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La société Billion Max Vietnam, à capitaux 100% hongkongais (Chine), produit des jouets pour enfants destinés à l’exportation vers les marchés américain, français et chilien. |
Photo : VNA/CVN |
Le modèle de la "main-d'œuvre bon marché", autrefois avantageux, devient rapidement obsolète. Pour créer une percée, le Vietnam doit s'orienter vers un développement basé sur la productivité, l'innovation et une gestion moderne.
Les coûts augmentent
Ces derniers temps, de nombreux investisseurs ont commencé à envisager de s'implanter dans d'autres pays de la région, comme l'Indonésie, la Malaisie ou l'Inde, qui bénéficient de coûts plus faibles et de réformes institutionnelles plus solides. Il s'agit d'un avertissement important pour le Vietnam, car en l'absence de mesures visant à maîtriser les coûts et à recréer des avantages compétitifs, le pays risque de perdre du terrain dans la course à l'attraction des IDE.
Ces dernières années, les coûts de production au Vietnam sont fortement en hausse à de nombreux égards. Tout d'abord, les prix de location des terrains industriels n'ont cessé d'augmenter. Selon un rapport de CBRE, la location moyenne des terrains dans les parcs industriels du Sud a atteint 170 USD/m² en 2023, soit près du double après quatre ans. Dans de nombreuses régions comme Binh Duong, Dông Nai ou Bac Ninh, le prix a même dépassé 200 USD/m², supérieur à celui de l'Indonésie et de la Malaisie.
Deuxièmement, les coûts de la main-d'œuvre au Vietnam ont bondi plus rapidement que la productivité. Le salaire minimum régional a grimpé en flèche en moyenne de 6 à 7% par an entre 2018 et 2023, tandis que la productivité du travail n'a progressé que d'environ 4 à 5% par an. Le rapport de l'Organisation asiatique de productivité (APO) de 2022 a montré que la productivité du travail au Vietnam n'était que de 1/15 de celle de Singapour, 1/5 de celle de la Malaisie et inférieure à celle de l'Indonésie. Ce déséquilibre fait du coût des ressources humaines un fardeau de plus en plus lourd pour les entreprises d'IDE.
Troisièmement, les coûts de transport et de logistique au Vietnam restent élevés. Selon la Banque mondiale, les coûts logistiques au Vietnam représentent environ 18% du PIB, supérieur à la moyenne mondiale (10-12%). L'absence de synchronisation des infrastructures, la complexité des procédures douanières et le manque de connectivité des données numériques expliquent cette situation. Ces facteurs augmentent directement les coûts d'importation et d'exportation pour les entreprises.
Par ailleurs, les coûts de l'énergie et des bureaux sont également en hausse. En 2023, les coûts de production d'électricité augmenteront en raison de la pression exercée par les prix des carburants importés et du manque d'investissements dans les énergies renouvelables. Le marché des bureaux à Hanoï et Hô Chi Minh-Ville a enregistré des loyers de catégorie A allant jusqu'à 60 USD/m²/mois, se rapprochant de ceux de Bangkok et Kuala Lumpur. L'ensemble de ces facteurs exerce une pression croissante sur le climat des investissements au Vietnam.
Quels goulots d’étranglement font grimper les coûts ?
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Le Vietnam doit accorder une attention accrue à la qualité des flux d’IDE. |
Photo : VNA/CVN |
L'escalade des coûts au Vietnam n'est pas seulement due à des facteurs de marché, mais reflète également des obstacles institutionnels. Le manque de transparence et de cohérence du cadre juridique en est une cause importante. La loi foncière, la loi sur l'investissement et les documents d'orientation se chevauchent souvent, ce qui entraîne des délais et des coûts de transaction supplémentaires pour les entreprises. De nombreux responsables locaux interprètent également ces documents de manière délibérément vague, ce qui crée des coûts non officiels.
Une autre cause est l'infrastructure désynchronisée et l'inefficacité de la transformation numérique. Bien que le gouvernement ait lancé le Portail national des services publics en 2019, de nombreuses procédures nécessitent encore la soumission de copies papier et électroniques. Le système en ligne est parfois instable, obligeant les entreprises à revenir aux méthodes traditionnelles. Il s'agit d'une manifestation typique de la nouvelle "numérisation des procédures" plutôt que d'une "refonte institutionnelle".
La hausse des coûts de production fait perdre au Vietnam son avantage concurrentiel traditionnel. Selon le JETRO, plus de 35% des entreprises japonaises implantées au Vietnam, lors d'une enquête réalisée en 2023, ont déclaré envisager de délocaliser une partie de leur production vers d'autres pays en raison de la hausse rapide des coûts.
Les multinationales, qui disposent de nombreuses options dans la région, n'hésiteront pas à quitter le Vietnam si l'environnement d'investissement n'est plus attractif. Cela est particulièrement inquiétant dans un contexte de concurrence de plus en plus féroce pour les IDE dans la région. L'Indonésie et l'Inde ont constamment lancé des mesures incitatives, allant des réductions d'impôts à la réduction des prix des terrains, en passant par la réforme des procédures administratives.
Nécessité des réformes synchrones
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La zone industrielle Phu My 3 à Hô Chi Minh-Ville. |
Photo : VNA/CVN |
Pour maîtriser les coûts et maintenir l'attractivité des IDE, le Vietnam a besoin d'un ensemble de réformes synchrones.
Premièrement, il est nécessaire de rendre le cadre juridique transparent et d'éliminer les "coûts cachés". Les réglementations juridiques doivent être claires, faciles à comprendre et éviter les chevauchements. Les fonctionnaires doivent être responsables et toutes les procédures doivent être traitées en ligne afin de limiter les risques de coûts informels.
Deuxièmement, il est nécessaire de maîtriser les coûts fonciers et d'infrastructures. L'État doit mettre en place un cadre transparent pour la tarification foncière, en phase avec le marché, et développer simultanément de nouveaux parcs industriels dans les zones satellites, afin de réduire la pression sur les prix dans les centres. Parallèlement, il est nécessaire de promouvoir les investissements dans les infrastructures logistiques et énergétiques, réduisant ainsi les coûts de transport et de production des entreprises.
En outre, l'amélioration de la productivité du travail doit être une priorité. Le gouvernement doit investir massivement dans la formation professionnelle et les compétences numériques, et encourager les entreprises à innover technologiquement. Lorsque la productivité du travail augmentera plus vite que les salaires, les coûts de personnel deviendront raisonnables et soutenables.
Enfin, on doit promouvoir une véritable transformation numérique et il faut passer de la "numérisation des procédures" à la "refonte institutionnelle", en légalisant le principe du numérique par défaut et du "une fois pour toutes". Lorsque les entreprises n'auront besoin de fournir les informations qu'une seule fois et que l'ensemble du processus sera géré en ligne, les coûts de transaction chuteront considérablement.
Le Vietnam est à un tournant important. Si on ne maîtrise pas les coûts et ne réforme pas les institutions, on perd progressivement son avantage concurrentiel aux yeux des investisseurs internationaux. Il ne s’agit pas seulement d’une question de coûts, mais d’un choix stratégique : soit continuer à s’appuyer sur des avantages anciens et en voie de disparition, soit réussir une percée en réformant les institutions et en recréant de nouveaux avantages concurrentiels.
Tu Linh/CVN