>> Les restaurants végétariens bondés au 7e mois lunaire
>> Les gâteaux traditionnels à base de palmier à sucre établissent un record
La cuisine vietnamienne est faite de délicat mélange des épices et autres ingrédients. |
Photo : CTV/CVN |
Les bons restaurants abondaient à Hô Chi Minh-Ville. Les meilleurs ne se distinguaient pas nécessairement par beaucoup de fanfare et étaient accessibles aux budgets les plus modestes. Il fallait suivre les fines baguettes et découvrir où ces palais délicats se nourrissaient sans vider leurs poches. Les mets authentiques, sans fausse identité, étaient souvent préparés chez les plus petits établissements, car ceux qui accueillaient principalement des visiteurs ne lésinaient pas sur l’adaptation, quitte à y perdre un peu d’authenticité. Et si ces gens venus d’ailleurs s’inquiétaient des règles d’hygiène, ils manquaient souvent l’occasion de savourer un délice.
Liste des bons plats
Les nems (rouleaux de printemps) à préparer soi-même figuraient parmi mes menus favoris. On déposait au centre de la table une grande variété de “garnitures” (viande, concombre, carambole, vermicelle de riz, feuilles de menthe, basilic frais, ananas, laitue...) et des feuilles de riz. Il ne restait qu’à faire notre choix, le déposer dans la feuille de riz, l’enrouler, le tremper dans du nuoc mam (saumure de poisson) et... se régaler.
Les Vietnamiennes, avec dextérité, roulaient le tout à la perfection en un clin d’œil. J’essayais d’en faire autant, mais une fois l’opération terminée, mon nem ressemblait à un gros saucisson obèse éventré. La mixture de mon choix peinait à rester enfermée dans sa gaine légère : une mince pellicule faite de farine de riz et d’eau, cuite à la vapeur et séchée au soleil.
Ngon, qui signifie “c’est bon”, figurait aussi sur ma liste des restaurants étoilés. On y avait réuni les meilleures vendeuses ambulantes, dont la cuisine faisait déjà leur renommée. Accompagnée d’un serveur, je faisais le tour des kiosques, disposés tout autour des tables, pour choisir ce qui garnirait mon assiette. Dans ce restaurant, chaque cuisinière avait son propre feu de charbon et préparait ses mets sous les yeux avides des clients.
Puis, j’attendais que ce festin soit servi à ma table. Parmi mes bonnes adresses, il y avait un restaurant de la rue Pasteur spécialisé uniquement dans le pho (soupe de nouilles au bœuf ou au poulet). Ce n’était que de la soupe, mais quelle soupe ! Des nouilles de riz baignaient dans un bouillon savoureux avec du poulet ou du bœuf, selon votre choix. Le restaurant, réparti sur trois étages, se remplissait sans cesse d’une clientèle qui, à peine assise, s’enivrait des arômes du pho qui ne mettait que quelques minutes à arriver. Chacun prenait le temps de l’aromatiser à son goût : feuilles de menthe, basilic, échalotes, fèves germées, piment fort, sauce pimentée... et le dégustait avec des baguettes ! Si j’avais pu photographier cette saveur, elle aurait eu une place de choix dans mon album souvenir. Faute de pouvoir l’imprimer sur pellicule, je l’ai imprégnée sur mes papilles gustatives.
Le "pho" (soupe de nouilles au bœuf ou au poulet), l'un des plats délicieux de Hanoï. |
Photo : CTV/CVN |
Un autre restaurant méritait mes visites, souvent plus d’une fois par semaine. Sa spécialité : le crabe. Soupe au crabe, riz au crabe, rouleaux au crabe, crabe pané, toutes sortes de plats apprêtés... au crabe. Je m’y rendais fréquemment pour le déjeuner, car il était situé à proximité de mon bureau. La panse bien garnie, je me traînais ensuite au travail. Parfois, la gourmandise me poussait à finir par une portion de chè (méli-mélo sucré couvert d’un épais lait de coco). Alors, toute l’après-midi, je rêvais d’une longue sieste pour digérer lentement ces délices.
À Nha Trang (Centre), avec la réserve de fruits de mer à portée de main, on pouvait les commander sous toutes les formes. Je les préférais grillés au charbon de bois. On nous offrait même le plaisir de les préparer nous-mêmes en installant le feu au milieu de la table. Et bon appétit ! Excellent ! Excitant ! Exotique ! Puis, en ajoutant une bonne poignée de dollars, on pouvait se présenter au buffet d’un grand hôtel n’importe où dans le pays et se régaler des délices de la mer, suffisamment pour ne plus avoir faim le reste de la semaine.
Dans un pays comme le Vietnam, où le thermomètre affiche plus souvent des températures élevées que fraîches, il est essentiel de se désaltérer régulièrement. L’eau potable et les jus de fruits frais se trouvent partout. Mes préférences allaient surtout au jus de coco servi directement dans la noix joliment taillée, au café au lait sur glace, ou à la bière. Encore une fois, il ne fallait pas se préoccuper des antécédents de la glace ajoutée aux rafraîchissements. Celle-ci était généralement livrée dans des voiturettes tirées par une moto, découpée en blocs, puis “le restaurateur” s’activait à lui donner un format adapté au récipient de service.
Aventures “culinaires”
Les techniques pour l’effriter variaient, mais souvent, on enfermait la glace dans un sac ou un morceau de tissu (d’où venaient leurs couleurs indéfinissables ?), on déposait le tout sur le trottoir et on tapait dessus avec un morceau de métal jusqu’à ce qu’elle soit bien cassée. Et voilà ! Il ne restait plus qu’à servir la glace dans les cafés et les jus.
La bière nécessitait moins de fantaisie. Faute d’espace pour la réfrigérer, on y ajoutait “des glaçons” (terme utilisé par les francophones), mais ils se rapprochaient davantage du bloc de glace plus grand que le verre que du délicat petit glaçon qui flotte avec souplesse dans nos breuvages. Il restait si peu de place pour la bière que nous ne risquions pas de nous enivrer de sitôt.
Photo : CTV/CVN |
Je fus souvent surprise de constater que la plupart des recettes vietnamiennes nécessitaient beaucoup de légumes ou de fruits, mais peu de viande. Les herbes et les plantes qui accompagnaient les plats apportaient une véritable cure de “nettoyage” et “d’entretien”. On m’expliquait souvent que tel assaisonnement était bénéfique pour le foie, tel autre pour les maux d’estomac ou pour soutenir la digestion, certaines plantes pour les intestins, d’autres pour traiter les problèmes de tension artérielle ou favoriser le sommeil. Une aubaine, car on soignait son corps tout en dégustant un bon repas.
En bref, manger vietnamien ne signifiait pas se nourrir hors des règles d’hygiène. Mais je dois avouer que les méthodes utilisées avaient de quoi nous surprendre bien des fois. Cependant, si nous savions dépasser nos premiers réflexes, qui pinçaient nos narines ou notre tube digestif, nous pouvions nous offrir un festin assuré. Je ne me suis jamais privée de cette opportunité.
Si bien que, de retour au Québec (Canada), dans les restaurants de cuisine vietnamienne, je cherchais sans succès les mets et les saveurs du pays. Les plats semblaient si bien adaptés à notre goût qu’ils en avaient oublié leurs origines. Pour les estomacs fragiles aux odeurs et aux apparences, une kyrielle de restaurants de toutes nationalités savait, avec une touche un peu plus épicée, les servir sans offense.
Je ne peux conclure ce chapitre sans raconter l’une des nombreuses aventures qui figurent au répertoire des faits cocasses ayant agrémenté quelques-uns de mes repas. Au Québec, parmi mes mets préférés figuraient de nombreux plats à base de poulet. Toutefois, au Vietnam, je m’abstenais souvent d’en mettre dans mon bol. Habituée à déguster uniquement les chairs tendres de cette volaille, j’avais du mal à grignoter autour de leurs os, avaler la peau ou encore à entreprendre une lutte féroce avec le morceau pour qu’il libère ce que je pouvais mettre sous la dent : en quelques mots, il n’était pas cuit à mon goût.
Dorothée Roy/CVN