Soins gratuits pour tous : ambition nationale, défi colossal

L’initiative ambitieuse d’instaurer la gratuité universelle des soins médicaux au Vietnam retient vivement l’attention. Plus qu’une politique empreinte d’humanisme, elle incarne la concrétisation du principe de “citoyen bénéficiaire”, pierre angulaire du développement durable du pays.

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D’ici 2030, 90% de la population bénéficiera des soins préventifs. 
Photo : VNA/CVN


La gratuité universelle des soins est unanimement saluée comme une avancée révolutionnaire du système sanitaire national. Le vice-ministre de la Santé, Trân Van Thuân, la qualifie même de “politique majeure et humaine”.

Selon les précisions du ministère, cette initiative ambitieuse se déploiera en deux phases. De 2026 à 2030, les efforts seront concentrés sur le renforcement des soins de base, avec pour objectif de garantir que 90% de la population bénéficie de la médecine préventive et de supprimer les frais hospitaliers pour les groupes les plus vulnérables. Toute la population bénéficiera d’un bilan de santé au moins une fois par an.

Ensuite, de 2030 à 2035, le projet prévoit d’étendre la gratuité complète des soins hospitaliers à l’ensemble des citoyens, parallèlement à l’instauration d’une assurance maladie obligatoire pour tous et à la réforme du mécanisme de paiement médical.

Lueur d’espoir

Cette grande politique de sécurité sociale suscite un enthousiasme général au sein de la population. Les témoignages de patients, particulièrement affectés par le coût des traitements, illustrent son impact potentiel.

Nguyên Van Manh, 62 ans, actuellement en dialyse à l’hôpital Bach Mai, à Hanoï, exprime son soulagement. Atteint d’une insuffisance rénale en phase terminale, il subit des dialyses depuis plus de huit ans. “Je me rends à l’hôpital trois fois par semaine, confie-t-il. Même si l’assurance maladie couvre la majorité des frais, de nombreuses dépenses restent encore à ma charge. Pour les patients chroniques comme moi, la promesse de soins universels gratuits est une véritable lueur d’espoir. Elle allégerait considérablement le fardeau financier de nos familles”.

De même, Nguyên Thi Lan, 45 ans, patiente atteinte d’un cancer du sein à l’hôpital K (campus de Tân Triêu), à Hanoï, met en lumière l’extrême frais des traitements oncologiques. Elle souligne que certains médicaments spécifiques, non remboursés par l’assurance, coûtent des dizaines de millions de dôngs par cure. “Si les frais d’hospitalisation sont supprimés ou si les prix des traitements sont entièrement pris en charge, je pourrai me concentrer sur ma guérison sans me soucier de ma famille. Cela me donnera la force de continuer à me battre”, exprime-t-elle.

Si l’initiative de la gratuité universelle des soins revêt une valeur humanitaire indéniable et séduit largement l’opinion publique, elle soulève néanmoins des défis majeurs. Le maintien de l’équilibre budgétaire national et l’assurance de ressources financières pérennes figurent parmi les principales préoccupations.

À cet égard, la Banque mondiale estime que pour parvenir à une couverture santé généralisée, le Vietnam devra augmenter significativement ses dépenses de santé. Celles-ci devraient passer de 2,7% du PIB actuellement à un niveau comparable à celui des nations développées disposant de systèmes de santé matures.

Actuellement, les dépenses publiques en matière de santé excèdent 175.000 milliards de dôngs (6,74 milliards de dollars) par an. Sur ce montant, près de 112.000 milliards de dôngs (4,3 milliards de dollars) sont alloués aux seuls remboursements d’assurance maladie. L’extension de la gratuité impliquerait un surcoût considérable, posant un défi budgétaire notable.

La suppression des frais hospitaliers, une fois adoptée, exigera des dizaines de milliers de milliards de dôngs supplémentaires chaque année. Cette somme créerait une pression financière d’autant plus colossale que le budget de l’État doit déjà répondre à des priorités concurrentes essentielles telles que le bien-être social, l’éducation et la défense nationale.

Outre l’aspect financier, les contraintes de capacité du système de santé demeurent une préoccupation majeure. Le ministère de la Santé alerte sur une pénurie alarmante d’environ 23.800 agents de médecine préventive, dont plus de 8.000 médecins.

Par ailleurs, la surpopulation continue de paralyser les hôpitaux centraux, en particulier les services d’oncologie, de réanimation et de cardiologie. Sans un renforcement significatif des services de santé de base ni une répartition plus équitable du personnel médical, l’accès universel aux soins gratuits risquerait de surcharger un système déjà fragilisé.

Solutions multiples

Agent de santé de l'Hôpital du peuple 115 à Hô Chi Minh-Ville guidant un patient dans l'intégration de son Carnet de santé électronique sur l'application VNeID.
Photo : VNA/CVN

Le Professeur associé - Docteur Ðào Xuân Co, directeur de l’hôpital Bach Mai, n’hésite pas à qualifier cette politique de transformative, garante d’un accès aux soins sans la moindre crainte financière pour tous les citoyens.

Il indique que la capacité de financement demeurera la pierre angulaire du succès. Pour y parvenir, il identifie trois solutions clés.

Premièrement, le Vietnam doit impérativement élargir la couverture de l’assurance maladie universelle, en favorisant des modèles de participation diversifiés et inclusifs. L’investissement public sera crucial, notamment pour les régions mal desservies et les services médicaux spécialisés.

Deuxièmement, un financement communautaire s’avère indispensable. Le pays a besoin de mobiliser activement entreprises, philanthropes et fonds sociaux. M. Co rappelle que dans de nombreux pays développés, les hôpitaux à but non lucratif prospèrent grâce aux contributions du secteur privé et de la société civile. À ce titre, il propose aux autorités centrales de mettre en place des mécanismes robustes pour canaliser efficacement ces ressources.

Convaincu, le directeur de l’hôpital Bach Mai affirme : “Si nous parvenons à exploiter efficacement ces trois sources de financement, à maintenir notre croissance économique actuelle et à mobiliser l’engagement de la société, je crois sincèrement que l’objectif de la gratuité universelle des soins de santé d’ici 2030-2035 sera à portée de main”.

En matière de transformation numérique, M. Co insiste sur l’impératif d’un système unifié de dossiers de santé électroniques. Ce dispositif relierait les données des patients, des cliniques locales aux hôpitaux de district, de province et centraux. Un tel réseau permettrait aux spécialistes de haut niveau d’offrir des consultations à distance, de superviser les traitements et désengorgerait les établissements hospitaliers, tout en assurant aux patients des soins de qualité à proximité de leur domicile.

Pour sa part, le Dr. Ðô Ngoc Van, directeur de l’Institut de recherche des questions sociales rattaché à l’Union vietnamienne des associations scientifiques et technologiques (VUSTA), affirme que la gratuité universelle des soins hospitaliers ne sera viable qu’à deux conditions : une croissance économique durable et une réforme globale du financement de la santé.

Il précise d’ailleurs : “À court terme, il est crucial de privilégier la gratuité des soins pour les populations vulnérables et les patients atteints de maladies chroniques. Cela permettra d’alléger la pression sur le système de santé et sur le budget de l’État”.

Huong Linh/CVN

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