à Hô Chi Minh-Ville est loin d’être une utopie. Elle nécessitera un effort collectif et coordonné entre l’État, les collectivités locales, les entreprises et les habitants.

Comme l’affirme Nguyên Van Long, directeur adjoint du Service municipal des transports : “La route vers le zéro carbone est longue, mais chaque pas compte. Hô Chi Minh-Ville peut devenir un modèle régional de mobilité verte, à condition d’agir vite, fort et ensemble”.

Anh Khuê - Dan Thanh/CVN



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