Thibaut Cauvin, des accords pour rassembler

Thibault Cauvin, guitariste prodige, a choisi Hanoi pour finir une tournée qui l’a mené sur tous les continents. Le musicien nous a fait découvrir sept villes et ce fut un délice que d’embarquer à bord du Thibault express, le temps d’un spectacle chargé d’émotions.

Le 7 juin, à Hanoi, dans l’auditorium de l’Espace (Institut français), les spectateurs sont impatients. Pantalon rayé, chaussures rouges , large sourire… Il serait sans doute plus facile de croire que le personnage hyperactif qui nous fait face va nous faire un numéro de claquettes. Mais à voir la concentration profonde métamorphoser ses traits lorsqu’il s’empare de sa guitare, on commence à se douter de quelque chose... Ce joyeux luron va bel et bien nous embarquer dans les profondeurs de morceaux venus des quatre coins de la planète. Une musique aux couleurs du monde donc, mais qui porte la patte incomparable de ce guitariste prodige. Des cordes qui se font parfois graves, parfois douces, et très souvent démentes…

Musicien prodige, Thibault Cauvin va sortir un cinquième disque à l’âge de 26 ans seulement. Photo : CTV/CVN

De Buenos Aires à Istanbul...

Le voyage démarre par un morceau classique «El Angel» de Piazzolla. Rapidement, on est gagnés par cette grâce particulière. Dès les premiers accords, c’est Buenos Aires. Le charme latin, d’abord. Les rythmes d’un tango argentin. Puis viennent des accords plus graves. Le tumulte sourd de la ville, une violence qui dort… Apparaissent alors les quartiers sombres, un goût corsé. Les bas-fonds se dessinent et, avec eux, l’âme fatale de la ville latine, ses chocs, ses jeux et ses drames. Puis on embarque dans un métro, et c’est un jazz tout new-yorkais qui nous conduit. Un standard d‘Ellington et Stayhorn «Take the A Train» emplie du souffle de la big apple où tout est possible. Rythme alerte, le subway semble monté sur ressorts avec Thibault Cauvin. On part ensuite pour Rio de Janeiro avant d’atterrir à Bordeaux avec «Guitarcity» la dernière composition de son père, Philippe Cauvin. Une pièce qui au dire de son propre fils est «un peu folle voire complètement délirante». Portrait d’une ville que bien peu de bordelais ont la chance de connaître sans doute… Délire absolu, on reste médusé devant la folie pure qui s’empare de l’instrument. Portrait d’une ville touchant, drôle, triste parfois et complètement frappé la plus part du temps. Ici, la guitare n’est plus un instrument à cordes, classique ou même populaire. C’est un ovni qui se prête à tout, notes désaccordées, percussions, musique expérimentale... Thibault Cauvin nous avait prévenu : il aime «repousser les limites de l’instrument jusqu’à en oublier que c’est une guitare».

L’Espace (Institut Français) a accueilli Thibault Cauvin le 7 juin 2012 pour un concert mémorable. Photo : CTV/CVN

Puis le concert a évoqué Kyoto, Calcutta pour finir par Istanbul. A la sortie, les auditeurs semblaient conquis, un peu perplexes peut-être. On n’a jamais vu un guitariste classique manier son instrument de la sorte. Thibault Cauvin émeut lorsqu’il transmet sa passion pour l’ailleurs.

Et ce n’est pas un hasard si Thibault Cauvin aime voyager. Lui-même est en quelque sorte un métis, un prodige né de la rencontre entre guitare classique et musique expérimentale. Formé dans les conservatoires de Bordeaux et de Paris, il a reçu les meilleures des formations classiques. Mais, par ailleurs, son entourage et surtout son père, Philippe Cauvin, le fait baigner dès son plus jeune âge dans les univers de la musique expérimentale. Un monde «plus charnel et plus sensible» selon les mots du jeune homme qui évoque avec une passion égale les trois univers dont il est issu. «D’un côté, il y a les immenses compositeurs de musique classique tels que Beethoven ou Mozart que je respecte toujours énormément parce qu’ils m’ont forgé. Mais, du fait de mon milieu familial, je suis aussi très lié au jazz moderne et aux musiques actuelles. Enfin, j’ai été très marqué par mes voyages. J’essaye de rassembler ces trois influences aujourd’hui».

Une belle sincérité

D’ailleurs, sa musique a la beauté suave du métissage. Elle en a le message également. Thibault Cauvin dit vouloir rassembler les styles. De fait des airs de jazz, de tango ou de folk semblent se disputer tour à tour sa guitare. Et de cette manière, il rassemble aussi les gens. «Je veux pouvoir jouer pour des grands intellectuels fortunés à Hong-Kong ou pour des pêcheurs algériens. J’aime toucher les gens. Quand le concert commence, il n’y a plus de barrières de langues ou de cultures, plus de couches sociales. Tout le monde peut embarquer sur le vaisseau musical». Pour ça il faut au moins un peu de magie, celle que le jeune homme possède dès qu’il a une guitare entre les mains. Depuis tout jeune, rien ne résiste au phénomène. Treize premiers prix internationaux remportés à l’âge de 20 ans. Aujourd’hui, à 26 ans, il a déjà enregistré quatre albums. Le jeune guitariste n’a donc plus grand-chose à prouver sur sa maîtrise technique. Un brio incomparable qui lui permet d’envisager son cinquième album «Cities» avec une belle simplicité.

Quand on lui parle de sa présence scénique, Thibault Cauvin évoque d’ailleurs une forme de sincérité. On veut bien le croire. Un sourire comme ça, plus large que la scène elle-même, ne peut pas mentir. «Mes instants sur scènes sont mes plus beaux moments». Ce bonheur intense, sa musique le renvoie de tout éclat. Il dit avoir emprunté ce rapport au public aux concerts de rock ou de musique pop qu’il fréquentait déjà enfant. «Malheureusement entre les musiciens classiques et le public, il y a souvent une barrière. Leurs concerts sont souvent présentés comme des œuvres finies, un tableau achevé. La rencontre entre l’interprète et le public manque souvent. C’est quelque chose qui me dérange. Pour moi, c’est un échange. Je suis très sensible au public, à la salle et à la façon dont les choses s’accordent». Une attention particulière pour les accords, Thibault est décidemment musicien jusqu’au bout des mots…

Léa Ducré/CVN

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