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Vue des pirogues découvertes en décembre 2024 à Bac Ninh. |
Photo : VNA/CVN |
Nguyên Van Chiên, témoin direct de cette découverte fortuite, raconte: “En décembre 2024, lors du curage d’un étang, notre pelle mécanique a heurté une structure longue de plusieurs mètres, ressemblant étrangement à une coque de bateau. J’ai immédiatement stoppé les travaux. Soupçonnant qu’il s’agissait d’un vestige archéologique, nous en avons informé les autorités afin de garantir une approche scientifique.”
Le site où ont été retrouvées ces anciennes embarcations se situe sur la rivière Dâu, un bras de la rivière Thiên Duc (appelée aussi Duông), à proximité de la cité historique de Luy Lâu, dans le quartier de Công Hà, ville de Thuân Thành, province de Bac Ninh.
Sous la direction du Dr. Pham Van Triêu, chef adjoint du département d’archéologie de l’Institut d’archéologie relevant de l’Académie des sciences sociales du Vietnam, l’équipe a suivi une procédure rigoureuse. Chaque décision doit être mûrement réfléchie, car une erreur pourrait endommager irrémédiablement ces trésors historiques.
“Ces embarcations, immergées dans la boue depuis des siècles, sont extrêmement fragiles. Une exposition directe au soleil pourrait les fissurer, tandis qu’une manipulation inadaptée risquerait de les briser. Nous devons gratter délicatement le bois pour retirer la boue et la terre sans risquer de l’endommager”, explique M. Triêu.
Une structure exceptionnelle
Bien qu’il ne soit pas encore possible d’évaluer pleinement la valeur historique de ces embarcations, M. Van Triêu, fort de ses nombreuses années d’expérience en archéologie, estime qu’il s’agit des plus grandes jamais découvertes par l’archéologie vietnamienne.
Le 26 mars dernier, le Service de la culture, des sports et du tourisme de Bac Ninh, en collaboration avec l’Institut d’archéologie, a organisé un séminaire pour présenter les premiers résultats de ces fouilles.
Dès le début des travaux, les archéologues ont été frappés par l’ampleur et la complexité de la construction navale. Les deux bateaux mesurent 16,2 m de long, 2,25 m de large et environ 2,15 m de profondeur. Chacun est divisé en six compartiments distincts, permettant une analyse minutieuse des dépôts sédimentaires et des matériaux accumulés.
Ce qui distingue particulièrement ces embarcations, c’est leur structure à double coque, solidement reliée par une imposante poutre transversale à la proue, un détail jamais observé au Vietnam jusqu’ici. Les coques ont été façonnées selon une technique avancée : le fond est creusé dans un seul tronc massif, tandis que les flancs sont assemblés par tenons et mortaises, fixés à l’aide de chevilles en bois, sans aucun élément métallique.
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Artefacts retrouvés dans les deux pirogues. |
Photo : VNA/CVN |
Le Pr. associé-Dr. Bùi Minh Tri, de l’Institut d’archéologie, estime qu’il s’agit d’un type d’embarcation d’inspiration internationale, influencé par la région Asie-Pacifique, connu sous le nom de bateau à double coque. D’après des éléments tels que clous en bois, planches assemblées à l’aide de crochets et barres de même dimension, la construction pourrait dater du XIe au XIVe siècle, sous la dynastie des Ly (1009 - 1225), et serait d’origine vietnamienne.
Les experts s’accordent à dire que la qualité du bois utilisé est exceptionnelle. Les analyses préliminaires suggèrent qu’il pourrait s’agir de tau mât (Vatica tonkinensis).
La conservation, un grand défi
Face à la fragilité des embarcations, les experts préconisent une conservation in situ. M. Minh Tri, spécialiste de la préservation du bois, explique : “La conservation du bois est un défi majeur dans le monde. La meilleure option serait soit d’enfouir les bateaux sous terre pour les protéger, tout en proposant une reconstitution 3D pour le public, soit de les immerger dans un bassin de conservation, permettant aux visiteurs de les observer directement”. Et d’ajouter : “Le transfert vers un musée provincial représenterait un véritable enjeu, tant sur le plan financier que pour leur conservation. Nous savons bien que les sortir de l’eau compromettrait leur état d’origine. Après une immersion prolongée, il serait extrêmement difficile de préserver le bois dans sa forme initiale”.
Le Dr. Nguyên Van Doan, directeur du Musée national d’histoire, a, quant à lui, souligné que, quel que soit leur âge, ces embarcations représentent un patrimoine d’une valeur inestimable. Leur préservation nécessite donc des investissements conséquents et des recherches approfondies. Sans une approche adaptée, il serait difficile de maintenir leur état actuel, d’autant plus que les conditions climatiques compliquent la conservation du bois sans études minutieuses. L’option de les démonter pour les transférer au musée n’est pas envisageable, car un remontage risquerait d’altérer les structures d’origine. Ainsi, la conservation in situ demeure la solution la plus pertinente.
Selon le Pr.-Dr. Tông Trung Tin, président de l’Association des archéologues du Vietnam, il est essentiel de poursuivre des recherches afin d’évaluer précisément la valeur de cette découverte et de proposer des solutions de conservation adaptées. Il souligne également l’importance de diffuser largement ces informations afin de permettre aux experts étrangers de contribuer aux études et de mieux appréhender la richesse du patrimoine culturel vietnamien.
Thao Nguyên/CVN