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>> L’art de la gravure sur bois
L’artisan Nguyên Công Đat maîtrise les techniques de la gravure xylographique. |
Photo : CTV/CVN |
De petites planches de bois de plaquemi-nier carrées. Une dizaine de types de gouges et de burins. Nguyên Công Đat dispose tranquillement ces outils sur la table en bois. Assis les jambes croisées comme s’il se préparait à entrer dans une séance de méditation, il commence à se plonger dans la gravure xylographique.
Ses plaques en bois gravées sont le fruit de plusieurs jours de travail et de savoir-faire. Elles sont réalisées avec le plus grand soin et le désir ardent du jeune artisan de revitaliser son village artisanal de gravure sur bois de Thanh Liêu, dans le quartier de Tân Hung, province de Hai Duong (Nord).
Né en 1992 dans une famille où la xylographie tenait une place importante, il s’est très tôt intéressé à la gravure sur bois. Ce qui a commencé comme un simple loisir est rapidement devenu sa passion. Ses premières créations étaient des sceaux gravés à la main, des œuvres modestes, mais révélatrices de son profond attachement à l’artisanat de ses ancêtres.
Inspiré par les récits de la splendeur passée de son village, autrefois réputé pour ses impressionnantes gravures, Công Đat a nourri l’ambition de redonner à cette pratique artisanale son glorieux développement d’autrefois. Donc, après avoir terminé ses études à l’Université ouverte de Hanoï, il a décidé de retourner dans son village natal.
Décrypter l’histoire
Pour Công Đat, redonner vie à la gravure sur bois est à la fois un travail de recherche intellectuelle et une pratique artisanale. Dès sa première année d’université, il a entrepris quatre visites au Temple de la Littérature à Hanoï pour consulter des archives. Ne maîtrisant pas le chinois, il s’appliquait à copier soigneusement les inscriptions qu’il soumettait ensuite à des anciens du village, ou allait consulter directement des érudits tels que le Professeur Lê Van Lan ainsi que les historiens Duong Trung Quôc et Tang Bá Hoành. Ce travail minutieux lui a permis de découvrir de véritables trésors historiques liés à la gravure sur bois au Vietnam.
Les premières créations de Công Đat étaient des sceaux gravés à la main. |
Photo : CTV/CVN |
Ses parents, bien qu’ils soient conscients des défis liés à la renaissance d’un métier ancestral, n’ont jamais freiné sa passion. Công Đat a sillonné le pays à la recherche de tablettes anciennes en bois. Sa soif de savoir l’a même conduit à apprendre le hán (chinois classique) et le nôm (écriture démotique sino-vietnamienne), des langues indispensables pour décrypter les inscriptions gravées sur ces plaques.
À travers ses recherches, Công Đat a découvert que “la majorité des anciennes tablettes en bois avaient été réalisées par des artisans du village de Thanh Liêu. Ces derniers n’étaient pas simplement des graveurs travaillant sur demande, ils possédaient également une connaissance approfondie de la culture, des compétences en calligraphie, en linguistique et en reliure”.
La flamme se ravive
La gravure sur bois requiert non seulement une grande habileté, mais aussi une patience infinie. Selon lui, les artisans doivent sélectionner méticuleusement le bois. Les arbres âgés de 40 à 60 ans, droits et ayant un minimum de nœuds, sont privilégiés pour une impression précise et nette.
Le processus débute par la découpe et le séchage du bois, qui doit être soigneusement préparé avant d’entamer “l’écriture sur bois”. Une fois prêts, les artisans gravent avec précision les caractères en relief, une tâche minutieuse et exigeante.
Le papier utilisé pour l’impression doit être d’une qualité exceptionnelle, tel que le dó (rhamnoneuron) ou le xuyên, réputés pour leur durabilité. Après avoir appliqué de l’encre de Chine sur la plaque de gravure, les artisans y posent délicatement le papier et exercent une légère pression pour assurer un transfert homogène de l’encre. Une fois le papier séché, l’impression est prête.
Le burin utilisé est également unique : il s’agit d’un outil spécial doté d’une lame en forme de croissant de lune, qui permet de sculpter des lignes à la fois fines et épaisses, selon la pression exercée. Grâce à cette technique, les artisans sont capables de produire des caractères d’une finesse extrême, certains aussi petits qu’un grain de riz ou aussi fins qu’un cheveu.
En moyenne, un artisan met entre trois et cinq jours pour compléter une tablette. Certaines plus complexes peuvent prendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois, selon la longueur du texte et le thème demandé.
En collaboration avec d’autres artisans, Công Đat essaie de promouvoir le métier de graveur sur bois de son pays natal. |
Photo : CTV/CVN |
Nguyên Công Tráng, un des plus anciens artisans de Thanh Liêu, partage : “Nous avons bien cru que la gravure sur bois allait disparaître, avec l’essor de l’imprimerie et le peu d’intérêt des générations ultérieures pour ce métier. Heureusement, des jeunes comme Đat perpétuent la tradition. Il apprend vite et est déterminé à restaurer l’artisanat de ses ancêtres. Il ravive la flamme de notre métier”.
Faire renaître le passé
En 2024, Công Đat a lancé le projet “Vê làng” (Retour au village), visant à revitaliser la gravure sur bois. Il repose sur quatre piliers : préserver, développer cet artisanat, créer des produits de valeur économique, et faire de Thanh Liêu une destination de tourisme culturel attrayante.
“Avec une approche bien structurée, Công Đat et ses collègues ont déjà fait des progrès significatifs : début septembre, la gravure xylographique, vieille de près de 600 ans, a été officiellement reconnue métier traditionnel par la province de Hai Duong”, se réjouit le chercheur Nguyên Ðình Hung, de l’Institut vietnamien d’études Hán-Nôm.
Công Đat collabore actuellement avec la Compagnie de céramique de Chu Ðâu pour intégrer des motifs de xylographie dans des poteries contemporaines. Ces partenariats permettent de faire découvrir la gravure sur bois à un public plus large, tout en la mariant à des éléments de modernité.
Il envisage également de développer des ateliers interactifs pour que les visiteurs puissent s’initier à cet art.
Avec près de 600 ans d’histoire, le village de gravure sur bois de Thanh Liêu a laissé un héritage inestimable, reconnu à l’échelle nationale et internationale. Les tablettes en bois de la dynastie des Nguyên (1802-1945), celles de la pagode Vinh Nghiêm (province de Bac Giang), ou encore celles de l’école Phúc Giang (actuelle province de Hà Tinh), ces patrimoines documentaires ont été inscrits par l’UNESCO à son registre “Mémoire du monde” dans la région Asie-Pacifique.
En outre, les collections documentaires similaires conservées aux pagodes Bô Ðà (Bac Giang), Tram Gian (Hai Duong), Ðông Nhân et Dâu (Bac Ninh) sont toutes reconnues trésors nationaux, marquant l’importance historique du village de Thanh Liêu, considéré comme le “premier centre d’impression” du Vietnam.
Bao Anh - Thao Nguyên/CVN