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Au cours des huit premiers mois de 2025, les exportations de meubles ont augmenté 6,3% par rapport à la même période de 2024. |
Le secteur du bois vise toujours la ligne d’arrivée
Au cours des huit premiers mois de 2025, les exportations de bois et produits dérivés du Vietnam ont atteint 11,1 milliards de dollars, en hausse de 6,3% par rapport à la même période de 2024. Selon l’Association du bois et de l’artisanat de Hô Chi Minh-Ville (Hawa), d’ici à la fin de l’année, le secteur du bois et du mobilier devrait générer environ 5 milliards de dollars d’exportations, dont la moitié à destination du marché américain. Parmi ces produits, les armoires de cuisine et certains articles d’ameublement représentent environ 800 millions de dollars - soit 30% du chiffre d’affaires - et seront directement touchés par la nouvelle taxe dès le 1er octobre.
"Si les entreprises accélèrent leurs livraisons, elles peuvent encore contourner cette taxe, mais certaines préfèrent attendre pour observer l’évolution de la situation. En cas de hausse tarifaire, les exportations pourraient perdre entre 300 et 400 millions de dollars", précise un représentant de Hawa.
Actuellement, l’industrie vietnamienne du bois regroupe environ 6.000 entreprises, dont 45% tournées vers l’exportation. Hawa a d’ailleurs plusieurs fois appelé les entreprises à revenir vers le marché intérieur, à investir dans la distribution locale afin de mieux maîtriser leur production et limiter les risques.
Les exportations textiles en ralentissement
Le secteur textile connaît lui aussi des turbulences. M. Pham Van Viet, vice-président de l’Association de la mode et du textile de Hô Chi Minh-Ville, souligne que la croissance des exportations vers les États-Unis a fortement ralenti, passant de 9% à seulement 4% en juillet 2025. Sur les sept premiers mois de l’année, le secteur a enregistré un chiffre d’affaires de 26,3 milliards de dollars, soit +9% par rapport à la même période, en visant 50 milliards pour l’ensemble de l’année. Cependant, selon M. Viet, il sera difficile d’atteindre la prévision de 13,2% de croissance en raison des fluctuations politiques et du ralentissement de la demande. Néanmoins, il estime que le potentiel à long terme reste élevé : le Vietnam a signé 17 accords de libre-échange, ce qui permet aux entreprises de diversifier leurs marchés, de réduire leur dépendance vis-à-vis des États-Unis et d’élargir leur vision stratégique.
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Le secteur du textile-habillement vise à atteindre 50 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2025. |
Attentes des grandes chaînes de distribution
Selon Do Ngoc Hung, conseiller commercial du Vietnam aux États-Unis, les géants de la distribution tels que Walmart et Costco continuent de considérer les produits vietnamiens comme stratégiques et de grande qualité. Toutefois, ils s’inquiètent des effets négatifs d’une fiscalité trop lourde sur leurs activités. Malgré cela, de nombreux acheteurs américains manifestent encore un fort intérêt pour les articles vietnamiens dans les secteurs du bois, du mobilier, du textile, de la chaussure et des produits de la mer.
M. Hung souligne néanmoins que pour s’implanter plus profondément dans ces chaînes de distribution, les entreprises vietnamiennes doivent répondre aux normes de production verte, de durabilité, disposer de capacités suffisantes pour de grandes commandes et assurer une offre stable.
Les entreprises réorientent leurs marchés
Face aux évolutions de la politique fiscale, plusieurs entreprises vietnamiennes ont pris l’initiative de diversifier leurs débouchés. M. John Hieu, directeur de la division de la société TLD Vietnam, indique que le marché américain demeure incontournable, mais que les acheteurs s’habitueront progressivement aux nouvelles conditions tarifaires. "Même si les acheteurs tentent de faire pression sur les prix, les coûts seront partagés entre les différents acteurs de la chaîne d’approvisionnement : fournisseurs, acheteurs et sous-traitants", précise-t-il.
De son côté, Mme Nguyen Thi Thanh Huong, directrice commerciale de l’entreprise Viet Thang Jeans, explique que depuis l’annonce d’une taxe de rétorsion de 46 %, son entreprise a redirigé plus de 10% de ses exportations des États-Unis vers l’ASEAN, le Canada, l’Australie et a renforcé la distribution intérieure. "Actuellement, les États-Unis représentent encore 23% de nos commandes. Déplacer nos exportations vers d’autres marchés en peu de temps n’est pas simple, mais cela reste indispensable", affirme-t-elle.
Désormais, l’entreprise se concentre sur la compétitivité domestique et explore les marchés de niche, en misant sur trois piliers : la culture de consommation, le commerce électronique et les normes de qualité élevées. M. Nguyen Xuan Linh, directeur opérationnel du groupe SCAVI, partage le même constat et rappelle que le marché vietnamien de la mode pèse environ 12 milliards de dollars, avec une croissance annuelle de plus de 10%. Toutefois, il reste largement sous-exploité et dominé par les importations, notamment chinoises. SCAVI s’oriente donc vers la maîtrise de sa chaîne d’approvisionnement en matières premières et accessoires, afin d’optimiser les coûts, d’augmenter la valeur ajoutée et de réduire la dépendance aux aléas géopolitiques.
Pour sa part, Nguyen Quoc Khanh, président de Hawa, insiste sur le fait que le retour au marché intérieur permet aux entreprises vietnamiennes d’accroître leur valeur, de mieux contrôler leur production et, une fois solides sur ce marché, de bâtir une marque nationale capable de conquérir l’étranger. Selon lui, le marché du mobilier au Vietnam est estimé à 15 milliards de dollars, avec une croissance annuelle de 5 à 10%, soutenue par l’urbanisation et l’amélioration du niveau de vie.
D’après le Dr. Huynh Thanh Dien, enseignant à l’Université Nguyen Tat Thanh, le secteur textile vietnamien dispose encore d’un large potentiel auprès des marchés traditionnels tels que l’Union européenne, le Japon et la Corée du Sud, grâce à une demande stable et aux avantages tarifaires issus des accords de libre-échange. En outre, le Canada, le Royaume-Uni et l’Australie deviennent des destinations prometteuses grâce au CPTPP et à l’accord UKVFTA, permettant aux exportations vietnamiennes de bénéficier d’une exonération de droits de douane et de renforcer leur compétitivité face aux concurrents. Ces opportunités offrent ainsi aux entreprises vietnamiennes la possibilité de diversifier leurs marchés, de réduire leur dépendance vis-à-vis des États-Unis et de s’adapter plus souplement aux fluctuations du commerce mondial.
Texte et photos : Quang Châu/CVN