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Originaire de l’ethnie minoritaire Tày, la jeune réalisatrice Hà Lê Diêm s'est faite remarquer sur la scène cinématographique internationale grâce à ses documentaires. |
Photo : CTV/CVN |
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Issue d'une famille de l’ethnie Tày du village de Bung, dans la province montagneuse de Thai Nguyên, Hà Lê Diêm a été initiée très jeune à la lecture par son grand-père. Curieuse et avide de découvertes, elle est rapidement devenue une inépuisable source de récits captivants pour son entourage. Plus tard, Lê Diêm s'est orientée vers le journalisme, animée par le désir de voyager et de découvrir de nouveaux horizons. Cependant, malgré ses qualités de journaliste réactive et inventive, elle s’est rendu compte que les articles et reportages ne parvenaient pas à assouvir pleinement sa passion narrative. "Le journalisme, très exigeant, ne me correspondait pas véritablement. Cette profession m'imposait une cadence effrénée, parfois au détriment du temps nécessaire pour approfondir la relation avec mes sujets, mes personnages", confie-t-elle.
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Photo : CTV/CVN |
Le tournant est survenu lorsqu'elle s'est initiée au cinéma par des formations dispensées au Centre de soutien au développement des talents cinématographiques TPD. Hà Lê Diêm a commencé à entreprendre ses premiers projets documentaires, y trouvant une source de joie et d'énergie créative. "Lorsque je filme, je perçois quelque chose de magique", se souvient-elle. Avec une caméra à la main, elle peut "raconter des histoires" à sa guise. Pendant tout le temps de tournage, elle a découvert son "amour pour le film documentaire". Pour elle, "c'est la joie d'avoir l'occasion de rencontrer beaucoup de gens, de dire la vérité".
Cependant, embrasser la carrière de cinéaste documentaire indépendante représente un défi considérable, impliquant pour le réalisateur de trouver ses propres sujets, d'assurer le financement et de dédier de longues années à l'aboutissement d'une œuvre. Initialement, Hà Lê Diêm n'y réfléchissait guère, poursuivant cette voie avec la sensation de "jouer" en réalisant des films.
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En 2012, Hà Lê Diêm a réalisé le court-métrage documentaire Con Đi Trường Học (Mon enfant va à l’école) avec le soutien de TPD. Ce film narre l'histoire d'une femme atteinte du SIDA à Thai Nguyên et sa résilience à élever son enfant. L'œuvre a suscité une grande attention et lui a valu le prix Canh diêu bac (Cerf-volant d'argent) en 2013. Ce succès a incité la jeune réalisatrice à persévérer dans le domaine du documentaire.
En 2017, elle a commencé à réaliser son premier long-métrage documentaire, Children of the Mist (Les enfants de la brume), suivant le parcours de Di, une jeune fille H’mông de Sa Pa. Le film dépeint le passage à l'âge adulte de Di, depuis son insouciance jusqu'aux bouleversements psychologiques de l'adolescence. L'œuvre aborde en particulier le problème des mariages précoces lorsque Di est "enlevée pour être mariée" par un garçon plus âgé. Originaire de l'ethnie minoritaire Tày de Thai Nguyên, Hà Lê Diêm a été souvent témoin de l'enfance écourtée par les mariages précoces. Elle a partagé le quotidien du personnage, ses repas, et s'est intégrée à la famille de Di. Le processus de réalisation du film s'est étendu sur plus de trois ans.
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Photo : CTV/CVN |
Children of the Mist présente une perspective neutre et objective sur le problème des mariages précoces et la culture des minorités ethniques. L'œuvre offre des entretiens approfondis, permettant au public de mieux appréhender les pensées et la vie des habitants des régions montagneuses. Finalement, Di a épousé l'homme qu'elle aimait et a eu une fille, évitant ainsi la tragédie vécue par sa mère et sa sœur avant elle. Le film a valu à Hà Lê Diêm de nombreuses distinctions prestigieuses, notamment le prix du "Meilleur réalisateur" au Festival international du film documentaire d'Amsterdam 2021, le prix du "Meilleur film international" à Docaviv (Israël), le Bông sen vàng (Lotus d’or) au 23e Festival du film vietnamien, et une présélection aux Oscars 2023. L'œuvre a également été projetée internationalement près de 150 fois et a remporté 36 prix.
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Après ces succès retentissants, Hà Lê Diêm reste humble et refuse toute exagération médiatique. Elle partage : "Ce que je possède actuellement est amplement suffisant pour poursuivre mon chemin. Je ne souhaite pas que mes accomplissements soient magnifiés à l'excès. Je ne désire pas non plus que les individus, et plus particulièrement mes sujets de film, subissent une pression démesurée en raison de la notoriété de l'œuvre. Enfin, je ne veux pas que l'on perçoive la sélection pour la liste restreinte des Oscars comme une simple façade glamour". Elle retourne discrètement dans les villages reculés, y insufflant l'inspiration aux enfants afin qu'ils poursuivent leurs études et nourrissent leurs aspirations.
Fin mai 2025, dans un collège de Cao Bang, Hà Lê Diêm a eu un échange significatif avec les élèves, partageant son parcours de réalisatrice et ses expériences. Elle a patiemment répondu à toutes leurs interrogations, qu'elles portent sur le choix d'une école, l'orientation vers une carrière cinématographique, l'apprentissage des langues ou les études à l'étranger. Pour Hà Lê Diêm, ces dialogues constituent une opportunité d'ouvrir de nouveaux horizons aux enfants des régions montagneuses, les aidant ainsi à envisager un avenir différent. "Les programmes d'échange et de conversation avec les enfants des minorités ethniques sont essentiels ; ils favorisent le contact entre les jeunes et des professionnels issus de divers domaines, contribuant ainsi à les inspirer à fréquenter l'école avec enthousiasme, à approfondir leurs connaissances et à poursuivre leurs rêves… ", affirme-t-elle.
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La réalisatrice Hà Lê Diêm échange avec des enfants de minorités ethniques dans la province de Cao Bang lors du séminaire "Vươn xa - Tỏa sáng" (Rise to shine - S'élever pour rayonner), co-organisé par le Musée des Femmes du Vietnam en mai 2025. |
Photo : CTV/CVN |
Lors d'une rencontre, une élève a profondément ému la réalisatrice en sollicitant un vœu pour l'acceptation de son genre et de son identité. Quand Hà Lê Diêm lui a demandé : "Quelle est ta vraie personne ?", la petite fille a répondu : "Je suis non-binaire…". À cet instant, la réalisatrice est restée silencieuse, saisissant le désir profond d'être reconnue et de vivre en accord avec soi-même qui habitait cette âme innocente. À Mù Cang Chải, Lê Diêm a également rencontré une fillette passionnée de dessin mais qui ne savait pas qu’"artiste" était un métier. Elle lui a présenté des programmes d'études, des bourses internationales et le travail d'un artiste, l'aidant ainsi à explorer le monde et à faire germer ses rêves.
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Ayant grandi au sein de la communauté ethnique Tày, Hà Lê Diêm appréhende avec une profonde empathie les défis auxquels les femmes et les filles sont confrontées en raison des préjugés et de coutumes archaïques. Cette compréhension l'a incitée à concevoir des films documentaires imprégnés de l'atmosphère des régions montagneuses, dépeignant fréquemment des femmes issues de minorités ethniques aux destins divers.
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La jeune réalisatrice Hà Lê Diêm ressent une grande empathie pour les enfants défavorisés des régions montagneuses du pays. |
Photo : NVCC/CVN |
Récemment, elle a réalisé le court-métrage documentaire Thư gửi mẹ (Lettre à ma mère) en collaboration avec le Musée des Femmes du Vietnam, qui raconte l'histoire de Sông, une petite fille H’Mông de 11 ans qui grandit sans sa mère. Le film est raconté sous la forme d'une lettre écrite par Sông elle-même, retraçant ses pensées intimes et son aspiration à l'amour familial. Par une narration à la fois délicate et poignante, le film interpelle la responsabilité des adultes envers les enfants des familles désunies : "Si cet enfant était le vôtre, que feriez-vous pour qu'il n'ait pas à écrire une telle lettre ?". "Du point de vue adulte, ce récit serait empreint d'une profonde douleur", constate la réalisatrice. Ainsi, elle a choisi "d'explorer cette interrogation à travers le regard des enfants", en vue de donner une approche "adoucie, allégée".
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Photo : CTV/CVN |
Thư gửi mẹ a été distingué par le prix le plus prestigieux du Festival du film documentaire court d'Asie du Sud-Est LENScape le "Silvana S Film", et a été projeté dans de nombreux pays.
Le parcours de Hà Lê Diêm illustre le talent, le courage et la compassion d'une réalisatrice qui au-delà de présenter des récits profondément vietnamiens sur la scène internationale, se révèle également être une source d'inspiration vivifiante pour les jeunes générations des villages reculés.
Hông Anh/CVN