C'est dans ce contexte d'extrême nervosité que le président français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel se rencontrent mardi à Paris pour évoquer la gouvernance économique en zone euro.
Les investisseurs attendent du couple franco-allemand, pilier de l'Union monétaire, des mesures concrètes pour éviter que la crise de la dette publique ne s'étende à de grands pays comme l'Italie et l'Espagne, troisième et quatrième économies de la zone euro. Mais la tâche s'annonce délicate pour Paris et Berlin. Alors que les marchés financiers poussent pour une adoption le plus tôt possible du second plan de sauvetage de la Grèce, annoncé le 21 juillet, le parlement allemand a averti le 13 août qu'il lui serait "pratiquement impossible" de le faire dans les délais prévus. "Le gouvernement allemand ne peut rien décider qui coûte ne serait-ce qu'un cent sans l'aval du Bundestag", a prévenu son président Norbert Lammert.
"On a fini la semaine là où on l'a commencée : les incertitudes sur la solidité de la zone euro et l'économie américaine sont toujours là. Rien n'a changé", commente Henry Blodget, analyste au site spécialisé The Business Insider.
Après avoir frôlé le krach, la plupart des places financières ont limité la casse sur la semaine. À New York, l'indice vedette, le Dow Jones, a seulement perdu 1,53%, Paris 1,97%, Milan 0,87% et Madrid 0,28%. La baisse a été plus nette à Tokyo (-3,61%) et surtout à Francfort (-6,5%), tandis que Londres a survécu (+1,39%). "Les investisseurs ont encore en mémoire la crise de 2008 et leur argent parti en fumée, donc ils vendent d'abord et se posent des questions après", souligne François Duhen de CM CIC. "La peur a pris le dessus et va continuer de dominer", ajoute-t-il.
La semaine avait débuté par un coup de tonnerre après la dégradation historique par l'agence de notation Standard & Poor's de la note de crédit des États-Unis, soulevant un doute sur la capacité du pays à rembourser sa dette.
Mercredi, un vent de panique avait balayé les places boursières après des rumeurs spéculatives visant la solvabilité de la France et la santé des banques françaises avant deux séances de rebond.
Les investisseurs craignent qu'une crise du secteur financier européen ne s'exporte aux États-Unis car les banques occidentales sont interconnectées.
La banque française Société Générale, qui fait l'objet de rumeurs de faillite, joue un rôle de premier plan dans le marché des dérivés des actions, produits financiers permettant aux établissements financiers des pays développés de se protéger des chutes des Bourses, selon le New York Times. En conséquence, son effondrement déstabiliserait l'ensemble du système financier mondial. "Nous sommes au début d'une tempête nouvelle et différente, ce n'est pas la même crise qu'en 2008", juge le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick.
Mesures d'urgence
Avec la Grèce et le Portugal assom-més par leur dette et d'autres pays menacés, et sans possibilité de dévaluation, "les défis auxquels la zone euro est confrontée pourraient se révéler les plus importants", estime-t-il dans une interview publiée le 13 août par l'hebdomadaire australien The Weekend Australian Magazine.
L'Italie, qui est dans le collimateur des agences de notation, ne prévoit pas de réviser "pour le moment" ses prévisions de croissance après l'adoption vendredi d'un nouveau plan de vigueur chiffré à 45 milliards d'euros en deux ans, a assuré le 13 août le ministre de l'Économie, Giulio Tremonti.
Sur l'autre rive de l'Atlantique, le président américain Barack Obama a reconnu que son pays faisait face à "des défis économiques très durs" : "la réponse de Washington a été récemment la division partisane et les blocages qui n'ont fait que miner la confiance du public et gêner nos efforts en faveur de la croissance économique", a-t-il déclaré le 13 août. "Ce qui se passe actuellement est une crise de gouvernement", dénonce l'analyste Joe Weisenthal, déplorant les tensions et les divergences entre dirigeants européens et l'absence de consensus politique aux États-Unis. "La panique et les soubresauts des marchés illustrent la fragilité de la confiance des investisseurs dans le monde occidental", fustige le 13 août l'agence chinoise Chine Nouvelle. Pékin est le premier créancier étranger des États-Unis.
Les ministres de l'Économie des pays d'Asie du Sud-Est ont indiqué le 13 août que la crise de la zone euro menace leur croissance.
Les banques centrales, la BCE en Europe et la Réserve fédérale aux États-Unis (Fed), sont pourtant sorties de leur rôle en prenant des mesures exceptionnelles comme des rachats de titres de dette publique pour la première et de nouvelles mesures de relance pour la seconde.
Seul hic, "les marchés ont pris conscience que si la situation empire, ils ne doivent plus compter sur les gouvernements", confie Joe Weisenthal.
Cependant, pour freiner les ravages des rumeurs, les autorités boursières en France, Italie, Espagne et Belgique ont décidé d'interdire temporairement la pratique spéculative des ventes à découvert sur les valeurs financières.
L'Allemagne réclame pour sa part des mesures à l'échelle européenne, mais Londres lui a opposé une fin de non-recevoir car l'activité de la City, première place financière d'Europe, serait lourdement pénalisée par une telle interdiction. "En 2008, cette interdiction s'est mal passée, surtout aux États-Unis où les titres financiers ont chuté. Pour qu'on en arrive là, c'est qu'il y a un vrai malaise", rappelle Waldemar Brun-Theremin, analyste chez Turgot Asset Management.
Signe de cette crise de confiance, les investisseurs ont transféré 50 milliards de dollars cette semaine des Bourses vers des actifs considérés plus sûrs, selon le Financial Times, soit plus que pendant la faillite de la banque américaine Lehman Brothers en 2008.
Le prix de l'or, valeur refuge, a dépassé pour la première fois les 1.800 dollars l'once cette semaine.
AFP/VNA/CVN