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L’“Artiste Émérite” Luong Thiêm Phu (droite) et des membres du club de chant then Tinh Huc. |
Photo : Vietnamnet/CVN |
Né dans une famille Tày de Binh Liêu, Luong Thiêm Phu a grandi bercé par les sonorités du then du village. Enfant, il imitait timidement le chant qu’il entendait autour du feu. Peu à peu, il mémorisa les paroles, osa chanter, et fut encouragé par les anciens qui lui enseignèrent les subtilités des intonations et lui confièrent de nouvelles mélodies. À vingt ans, il composait déjà ses propres mélodies.
Pour sauver ce patrimoine, il créa en 2007 le club de chant then Tinh Huc, réunissant à l’origine dix-huit membres. Ce rendez-vous hebdomadaire est rapidement devenu un foyer culturel.
M. Thiêm Phu ne se limita pas à son village : il parcourut les hameaux voisins, offrant son enseignement à quiconque partageait sa passion. Les cours se tenaient sous un auvent, dans une cour ou sous un arbre, mais l’enthousiasme des élèves ne faiblissait jamais.
“M. Phu nous guide avec patience, mot après mot, et nous apprend la subtilité des vibrations du +đàn tính+ (luth à deux ou trois cordes, à manche long, dont la caisse de résonance est une calebasse coupée et séchée)”, confie La Thi Hà, l’une de ses jeunes disciples.
Aujourd’hui, il a collecté six chants anciens et en a composé plus de cent nouveaux. Plus de 360 personnes, issues de seize classes différentes, ont appris auprès de lui à chanter le then et à jouer du đàn tính.
En parallèle de son rôle de pédagogue, M. Phu s’est initié lui-même à la fabrication du đàn tính. Il achète les matériaux, taille, ajuste et polit chaque pièce avant d’assembler l’instrument. Ses créations ne servent pas uniquement à l’interprétation musicale : certaines, de format réduit, séduisent les visiteurs désireux de repartir avec un souvenir de Binh Liêu.
La réalisation d’un đàn tính requiert une précision extrême et une patience infinie. L’instrument se compose de deux parties : le manche et la caisse. Pour le manche, il choisit un bois résistant, droit et solide, afin qu’il ne se déforme pas avec le temps. Le tronc est séché, raboté, sculpté, percé pour accueillir les cordes, puis poncé et verni à deux reprises. La caisse provient d’une calebasse cultivée avec soin afin d’obtenir une forme parfaitement ronde. Une fois mûre, elle est récoltée, évidée, percée et adaptée au manche. En moyenne, il lui faut une journée entière pour achever un instrument, sans compter le temps consacré à la sélection du bois et de la gourde.
Une vie consacrée au patrimoine
Mais aujourd’hui, à Binh Liêu, rares sont ceux qui savent encore fabriquer cet instrument emblématique, la plupart étant des personnes âgées. Le rendement économique étant faible, les jeunes ne s’y intéressent guère. Pourtant, M. Phu reste prêt à transmettre son savoir-faire à quiconque souhaite apprendre, convaincu que la survie du đàn tính dépend de cette transmission.
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M. Phu transmet l’art du chant then et du đàn tính aux jeunes générations. |
Photo : VNA/CVN |
Chaque instrument reflète la patience et l’attachement de l’artisan à l’héritage Tày.
Il fabrique non seulement des modèles pour les représentations, mais aussi des versions miniatures destinées aux visiteurs. “Dans ce petit instrument se résume toute l’identité Tày. En l’achetant, je ramène avec moi l’écho des montagnes de Binh Liêu”, confie Hoàng Thi Thùy Duyên, touriste à Hai Phong.
Malgré des revenus modestes, M. Phu persévère. Car pour lui, chaque đàn tính achevé, chaque classe terminée, est une promesse de survie pour l’art du then. Son bonheur réside dans les voix des jeunes chantant autour du feu de fête, dans le son vibrant de l’instrument qui résonne au cœur des montagnes.
En avril 2019, il s’est vu décerner le titre d’“Artiste Émérite” dans le domaine du patrimoine culturel immatériel. Cette distinction n’est pas seulement une reconnaissance personnelle : elle symbolise la persévérance d’un homme qui a voué son existence à préserver et faire rayonner la culture Tày.
Dans le regard de ce vieil homme, chaque chant then et chaque note de đàn tính dépassent la musique : ils sont l’âme d’une communauté entière, le souffle d’une identité qu’il lègue avec humilité aux générations futures.
Thao Nguyên/CVN