Y-Concert, miroir des nouvelles attentes du public vietnamien

Réunissant plus de cinquante artistes durant dix heures de spectacle devant 60.000 spectateurs, Y-Concert, organisé le 20 décembre à Hung Yên, a dépassé le cadre d’un simple événement musical. Ce méga-concert payant s’est imposé comme un test grandeur nature pour un nouveau modèle de divertissement, fondé sur les vedettes issues des jeux télévisés.

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Photo: VNA/CVN
Une foule nombreuse créant une atmosphère animée au Y Concert.
Photo : VNA/CVN

La singularité de Y-Concert tient d’abord à son casting. La majorité des artistes proviennent de programmes télévisés à forte audience tels que Anh trai vuot ngàn chông gai (Call Me by Fire - Appelle-moi par le feu), Chi dep dap gio re song (Sister Who Make Waves- Sœur qui fait des vagues) ou encore Tân binh toàn nang (Show It All Vietnam- Montrez tout le Vietnam). Habitués aux plateaux de télévision et aux réseaux sociaux, ils se sont retrouvés réunis sur une même scène, face à une foule de 60.000 personnes.

Comparé à des concerts gratuits comme Tô quôc trong tim (environ 50.000 spectateurs) ou à See The Light de My Tâm au stade My Dinh (40.000 personnes), Y-Concert - événement payant - constitue un indicateur significatif : le public est prêt à acheter des billets, à se déplacer loin et à rester jusqu’à minuit pour soutenir cette génération d’artistes issus des game shows. Un signal encourageant pour les producteurs.

Cette dynamique soulève toutefois une interrogation de fond : la popularité acquise à la télévision peut-elle se transformer en une carrière musicale durable, ou ne produit-elle que des vagues de succès éphémères ?

Une dramaturgie pensée pour la durée

Le programme s’est déroulé de 14h00 à minuit, structuré en plusieurs séquences. L’ouverture, portée par des performances solo jeunes et énergiques, visait à installer rapidement l’ambiance. La partie centrale a misé sur des collaborations intergénérationnelles, intégrant des éléments de culture traditionnelle. Le final, enfin, a enchaîné des titres populaires réarrangés, faisant monter progressivement l’intensité pour maintenir un public pleinement engagé.

Représentation de la chanteuse Kiêu Anh. 
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Le directeur musical Slim V a conçu une playlist resserrée, répartissant équitablement le temps de scène afin que chaque artiste dispose de son moment fort. Le choix de limiter les échanges verbaux avec le public, au profit d’une succession fluide de performances, a permis de conserver un rythme soutenu - un point souvent délicat dans les concerts de très longue durée.

Malgré ces choix, dix heures de spectacle restent une épreuve, tant pour les organisateurs que pour les spectateurs. Si l’accumulation de titres phares en fin de programme a contribué à relancer l’énergie collective, l’endurance requise demeure un défi, en particulier pour un public plus âgé.

L’un des aspects les plus remarqués de Y-Concert réside dans la place accordée aux inspirations traditionnelles. Des références aux chants folkloriques des trois régions, au chèo (théâtre populaire), au ca Huê (Chant de Huê) ou au hat van (chant rituel de médiumnité) ont été intégrées dans plusieurs numéros, revisités à travers des arrangements modernes, des chorégraphies dynamiques et des costumes contemporains.

La performance Trống cơm ((tambourin oblong) interprétée par les “Anh trai” SOOBIN, Tự Long...
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Dans un paysage musical dominé par la pop, l’EDM ou les influences coréennes, l’enthousiasme de dizaines de milliers de spectateurs pour ces formes patrimoniales démontre que la tradition n’est pas incompatible avec les codes du divertissement moderne.

Des artistes polyvalents pour un public exigeant

Au-delà du chant, les artistes ont endossé de multiples rôles : défilés sur scène, performances dansées, mises en scène visuelles. Cette polyvalence, fruit de répétitions intensives - parfois menées malgré la fatigue ou la maladie - correspond aux attentes d’un public jeune, habitué à des contenus rapides et variés.

Ce modèle impose une nouvelle norme : l’artiste contemporain doit être capable de chanter, danser, se mettre en scène et interagir simultanément. À Y-Concert, cette approche a contribué à enrichir l’expérience globale et à maintenir l’attention sur la durée.

Mise en scène, technologie et organisation

Sous la direction artistique de Dinh Hà Uyên Thu, le concert a bénéficié d’une structure narrative claire, alternant moments de montée en puissance et respirations, avec des transitions maîtrisées. Dix écrans LED de grande taille, un dispositif lumineux sophistiqué et l’utilisation ponctuelle de feux d’artifice ont renforcé l’atmosphère de festival.

Le modèle de divertissement actuel exige que les artistes soient “multitâches” : chanter, danser, défiler, interagir avec le public… simultanément.
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Sur le plan esthétique, Y-Concert a toutefois privilégié une formule éprouvée : effets visuels spectaculaires et éclairages intenses lors des climax. Un choix efficace pour un événement grand public, mais qui laisse entrevoir un potentiel d’innovation scénographique encore à explorer.

À une échelle plus large, Y-Concert s’inscrit comme un essai pour la construction d’un véritable écosystème du divertissement.  
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L’organisation logistique a, en revanche, été largement saluée : sécurité, assistance médicale, contrôle d’accès fluide, ainsi que des infrastructures annexes - restauration, sanitaires mobiles - permettant au public de rester sur place sans inconfort excessif.

Un test pour l’écosystème du divertissement

À une échelle plus large, Y-Concert s’inscrit comme un essai pour la construction d’un véritable écosystème du divertissement : le public découvre les artistes à travers les game shows, les suit sur les réseaux sociaux, puis les retrouve lors de concerts, de rencontres ou d’événements hors ligne.

Si la qualité artistique et l’innovation sont au rendez-vous, ce modèle pourrait offrir une base solide au marché musical national, en multipliant les scènes et en structurant l’offre culturelle. Le risque, en revanche, serait de s’appuyer uniquement sur une popularité passagère, au détriment d’une identité musicale forte.

Y-Concert apparaît ainsi à la fois comme un succès immédiat et comme un rappel nécessaire : l’enjeu n’est plus seulement de rassembler une foule enthousiaste, mais de proposer, à terme, des expériences culturelles capables de durer et de s’approfondir.

Thao Nguyên/CVN

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