Dioxine
Quinze ans de parcours de Trân Tô Nga pour obtenir justice

En revenant sur le parcours de 15 ans de Trân Tô Nga, une femme de plus de 80 ans, pour obtenir la justice des victimes de l'agent orange, on peut constater sa force extraordinaire ainsi que le soutien de ceux qui aiment la paix.

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e nombreux hommes politiques, parlementaires, représentants de Partis de gauche, militants du mouvement écologiste sont présents à l'audience et ont exprimé leur soutien à Mme Nga (2e à droite).
Photo : VNA/CVN

La Cour d'appel de Paris a rejeté, dans la matinée du 22 août, la plainte déposée par Trân Tô Nga, une citoyenne française d'origine vietnamienne, contre les sociétés chimiques américaines ayant fourni à l'armée américaine des produits chimiques (agent orange/dioxine) à être utilisés pendant la guerre au Vietnam.

Lors d'une brève conversation avec un reporter de l'Agence Vietnamienne d’Information en France, Mme Nga a déclaré qu'elle n'était "pas surprise" par ce verdict et qu'elle "ne lâcherait pas prise" et poursuivrait le procès. Du côté du Cabinet d’avocats Bourdon, les représentants de Mme Nga, William Bourdon et Bertrand Repolt, ont également exprimé leur détermination à continuer d'accompagner Mme Nga. Ils ont affirmé qu'ils feraient appel devant la Cour de cassation. Dans cette affaire, les juges ont eu une attitude conservatrice contraire à la modernité du droit, au droit international comme au droit européen. La Cour de cassation donnera la décision.

En revenant sur le parcours de 15 ans de Mme Nga, la femme de plus de 80 ans, on peut constater sa force extraordinaire ainsi que le soutien de ceux qui aiment la paix.

Terribles conséquences

Née en 1942 dans la province de Soc Trang au Sud, Mme Trân Tô Nga était journaliste à l'Agence de presse Libération (Agence Vietnamienne d’Information d’aujourd’hui) et a été exposée à la dioxine pendant la guerre. Selon les résultats de l'examen médical, la concentration de dioxine dans son sang était supérieure à la norme prescrite, entraînant de graves effets sur sa santé. Elle souffrait de 5 des 17 maladies reconnues par les États-Unis et répertoriées dans la liste des maladies causées par l'agent orange. Non seulement elle-même, mais aussi ses enfants, souffrent tous de malformations cardiaques et osseuses. Son premier enfant est décédé alors qu’il n’avait que 17 mois des suites d’une malformation cardiaque congénitale.

Des associations se mobilisent, vendent des livres et des produits pour collecter de l'agent, soutenir le procès de Trân Tô Nga et des victimes vietnamiennes de l'agent orange.
Photo : VNA/CVN

En mai 2009, Mme Nga a témoigné devant une cour de conscience pour les victimes vietnamiennes de l'agent orange/dioxine à Paris. Puis, avec le soutien et la compagnie de nombreux avocats et militants sociaux français soutenant les victimes vietnamiennes de l’agent orange, elle a décidé de poursuivre en justice les sociétés chimiques américaines. Mme Nga fait partie des rares cas qui peuvent engager des poursuites liées à l'agent orange car elle remplit trois conditions : elle est citoyenne française d'origine vietnamienne ; elle vit en France, ce qui permet aux avocats d'ouvrir des poursuites internationales pour protéger les citoyens français contre un autre pays qui leur nuit ; elle est victime de l'agent orange/dioxine.

En mai 2013, le Tribunal judiciaire d'Évry de la ville où vivait Mme Nga a approuvé sa requête visant à poursuivre en justice les sociétés chimiques ayant fourni des herbicides à l'armée américaine pour les utiliser sur le champ de bataille au Vietnam.

Trân Tô Nga dédie son livre à un lecteur.
Photo: VNA/CVN

Cependant, après 19 audiences, dans son arrêt du 10 mai 2021, le Tribunal d'Évry a retenu la défense des sociétés poursuivies. Ces dernières ont agi à la demande et pour le compte de l'État américain. Elles donc bénéficient ainsi d'une "immunité" car aucun État souverain ne soumet un autre État souverain à sa juridiction.

N'étant pas découragée par cet échec, Mme Nga, avec le soutien d'avocats et d'associations de soutien aux victimes vietnamiennes de l'agent orange, a déposé un recours devant la Cour d'appel de Paris. L'audience s'est tenue le 7 mai et a duré trois heures.

Les avocats de Mme Nga ont présenté suffisamment de preuves pour démontrer que ces sociétés ont participé volontairement à l'appel d'offres et avaient le droit de décider de la production, ainsi que de la teneur en dioxine dans les herbicides fournis à l'armée américaine pendant la période 1961-1971 au Vietnam. Ces actions ont eu des conséquences catastrophiques pour la population et l’environnement du Vietnam, qui perdurent jusqu’à aujourd’hui.

De leur côté, les avocats représentant 14 sociétés chimiques ont nié la responsabilité de leurs clients, affirmant que ces sociétés ont agi à la demande de l'armée américaine et ont donc invoqué "l'immunité" qui permet à un État d'éviter d'être poursuivi devant les tribunaux d'un autre pays et ainsi d'éviter leur responsabilité devant les conséquences provoquées par leurs produits utilisés sur le champ de bataille vietnamien.

Un combat juste et noble

Dans une rencontre avec le reporter de l’Agence Vietnamienne d’Information en France, Mme Nga a déclaré que lorsque le procès avait commencé, il y avait plus de trois millions de victimes de l'agent orange au Vietnam. Ce chiffre fait mal à cette femme et la motive pour se lancer dans ce procès. Elle a souligné que son combat n'était pas seulement contre l'utilisation de l'agent orange, mais qu'il servait également de base à d'autres luttes pour l'environnement. Elle a affirmé poursuivre toujours le procès parce qu'il s'agissait d'un combat juste et noble. “Je me bats non seulement pour moi mais pour toutes les victimes de l'agent orange au Vietnam et dans d'autres pays et j'irai jusqu'au bout."

Dans un centre de soin de victimes d'agent orange/dioxine à Kiên Giang (Sud).
Photo : VNA/CVN

Pendant la guerre d'invasion du Vietnam, de 1961 à 1971, l'armée américaine a pulvérisé plus de 80 millions de litres d'herbicides, principalement de l'agent orange/dioxine (la substance la plus toxique connue jusqu'à présent pour l'homme), sur un quart de la superficie naturelle au Centre et au Sud du Vietnam.

Cette plus grande guerre chimique de l'histoire a provoqué un désastre humanitaire, sanitaire et environnemental avec des conséquences extrêmement graves et à long terme : plus de trois millions de Vietnamiens en subissent encore les conséquences à cause du cancer et des maladies provoquées par la dioxine. Environ 150.000 enfants, répartis sur quatre générations depuis 1975, sont nés avec des malformations ou de graves handicaps. Un million d'hectares de forêts tropicales ont été détruits avec la disparition de nombreux animaux sauvages...

VNA/CVN

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