Franchir les montagnes soudanaises pour échapper aux combats du Kordofan

Une marche de huit jours : l'agriculteur soudanais Ibrahim Hussein et sa famille ont bravé de nombreux dangers pour fuir les combats dans le Kordofan-Sud, dernier front d'un dramatique conflit de 31 mois.

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Des Soudanais ayant fui la ville d'el-Fasher après que les forces paramilitaires soudanaises ont tué des centaines de personnes dans la région occidentale du Darfour, se rassemblent pour recevoir de la nourriture dans leur camp de Tawila, au Soudan, le dimanche 2 novembre 2025. 
Photo : AP/VNA/CVN

"Nous avons tout laissé derrière nous, nos animaux et nos récoltes", raconte cet homme de 47 ans qui a quitté Keiklek, près de la frontière sud du Soudan, avec sept de ses proches.

Il se confie à l'AFP depuis Kosti, contrôlée par l'armée soudanaise, à environ 300 kilomètres au sud de Khartoum.

Cette ville est devenue un refuge pour des centaines de familles chassées par les violences de la région pétrolifère du Kordofan.

Après la prise en octobre d'El-Facher, dernier bastion de l'armée dans la vaste province voisine du Darfour dans l'ouest, les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont recentré leurs opérations sur le Kordofan.

Selon l'ONU, ils ont poussé 53.000 personnes à fuir cette zone stratégique qui fait la jonction entre les zones tenues par l'armée dans le nord, l'est et le centre, et le Darfour.

En décembre, ils s'y sont emparés du plus grand site pétrolifère du pays, à la lisière avec le Soudan du Sud.

"15 à 30 jours de marche

Avec l'appui d'alliés locaux, ils ont aussi renforcé le siège des villes de Dilling et Kadougli.

Début décembre, 114 personnes, dont 63 enfants, avaient péri dans des frappes attribuées aux FSR sur une école et un hôpital de Kalogi, une ville contrôlée par l'armée à environ 70 km de Kadougli.

Des soldats arrivent au marché d’Allafah, dans une zone récemment reprise par l’armée soudanaise au groupe paramilitaire des Forces de soutien rapide (FSR), au sud de Khartoum, au Soudan, le 27 mars 2025. 
Photo : AP/VNA/CVN

"Pendant l'essentiel de la guerre", qui a débuté en avril 2023, "nous avons vécu en paix en prenant soin de nos animaux", décrit Ibrahim Hussein. "Mais lorsque les FSR se sont approchées, nous avons eu peur et nous sommes partis, en marchant sur presque tout le trajet".

Soucieux d'éviter les axes principaux, plus risqués, il a traversé avec sa famille les monts Nouba, passant par des postes de contrôle tant paramilitaires que militaires.

Près de 4.000 personnes sont arrivées affamées et terrorisées à Kosti, en l'espace de deux jours la semaine dernière, détaille Mohamed Refaat, chef de mission au Soudan pour l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) des Nations unies.

"La plupart sont des femmes et des enfants", précise-t-il à l'AFP, notant que de nombreux hommes ne prennent pas la route "par crainte d'être tués ou enlevés".

"Pour des trajets qui prenaient autrefois quatre heures, les gens sont désormais obligés de marcher 15 à 30 jours à travers des zones isolées et des terrains minés", constate Miji Park, directeur par intérim au Soudan de Mercy Corps, l'une des rares agences humanitaires présentes au Kordofan.

Adam Eissa, un agriculteur de 53 ans, a lui aussi rejoint Kosti, qui accueille déjà des milliers de réfugiés du Soudan du Sud fuyant les violences de l'autre côté de la frontière.

Sa femme, ses quatre filles et sa mère se sont entassées dans un pick-up avec 30 autres personnes, puis il a roulé trois jours sur des "routes secondaires pour éviter les postes de contrôle des RSF", dit-il.

Ils dorment désormais dans une école transformée en refuge accueillant environ 500 déplacés.

"Nous recevons un peu d'aide, mais ça ne suffit pas", glisse M. Eissa, à la recherche d'un travail.

Ceux qui restent

Il a dû débourser 400 dollars pour mettre sa famille à l'abri. Ceux qui n'ont pas une telle somme d'argent - soit la plupart des Soudanais - doivent fuir à pied ou demeurer sur place.

Des familles de déplacés dans un camp de fortune, dans l'État du Kordofan du Sud, au Soudan. 
Photo : AP/VNA/CVN

Les prix des transports depuis le nord du Kordofan ont été multipliés par dix en deux mois, ce qui "limite le nombre de personnes pouvant fuir", explique le responsable de l'OIM.

Dans la ville assiégée de Kadougli, un commerçant de 56 ans, Hamdane, cherche désespérément un moyen de partir, "terrifié" à l'idée que les FSR puissent s'emparer de la ville.

"J'ai envoyé ma famille loin d'ici il y a un moment", précise-t-il à l'AFP via une connexion internet satellitaire, demandant à être identifié seulement par son prénom. "Maintenant, je cherche un moyen de partir".

Kassem Eissa, un fonctionnaire et chef d'une famille nombreuse, entend tous les jours "le bruit des bombardements et parfois de coups de feu".

"J'ai trois filles, la plus jeune a 14 ans", détaille cet homme en plein dilemme, car "partir coûte cher et la route est dangereuse" mais "ici nous avons du mal à trouver suffisamment de nourriture et de médicaments".

L'ONU met en garde contre le risque de voir se répéter au Kordofan les atrocités commises à El-Facher, où de nombreux civils et humanitaires ont accusé les FSR de massacres, de violences sexuelles et d'enlèvements avec demande de rançon.

AFP/VNA/CVN

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