L’écriture comme exutoire

Nguyên Thi Duong est rédactrice pour le bulletin trimestriel Sông chung voi HIV (Vivre ensemble avec le VIH). Malade du sida depuis dix ans, elle a retrouvé confiance en elle et en la vie grâce à l’écriture.


Duong rencontre des ouvrières d’une entreprise pour leur parler de sa vie en tant que malade du sida.

En 2005, devant le manque d’informations des séropositifs et sidéens sur les médicaments et aussi devant les discriminations qu’ils subissaient au quotidien, le réseau «Pour un avenir éclatant» a décidé de publier un bulletin trimestriel appelé Vivre ensemble avec le VIH. D’un tirage de 1.200 exemplaires, il est distribué partout dans le pays. Point remarquable, 80% de ses rédacteurs sont des malades du sida, qui trouvent là un moyen de se valoriser, de s’épancher et, plus important, de se réinsérer dans la société.
Nguyên Thuy Duong se souvient toujours de sa surprise et de sa joie de recevoir 3,8 millions de dôngs pour ses premiers articles. Elle a même pleuré, non pas en raison du montant de ses émoluments mais plutôt parce qu’il s’agissait pour elle d’une forme de reconnaissance. Après tant d’années «de galère», elle s’est sentie revenir du bon côté de la barrière, celui des «gens normaux». Depuis, elle n’a jamais cessé d’écrire, et ne considère plus qu’un séropositif écrivant des articles est «quelque chose d’exceptionnel». Elle se considère juste comme «les autres», ni plus ni moins. «S’efforcer dans la vie d’accomplir de la meilleure façon les choses qui nous tiennent de plus à cœur, dans le respect des autres et de soi-même», tel est le leitmotiv de Thuy Duong.
Descente aux enfers
La vie de Duong n’a jamais été un long fleuve tranquille. Arrêtant les études précocement (en classe de 5e), elle suit sa famille à Dak Lak. Elle se marie tôt, à 19 ans, et reçoit le VIH de son mari. Un an après, celui-ci décède et elle est rejetée comme une malpropre par sa belle-famille.
Elle abandonne son emploi dans une agence immobilière puis «descend» à Hô Chi Minh-Ville pour tenter de refaire sa vie. Elle devient volontaire pour des campagnes de prévention et de lutte contre le VIH/sida, et se remarie, encore avec un sidéen. Bonheur de courte durée. Trois ans plus tard le couple se sépare et, avec son enfant, elle retourne à Dak Lak, près de ses parents, ne sachant guère quoi faire de sa vie.

Un numéro du bulletin Vivre ensemble avec le VIH.


Écrire pour redonner un sens à sa vie
Pendant ses moments de solitude, elle se réfugie dans la lecture, de la presse notamment. Mais aussi dans l’écriture, une forme d’exutoire. Un jour, elle envoie un article au concours d’écriture «Histoire de vie racontée par soi-même» du journal Tuôi Tre (Jeunesse), et reçoit un - bien-nommé - prix d’encouragement. Son deuxième article, qui concerne son enfant, est publié dans le journal Tiêp Thi Saigon (Saigon Marketing).
Un jour, elle rencontre Hoàng Hai Vuong, qui travaille pour le bulletin Vivre ensemble avec le VIH. Il lui demande d’écrire des articles. Encore peu confiante en ses capacités, elle hésite puis décidé de tenter l’aventure. Lors de la lecture du premier article de Duong titré Souvenirs de la saison des fleurs, Pham Hoài Thanh, un rédacteur, est épaté par la profondeur du texte, le style imagé. Les suivants sont de la même veine. Ses articles dépeignent ses expériences de vie en tant que personne contaminée par le sida, les bonnes mais aussi les pires.
Elle aime confier ses expériences de journaliste : «Chercher un sujet et réfléchir au contenu me demandent parfois une semaine. Mais une fois que ceci est terminé, deux heures me suffisent pour écrire l’article, raconte-t-elle. Un jour, pour un reportage-photo dans une région reculée, j’ai fait 60 km à moto. Ces clichés ne sont peut-être pas beaux mais ils sont précieux pour moi, car ils viennent du cœur».

Dans un centre de dépistage du VIH/sida dans la province de Quang Ninh (Nord).
                                                                        Photo : Duong Ngoc/VNA/CVN


Le rêve de devenir journaliste professionnelle
«Auparavant, je pensais que les sidéens vivaient dans un monde à part. Mais maintenant, je trouve que nous sommes comme tous les autres. Nous pouvons même accomplir des choses que les +personnes normales+ ne peuvent pas faire».
Lorsqu’elle rend visite à ses parents, à Buôn Ma Thuôt, à 100 km de chez elle, elle apporte parfois des journaux pour faire lire ses articles. Ses voisins l’appellent désormais «journaliste», ce dont elle n’est pas peu fière...
Duong a écrit dans un article : «Dix ans ont passé trop vite, comme l’éclair. La vie a laissé beaucoup de blessures dans mon cœur mais je suis prête à tout refaire depuis le début». Et elle a choisi «cobe 123» comme nom de plume. Car «on compte 1, 2, 3 avant de photographier. Ces chiffres expriment aussi les premiers pas quand on débute quelque chose».
On ne peut que lui souhaiter bonne chance pour ce nouveau départ dans la vie !

Hà Minh/CVN

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