Une association humanitaire franco-vietnamienne pas comme les autres

Au début de novembre, l'association franco-vietnamienne Dam Chu est venue une nouvelle fois pendant cinq jours dans la province de Cao Bang, au Nord du pays, pour poursuivre son aide aux habitants de deux villages. À bord, Lydia, Alain, Sylvie et Catherine, métisses, et originaires du Vietnam.

Bétonnage de la cour de l’école avec l’aide des parents d’élèves.

Voilà un projet humanitaire bien original. Lydia Chu Van Loir, française et vietnamienne d'origine, présidente de l'association, aime à le qualifier d'humanitaire familial. Voici deux familles françaises, alsaciennes de surcroît, qui ont décidé de s'unir pour aider deux villages à l'autre bout du monde, au Nord du Vietnam, issus d'une minorité ethnique démunie, les Nùng. En fait, les deux papas sont nés dans ces villages, Lung Nguu et Lang Hoai. Dam Van Cuong et Chu Van Tiên - le père de Lydia - , ont été mobilisés lors de la Première guerre mondiale par l'armée française pour combattre, et ils se sont ensuite installés en France. Ils ont épousé une alsacienne et ont donné naissance à cinq enfants chacun. Du côté de la famille de Lydia, les enfants ont peu appris de leur culture paternelle. "Notre père ne nous a pas appris sa langue. Il pensait qu'il fallait parler français pour s'intégrer. Mais j'ai baigné dans l'interculturalité sans le savoir", commente t-elle. Ce n'est que sur le tard que Lydia cherche à connaître ses racines : "Quand on avance en âge, on a besoin de savoir d'où on vient". Ainsi Lydia nous explique avec émotion pourquoi, à 46 ans, elle décide de chercher sa famille, plusieurs années après le décès de son papa. "Mon frère aussi a mis du temps avant d'aller au Vietnam pour la 1re fois. Il avait peur de ne jamais revenir."

Une aventure solidaire

En 1999, Lydia retrouve ses cousins et petits cousins, et se rend désormais presque trois fois par an dans sa famille. Puis émerge l'idée de l'association. "Je voulais me rapprocher d'eux et les aider. Ils manquaient de beaucoup de choses et c'était pour nous un juste retour des choses après le départ définitif d'un des leur vers la France. Avec Sylvie et Catherine Dam Van et mon frère, nous leur avons proposé, et ils ont dit oui!". 2007, le projet est lancé, dans les villages natals des deux familles. Depuis 2008, l'association a permis, à l'aide de nombreux dons, de bétonner la route d'accès vers les villages, impraticable en temps de pluie, d'équiper l'école maternelle de tables, chaises et jeux, de fournir un matériel informatique au collège, et surtout d'installer des sanitaires au cabinet médical, ainsi qu'un microscope. "Toutes les actions que l'on mène se font en concertation étroite avec les locaux. Les autorités et l'ancien du village, le représentant des femmes et la police s'assoient avec nous autour de la table pour décider de ce qu'on fera. La plupart du temps, la demande vient des professeurs, des parents d'élèves, ou des médecins. Nous agissons en fonction des besoins exprimés", raconte Lydia.

Une priorité à l'hygiène

Lydia Chu Van Loir vérifie la qualité de l’eau des nouveaux sanitaires du cabinet médical.

L'accès à l'eau est un axe fort de leur projet commun pour améliorer l'hygiène et ainsi diminuer la mortalité, en particulier chez les enfants. En début d'année, l'association a ainsi inauguré de nouveaux sanitaires pour le collège et elle débute actuellement des travaux pour une installation similaire à l'école maternelle. "Toujours pour répondre à leur demande, nous mettons des toilettes turques, car les 80 petits ne connaissent pas les cuvettes". Concernant l'hygiène, l'association a proposé au cabinet médical des distributeurs de savon liquide, moins porteur de germes que le savon qu'ils utilisent, et a sensibilisé les 300 élèves du collège au lavage des mains. Une action qui va d'ailleurs dans la lignée des volontés du gouvernement vietnamien, qui a organisé un meeting pour la Journée mondiale du lavage des mains du 15 octobre dernier. Selon la Banque mondiale au Vietnam, l'action simple de se laver des mains permet, chez les enfants de moins de cinq ans, de réduire de 50% les risques d'être touché par la diarrhée, de 25% ceux de souffrir d'inflammation respiratoire. Les pertes matérielles causées par ces maladies sont estimées à 780 millions de dollars, soit 1,3% du PIB annuel du Vietnam.

Actuellement, les projets et les demandes fusent pour l'association. La semaine dernière, sur place, elle a organisé une réunion de chantier pour inaugurer les sanitaires de l'école maternelle en avril 2013. "Nous avions fait appel à un foreur professionnel la première fois. Mais désormais c'est mon petit cousin Lang qui supervise les forages pour les sanitaires. Il appris sur le tas et il a maintenant développé son métier d'origine, maçon. Et il a des demandes multiples des habitants des villages voisins", ajoute Lydia.

L'association a également poursuivi le bétonnage de la cour, avec le concours volontaire des parents d'élèves, et apporté à l'école du matériel pédagogique, notamment des chansons pour enfants du patrimoine vietnamien, une télévision et un lecteur DVD.

Pour l'avenir, la minorité Nùng vit surtout de l'élevage, et les femmes souhaitent développer leur troupeau, avec un prêt pour acheter des poulets, des canards et des cochons. Lydia aimerait que les intérêts ne soient pas payés à l'association mais au groupe de femmes qui pourrait ainsi constituer un petit système de micro crédit, et rendre possible de futurs prêts autonomes. L'idée va bientôt être soumise à son équipe. "On leur donne ainsi les moyens de créer du travail, tout cela a un sens pour nous. On fait attention à leur fournir un matériel qui résiste au temps, et on assure un suivi de nos actions. Le village ne nous aurait je pense pas acceptés si on étaient des Français comme les autres, ou une ONG étrangère, mais on est de la famille".

Et des regrets, Lydia, n'en a aucun : "C'est arrivé à 46 ans, j'ai fait ma vie avant, il y a un temps pour tout. Je n'en avais pas besoin avant, et aujourd'hui je me complète".

Éloïse Levesque/CVN

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