Économie des données : le Vietnam à l’heure des choix stratégiques

À mesure que les données deviennent l’infrastructure invisible des économies contemporaines, le Vietnam cherche le modèle le plus adapté pour transformer ce capital immatériel en moteur de croissance, d’innovation et de compétitivité, tout en garantissant sécurité, transparence et bénéfice collectif.

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Lors d'un colloque international sur l’économie des données.  
Photo : VNA/CVN

À l’occasion du colloque international sur l’économie des données, organisé sous l’égide du ministère vietnamien de la Police, experts nationaux et internationaux ont partagé un constat largement convergent : l’économie des données ne relève plus d’une simple évolution technologique, mais constitue désormais une architecture fondamentale, appelée à redéfinir la productivité, l’innovation et la puissance concurrentielle des nations au cours de la prochaine décennie.

Les données sont aujourd’hui perçues comme la "sève" de l’innovation moderne. Elles nourrissent de nouveaux gains de productivité et deviennent le langage commun de la décision publique comme privée. Penser l’avenir à travers le prisme des données, c’est adopter la démarche des économies avancées qui conçoivent déjà les modèles de croissance de nouvelle génération.

Une architecture nationale à structurer

Pour entrer pleinement dans cette nouvelle configuration économique, le Vietnam est appelé à mettre en place une planification cohérente de son écosystème de données. Celle-ci passe par le développement d’infrastructures interopérables, l’adoption de standards communs, des mécanismes de partage sûrs et transparents, ainsi qu’un cadre juridique moderne et adapté aux nouveaux usages. Un enjeu central réside également dans la capacité de l’État à disposer d’un acteur de pilotage suffisamment solide pour coordonner et orienter le développement des données à l’échelle nationale.

Le Professeur Muttukrishnan Rajarajan, spécialiste en ingénierie de la sécurité et directeur de l’Institut de cybersécurité de l’Université City St George de Londres, a retracé l’évolution qui mène de l’économie du savoir à l’économie numérique, puis à l’économie des données. Selon lui, cette dernière redéfinit profondément les leviers de compétitivité des États. "Les données sont devenues un actif économique stratégique, déterminant l’efficacité opérationnelle, la capacité d’innovation et le potentiel de croissance des entreprises comme des nations".

Dans ce contexte, et à la faveur d’une transition numérique rapide ainsi que de politiques publiques en cours de consolidation, le Vietnam dispose d’une réelle opportunité pour s’insérer plus profondément dans la chaîne de valeur mondiale des données, à condition de prioriser l’investissement dans les infrastructures numériques, la gouvernance des données et la coopération intersectorielle.

Un modèle hybride adapté au contexte vietnamien

Pour le professeur associé Ali Al-Dulaimi, doyen de la Faculté de technologies et d’informatique de la British University Vietnam, les spécificités du pays ouvrent la voie à un modèle hybride. Fort d’une population jeune, d’un rythme de numérisation soutenu et d’une certaine flexibilité dans l’élaboration des politiques publiques, le Vietnam peut combiner le rôle structurant de l’État, la capacité d’innovation du secteur privé et des mécanismes efficaces de protection des citoyens.

Ce modèle équilibré apparaît comme une réponse pertinente aux défis posés par l’exploitation massive des données, tout en préservant la confiance sociale, condition indispensable à leur valorisation durable.

Le Professeur associé James Abdey, vice-doyen académique chargé des programmes internationaux à la London School of Economics and Political Science (LSE), partage des informations lors du séminaire.
Photo : CTV/CVN

Un autre défi majeur tient à la mesure de la valeur économique des données. Le professeur associé James Abdey, vice-doyen académique chargé des programmes internationaux à la London School of Economics and Political Science (LSE), a souligné que "l’absence de systèmes de mesure adaptés conduit, dans de nombreux pays, à une sous-évaluation structurelle de la productivité et de la taille réelle de l’économie". Une part significative de la valeur créée par les données n’est pas reflétée dans le PIB, compliquant la formulation des politiques publiques, le suivi de la transformation numérique et l’attractivité pour les investisseurs.

S’inspirant de l’expérience du Royaume-Uni, de l’OCDE et de la Banque mondiale, il a proposé que le Vietnam adopte un cadre de mesure combinant standards internationaux et pragmatisme local, en commençant par des projets pilotes dans des secteurs à forte intensité de données, tels que la santé, l’éducation et la finance.

Gouvernance, éthique et coopération

Le Professeur Chu Hoàng Long, directeur du Centre de recherche sur les politiques vietnamiennes à la Crawford School of Public Policy de l’Université nationale australienne, a insisté sur la nécessité d’évaluer simultanément l’exploitation des données, leur mise à disposition et l’environnement politico-économique. Selon lui, les politiques de données doivent reposer sur des principes d’éthique, de transparence et de responsabilité, avec un rôle moteur de l’État à travers la numérisation des services publics et le renforcement des partenariats public-privé.

Le général de division Nguyên Ngoc Cuong, directeur du Centre national des données et vice-président de l’Association nationale des données.
Photo : CP/CVN

L’objectif affiché est clair : faire du Vietnam une puissance majeure des données en Asie d’ici 2045. Pour y parvenir, l’économie des données devra s’appuyer simultanément sur le développement d’infrastructures numériques de nouvelle génération, la formation de ressources humaines hautement qualifiées dans les domaines de la science des données, de l’intelligence artificielle et de la cybersécurité, ainsi que sur la consolidation d’institutions numériques garantissant la protection des données personnelles, le partage responsable des données ouvertes et la sécurité informatique.

En conclusion du colloque, le général de division Nguyên Ngoc Cuong, directeur du Centre national des données et vice-président de l’Association nationale des données, a réaffirmé l’engagement du gouvernement vietnamien à perfectionner le cadre institutionnel, à développer un marché des données transparent, à renforcer les compétences en données et en intelligence artificielle et à élargir la coopération internationale, avec un objectif central : "mettre les données au service de l’être humain, stimuler l’innovation, améliorer la qualité de vie et renforcer la position du Vietnam sur la scène internationale".

Thao Nguyên/CVN

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