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Linh Dan a remporté le prix de la meilleure photographie au Festival du film du Vietnam 2023. |
Photo : CTV/CVN |
Linh Dan a marqué l’histoire du cinéma vietnamien en devenant la première femme à remporter le prix de la meilleure photographie au Festival du film du Vietnam 2023 pour Cô gái tu quá khu (La fille du passé). Elle s’était déjà illustrée auparavant avec Tâm van phong dao (La cible du lancer de couteau).
Petite, douce, avec un accent hanoïen précis, Linh Dan parle couramment le français et l’anglais, ce qui ajoute à son caractère unique dans le paysage cinématographique vietnamien.
Née en 1996 dans une famille artistique, elle est la petite-fille de l’écrivain et critique littéraire Ngô Thao et de la traductrice Phan Thanh Hao. Elle est également la fille du réalisateur Nguyên Phan Quang Binh et de Ngô Thi Bich Hanh, Pdg de la société BHD. Bien qu’elle ait eu la possibilité de choisir une carrière artistique moins exigeante, Linh Dan a opté pour un métier difficile, tant physiquement que mentalement.
Curiosité et passion
Dès l’âge de 5 ans, elle rencontrait des écrivains et journalistes internationaux grâce à sa grand-mère traductrice. Ses parents, impressionnés par ses talents pour l’apprentissage de langues étrangères, ont décidé de l’inscrire, avec ses deux sœurs, dans une école française à Hanoï. Cette éducation française lui a apporté une compréhension précoce de la société, de l’art et de la philosophie, tout en l’exposant à différents courants artistiques. Elle a ainsi développé une curiosité et une passion pour l’art.
Lors de ses études de cinéma à l’Université de New York, Linh Dan a constaté combien son éducation française l’avait façonnée. Elle lui a appris à aborder un problème sous divers angles, sans s’arrêter à une vérité unique. Cette approche plurielle s’accorde bien avec la culture vietnamienne actuelle, où les réponses multiples sont souvent valorisées.
Ayant grandi à Hanoï, la jeune femme a développé une manière de parler douce et posée, parfois jugée inadaptée sur les plateaux de tournage. Cependant, fidèle à elle-même, elle a choisi de ne pas élever la voix pour se faire entendre. À la place, elle utilise un talkie-walkie, permettant à chacun de suivre clairement ses directives.
Quand elle est revenue au Vietnam pour tourner son premier film en 2019, malgré son diplôme universitaire, son niveau de vietnamien était celui d’une adolescente de 17 ans. Après son départ pour les États-Unis, elle n’avait pas pratiqué la langue. Cette barrière linguistique a parfois conduit certains membres de l’équipe à ignorer ou mal comprendre ses instructions.
"Je n’en ai voulu à personne. Au contraire, j’ai vu cela comme une occasion de réfléchir et d’adopter une méthode de travail plus efficace. Je n’élève jamais la voix sur le plateau. Mon objectif est toujours de m’exprimer de manière à être comprise, sans avoir à hausser le ton", partage Linh Dan.
Elle a cherché des moyens pour motiver l’équipe à respecter les délais et les exigences tout en gagnant leur respect. "Cela a pris du temps, mais aujourd’hui, tout se passe bien", ajoute-t-elle.
Un regard différent
Elle aspire à ce que le public soit pleinement immergé dans l’histoire d’un film, sans être distrait par les aspects techniques. Pour Linh Dan, la lumière est tout aussi essentielle que le cadrage. "Chaque film a un langage visuel propre", explique-t-elle. Par exemple, dans Cô dâu hào môn (La mariée d’un empire), une comédie dramatique sur les escroqueries au sein des familles, les angles de prise de vue et les palettes de couleurs ont été minutieusement choisis pour refléter les différences de classes sociales : des teintes froides pour les riches et une palette plus chaude et intense pour les classes populaires.
Nguyên Phan Linh Dan sur le plateau du film "Bí mât cua gió" (Le secret du vent). |
Photo : CTV/CVN |
Interrogée sur un film vietnamien récent qu’elle admire particulièrement pour son esthétique, elle mentionne Tro tàn ruc ro (Cendres brûlantes), avec la direction de la photographie signée K’Linh. Cet artiste expérimenté, selon elle, possède une vision profondément enracinée dans la réalité vietnamienne.
Bien qu’elle ait été formée aux États-Unis, Linh Dan se démarque par son attachement à l’authenticité et à un style résolument vietnamien. "Je n’ai pas envie que mes films ressemblent à des productions sud-coréennes ou américaines", confie-t-elle. Son expérience à l’étranger lui a permis de mieux comprendre son identité : "Je veux raconter des histoires vietnamiennes et insuffler au cinéma de mon pays un souffle unique, un style qui lui appartient". Elle est d’ailleurs encouragée par le fait que de nombreux jeunes créateurs vietnamiens partagent ce désir de préserver une identité culturelle nationale dans leurs œuvres, qu’il s’agisse de cinéma ou d’autres disciplines artistiques.
Pour Linh Dan, une identité culturelle affirmée est un atout majeur pour s’imposer sur la scène internationale. "Sans cette connexion avec ma terre natale, je risquerais de me sentir perdue. Une identité forte me permet de rester confiante et fière de mes racines", affirme-t-elle.
Concernant ses projets futurs, Linh Dan a récemment achevé un film indépendant tourné au Népal, qui explore les relations intergénérationnelles entre femmes népalaises. "Ce projet, je l’ai réalisé par pure passion", précise-t-elle. Elle a également collaboré sur deux autres productions : Cô dâu hào môn de Vu Ngoc Dang et la comédie Bô tu bao thu (The 4 Rascals - Les 4 Coquins) de Trân Thành. Linh Dan aspire à s’essayer à différents genres cinématographiques, alternant entre des films commerciaux, qui lui permettent de vivre de son art, et des œuvres plus personnelles et artistiques, même si elles touchent un public plus restreint.
Elle reste ouverte aux propositions des jeunes réalisateurs, notamment pour des courts-métrages, les encourageant à faire appel à elle pour des collaborations, convaincue que ces projets sont une source d’enrichissement mutuel.
Thao Nguyên/CVN