Tous les trois mois depuis 11 ans, le paysan Lê Huu Thanh prend le bus pour se rendre à l’Institut d’hématologie et de transfusion du sang, au centre de Hanoi, pour une mission sacrée : donner son sang.
Petite taille, visage souriant, Thanh porte toujours la veste et le casque kaki des bô dôi (soldats). «Je fais cela dans un but humanitaire mais aussi parce que je n’ai jamais oublié qu’il y a dix ans de ça, mon père a été sauvé grâce à des donneurs volontaires. Depuis, je me suis promis de donner continuellement mon sang, tant que ma santé me le permet», explique-t-il avec une simplicité.
Une requête d’enrôlement en lettres de sang
Les souvenirs de jeunesse semblent enraciner dans sa mémoire. En 1993, le paysan Lê Huu Thanh, 24 ans, qui était alors secrétaire du comité de l’Union de la jeunesse communiste Hô Chi Minh de la commune de Tiên Duoc, district suburbain de Soc Son, Hanoi, a exprimé, dans une requête adressée au Comité chargé des services militaires, son souhait de s’enrôler dans l’armée. Sa demande a été refusée, du fait qu’il faisait l’objet d’une exemption de service militaire pour des raisons familiales : fils unique de Lê Huu Thông, officier retraité après 40 ans de service dans l’armée.
Après des journées de réflexion, Thanh a décidé de refaire la même requête, mais en l’écrivant cette fois-ci non pas avec de l’encre, mais avec son sang ! Et d’aller ensuite la présenter lui-même à la direction du Service des affaires militaires du district de Soc Son. Son souhait exaucé, il est devenu alors le plus âgé de la centaine de jeunes recrues de l’année.
Après un cours d’entraînement militaire à l’École des officiers techniciens de l’armée de l’air, Thanh a été affecté au Régiment d’aviation 920. Deux ans après, il a dû faire une croix sur son rêve de devenir officier afin de rentrer dans son village et soigner ses vieux parents malades.
Dans son village natal, le soldat démobilisé a été élu chef de la milice populaire de la commune de Tiên Duoc, puis sous-chef d’escadron de la milice populaire du district de Soc Son. «Je suis ravi d’avoir pu garder un lien avec ma vie militaire. En plus des travaux champêtres, je participe aux activités de défense de la sécurité locale et de l’ordre social», confie-t-il, fier de l’uniforme militaire dont il ne se sépare jamais. Dans sa maison, trônent sur les murs des images illustrant les activités diverses de l’Armée de l’air, d’autrefois et d’aujourd’hui.
Un cœur qui en a réchauffé d’autres
Lê Huu Thanh (gauche) présente l’insigne honorifique que le ministère de la Santé lui a décerné. |
En 1997, le mouvement de don de sang s’étend partout dans le pays. À Soc Son, en tant que secrétaire du comité local de l’Union de la jeunesse communiste de Hô Chi Minh, Thanh se porte volontaire pour être le premier à en offrir. En voyant sa petite taille, les agents de l’Institut de l’hématologie et de la transfusion du sang ont hésité… Toutefois, Thanh a réussi à les convaincre en passant haut la main tous les examens de santé. Depuis, tous les trois mois, il vient donner son sang. Déjà 49 «ponctions», soit 12 litres de sang.
Ses activités de sensibilisation auprès des locaux sur la nécessité de ce don humanitaire ont porté leurs fruits. Nombreux sont les jeunes de la commune de Tiên Duoc qui ont participé volontairement et régulièrement au mouvement de don de sang. Sa femme Nguyên Thi Hiên l’a soutenu, et s’est rendue plusieurs fois aussi à l’Institut d’hématologie et de transfusion du sang. Elle confie : «Nous avons deux enfants en âge d’être scolarisés. Notre famille ne roule pas sur l’or. Outre les récoltes, nous devons chacun avoir un métier d’appoint : moi, la récupération de déchets industriels pour la revente et mon mari, la maçonnerie. À quoi s’ajoute notre participation aux activités sociales et communautaires. Mais pas question de revenir sur notre décision d’offrir du sang car cela nous rend heureux et optimistes».
Avec émotion, Thanh rappelle un «souvenir inoubliable» de 2006, lors de la Conférence-bilan du mouvement de don du sang de la jeunesse du district de Soc Son, en présence du Docteur ès sciences Dô Trung Phân, ex-directeur d’Institut d’hématologie et de transfusion du sang. C’était un jour d’hiver, frisquet comme le Nord en réserve beaucoup à cette période de l’année. À la pause, Dô Trung Phân a exprimé son admiration envers ce petit homme chétif qui était à la tête de ce mouvement humanitaire pour tout le Nord. «Soudain, il a ôté son manteau et me l’a posé sur les épaules, en me disant : +C’est rare une personne qui aime le genre humain comme toi. Ce manteau chaud que je t’offre n’est pas pour que tu te protèges du froid, mais pour te montrer mes attaches sentimentales chaleureuses envers ta personne+». Et de conclure sur cette devise : «le don du sang est la responsabilité de tous».
Nghia Dàn/CVN