Dans le district de Tu Liêm, en banlieue de Hanoi, Nguyên Thai Vinh est connu comme le loup blanc. On le surnomme volontiers «le paysan milliardaire». Cet homme, qui approche de la cinquantaine, est propriétaire de deux maisons cossues. «Tout ça, c’est grâce aux herbes», affirme-t-il avec une flamme de fierté dans le regard.
Un champ de «co nhung» de Nguyên Thai Vinh. |
Depuis quinze ans, Nguyên Thai Vinh cultive ses herbes sur plus de 7.000 m² loués à plusieurs familles du village de Phu Diên. Un vaste champ divisé en lots parallèles qui fait penser aux parcelles de riz à la période d’ensemencement. «Les co nhung viennent du Japon. Ce sont des herbes drues parfaites pour la décoration extérieure des villas, hôtels, restaurants de luxe, parcs ou terrains de golf», explique-t-il.
Du statut de «timbré du village»…
Nguyên Thai Vinh. |
Avant d’embrasser le métier de paysan, Nguyên Thai Vinh était officier enseignant dans une école militaire. Son retour dans la vie civile dans les années 1990 n’a pas été facile. «Franchement, je me suis bien demandé ce que j’allais faire», avoue-t-il. À cette époque-là, son village était entraîné dans une urbanisation à tous crins. Beaucoup de paysans abandonnaient leurs rizières, revendaient leur terre, pour se lancer dans diverses affaires commerciales avec plus ou moins de succès. «Je m’étais promis de vivre et de faire fortune sur la terre de mes ancêtres. Je me suis alors remémoré les champs d’herbes magnifiques que j’avais vu lors de ma mission dans les montagnes du Nord».
Les débuts ont été difficiles. Il a pris à bail un vaste terrain inculte et a mis sur la table tout ce qu’il possédait. Cette culture, pratiquée pour la première fois en banlieue de Hanoi, a fait pas mal glousser au sein de la communauté villageoise. Cultiver de l’herbe, en voilà une idée farfelue ! Vinh a été tourné en ridicule. On a même douté de sa santé mentale. Les mauvaises langues ont, depuis, ravalé leur salive.
Succès dès la première année avec une recette dix fois plus importante que celle du riz. «Mes 7.000 m² de co nhung m’ont rapporté l’année dernière 200 millions de dôngs de bénéfice», se vante Vinh. De plus, ses champs d’herbes emploient dix travailleurs locaux.
… à celui d’expert respecté
Au village de Phu Diên, une quarantaine de familles lui ont emboîté le pas. Les pelouses se développent chaque année un peu plus. Vinh est devenu un expert que l’on vient consulter. Selon lui, «il vaut mieux planter les co nhung au printemps et les récolter en hiver. Cette variété d’herbe s’adapte bien à une terre légèrement sablonneuse. Pour les bonifier, il suffit d’arroser quotidiennement, et de les fumer une fois par an avec de l’engrais phosphaté».
Le «co nhung» embellit villas, hôtels, parcs, terrains de golf. |
Outre ces carrés de pelouse, Vinh fournit aussi des semences et renseignements techniques. Ses clients viennent de partout : Hanoi, Sapa (Lào Cai), Hai Phong, Lang Son, Quang Ninh, Vinh Phuc… Il s’amuse : «Avec ce boulot, j’ai un autre grand privilège, celui de pouvoir découvrir le pays». À chaque commande passée, Vinh se rend lui-même sur place pour livrer la marchandise au client, et le guider dans les soins. «Une commande d’un ou de mille mètres carrés, je ne fais guère la différence. Je donne les mêmes services». Pas étonnant donc que Vinh ait gagné la confiance des clients.
Questionné sur son intention de créer ou non une compagnie, Vinh éclate de rire : «Mais non. Comme dit un dicton : +bon vin n’a pas besoin d’enseigne+. De plus, à côté de cette passion pour les herbes, j’ai vraiment du plaisir et de la fierté d’être devenu un vrai paysan, d’avoir fait fortune sur ma terre natale et de pouvoir voyager gratuitement…». Bref, un homme comblé.
Nghia Dàn/CVN