Nguyên Thanh Biên, vice-ministre de l’Industrie et du Commerce. |
Vers une production de riz compétitif
Compte tenu de la forte concurrence sur le marché domestique et ce pour toutes gammes de qualité, de nombreuses entreprises de commerce misent sur un riz de haute qualité ou de spécialité réservé à l’exportation. Mais ce segment n’en est pas moins difficile.
Au Vietnam, le riz destiné à l’exportation ne représente qu’une faible part de la production nationale. De fait, le pays ne manque ni de variétés ni de spécialités locales pouvant répondre aux critères d’exportation. Mais une production réduite et un manque de marketing adapté font qu’elles sont loin d’être compétitives sur le marché international, pour ne pas dire sur le marché domestique même qui, pourtant, est bien approvisionné.
Afin d’aider les riziculteurs à commercialiser leurs produits, le gouvernement a pris des arrêtés et directives spéciaux pour la création et l’application de nouveaux modèles de production, par exemple, instituant des relations directes, approfondies et précisément réglementées entre les riziculteurs, les entreprises de transformation et celles de commerce. Il revient désormais aux localités de s’orienter vers la production de riz compétitif, de réorganiser la chaîne complète de la riziculture en veillant à l’équilibre des intérêts de l’ensemble de ses acteurs, d’investir dans de nouvelles technologies de transformation et de conservation du riz, de créer des marques pour les spécialités, ainsi que de rechercher de nouveaux débouchés au Vietnam comme à l’étranger...
Le docteur Nguyên Van Sanh, directeur de l’Institut de recherche sur le développement du delta du Mékong, Université de Cân Tho. |
Photo : BM/CVN |
Un projet face au changement climatique
Le delta du Mékong produit chaque année plus de 20 millions de tonnes de riz, soit plus de la moitié de la production nationale. Il fournit également plus de 90% des exportations nationales de riz, obtenant plus de trois milliards de dollars pour le pays. Considéré comme la «mère de la sécurité alimentaire nationale», il se trouve pourtant dans une situation déplorable à de nombreux points de vue. Pour n’en citer que quelques-uns : les conditions de vie précaires de la plupart des riziculteurs, un taux de pauvreté élevé au sein des exploitations agricoles, l’absence de techniques culturales modernes, un manque d’importants investissements ou de mode de production rationalisé, optimisé et donc rentable...
Les agriculteurs du delta du Mékong d’ici sont peut-être ceux les plus exposés aux contraintes et aux risques d’une économie de marché, mais en outre et surtout, par le changement climatique dont les effets sont particulièrement visibles dans cette région, avec remontées d’eau de mer et salinisation des terres agricoles, sècheresses, crues... Selon les estimations des scientifiques, ce sont près de 26,7% de la population et 31% de la superficie du delta du Mékong qui subiront de plein fouet les effets du changement climatique à l’horizon 2050. À cela, il faut ajouter la diminution considérable et continue des superficies arables en raison d’une urbanisation excessive. Le constat est donc celui d’une menace réelle pour la productivité de la région comme la sécurité alimentaire nationale.
Devant cette situation, la meilleure solution est d’établir des relations d’entraide entre localités ainsi qu’entre les quatre acteurs majeurs que sont les riziculteurs, les agronomes, les banques et les autres intervenants dans la chaîne de la riziculture - transformation, traitement, commercialisation dont export. Un projet en ce sens, tenant compte en particulier du changement climatique, a été élaboré par l’Institut du riz et de l’Université de Cân Tho. Il s’agit d’un projet prometteur qui attend l’agrément du ministère de l’Agriculture et du Développement rural pour être expérimenté.
Le professeur-docteur Vo Tong Xuân, directeur de l’Université de Tân Tao. |
La compagnie agricole par actions, une solution
La résolution du Comité central du Parti (5e session du IXe mandat du PCV) sur l’agriculture doit être effectivement mise en œuvre par l’institution de relations étendues entre les riziculteurs et les entreprises situées en amont comme en aval de la chaîne de la riziculture.
De telles relations permettront de créer dans des zones délimitées une compagnie agricole par actions (CAA) dont le rôle sera d’organiser des groupes de production de riz - et d’autres produits agricoles - de haut rendement, à même d’approvisionner en produits de grande qualité les entreprises de transformation et d’export en vue d’améliorer la compétitivité du riz vietnamien sur le marché mondial. L’important, c’est que les CAA doivent être libres en termes de production comme d’export, sans être limitées par les quotas d’exportation fixés par le gouvernement.
Ce modèle de CAA est donc une complète évolution sur le plan de la politique agricole nationale, mais il donnera un réel essor à un développement homogène de l’agriculture, encourageant davantage l’investissement des entreprises en zone rurale. La CAA est actuellement expérimentée à Tân Phu, province d’An Giang, et à Tam Nông, province de Dông Thap. Les résultats qui seront obtenus à terme permettront d’envisager, le cas échéant, leur généralisation.
Les technologies après récolte, un stade important
Le professeur-docteur Bùi Chi Buu, de l’Institut des sciences et des technologies agricoles du Sud. |
La production agricole du Vietnam a fait de remarquables progrès, notamment rizicole. Plusieurs zones de production de riz compétitif sont apparues, cultivant des variétés de grande qualité et à haut rendement. Ce tableau comprend toutefois une zone d’ombre, l’étape de l’après récolte. De manière générale, l’industrie de la transformation et de la conservation du riz est encore largement déficiente en zone rurale, et les quelques technologies employées sont dépassées.
L’importance des technologies doit être constamment rappelée car elles contribuent directement à sauvegarder la production comme la qualité du riz. Aujourd’hui encore, le manque d’une chaîne technologique de transformation et de conservation entraîne chaque année des pertes de plus de deux millions de tonnes de riz dans le delta du Mékong. Et ce sont les riziculteurs, lesquels ne disposent déjà que de très modestes revenus, qui sont les premiers exposés aux risques comme aux conséquences de ces pertes...
Il est urgent donc de développer une recherche scientifique sur les technologies après récolte, notamment sur le séchage, la conservation et la transformation. Pour ce, le mieux serait d’impliquer trois acteurs que sont l’État pour le financement, les scientifiques pour la recherche, et les entreprises pour l’application des technologies mises au point. Le but final est de porter les technologies après récolte au Vietnam au niveau de celles des pays d’Asie.
Nghia Dàn/CVN