Décrite sur des forums en ligne comme ayant l'air "d'avoir été mangée par des termites géantes" ou comme un symbole du "chaos de Bangkok", la tour de 77 étages, de quelque 445 millions d'euros, sera la plus haute de la ville une fois terminée en 2014. "Je n'avais pas prévu de construire l'immeuble le plus haut, je voulais juste quelque chose d'unique, quelque chose d'intéressant", explique Sorapoj Techakraisri, responsable de PACE Development, qui a posé la première pierre en juin. "Quand l'économie va mieux, les immeubles grimpent plus haut", poursuit-il.
La capitale thaïlandaise a bien changé depuis dix ans, lorsqu'elle était parsemée de squelettes de béton et d'acier abandonnés, victimes de la crise financière asiatique de 1997.
Avec la reprise, des immeubles toujours plus nombreux se bousculent dans les quartiers prisés, rivalisant de publicités qui promettent une vie de rêve, dans un anglais souvent approximatif.
L'économie du pays semble désormais solide, avec une croissance de 7,8% l'an dernier malgré les manifestations de masse du printemps 2010 qui avaient paralysé le centre de Bangkok pendant deux mois. Et la Banque de Thaïlande a décrit 2010 comme l'oo "année dorée de l'immobilier" : une forte demande de logements encouragée par de faibles taux d'intérêt et l'augmentation de la confiance des consommateurs a provoqué une vague de nouvelles constructions.
Résultat, le nombre de logements a augmenté de 13,6% à Bangkok, à son plus haut niveau depuis 1997, selon le rapport annuel de la Banque, qui s'inquiète de certains aspects de ce développement.
La demande a ainsi ralenti après l'expiration en juin 2010 de mesures pour encourager les achats immobiliers. Et les promoteurs ont eu recours à des stratégies risquées en poussant des acheteurs au "pouvoir d'achat insuffisant" à signer, a noté la Banque.
Spirale pixellisée
Assurant n'avoir pour l'instant pas détecté de bulle immobilière, la Banque de Thaïlande a malgré tout pris des mesures pour inciter à la "prudence" et "maintenir la stabilité économique". Notamment en rendant plus chers les emprunts importants. Mais pour le promoteur Sorapoj, les craintes sont exagérées. "Je ne suis pas inquiet concernant l'offre excessive. Le nouveau gouvernement fera tout ce qu'il peut pour empêcher une bulle", a-t-il indiqué, à quelques jours de l'entrée en fonction du gouvernement issu des élections du 3 juillet.
L'Agence pour les affaires immobilières, spécialisée dans la recherche dans le secteur, n'est pas si optimiste.
Selon elle, en juillet 2011, Bangkok et sa banlieue comptaient 135.000 appartements, bureaux et autres propriétés non vendues. Et quelque 100.000 autres devraient être mises sur le marché l'an prochain. "Je dois mettre en garde contre la bulle" qui approche, souligne son président Sopon Pornchokchai, qui craint qu'elle n' "explose" en cas d'événement économique ou politique majeur.
Pour Kobsidthi Silpachai, économiste chez Kasikorn Bank, la Thaïlande est malgré tout dans une meilleure situation aujourd'hui qu'en 1997, et l'impact d'une possible bulle devrait ainsi être limité. "Cela affecterait certainement les industries liées à l'immobilier comme l'acier et le ciment. Mais cela n'affectera pas d'autres secteurs".
En attendant, sur les forums, les Thaïlandais sont partagés sur le design pixellisé en spirale du MahaNakorn, réalisé par l'architecte allemand Ole Scheeren, célèbre pour le siège de la télévision centrale chinoise à Pékin. Malgré tout, Sorapoj espère que sa tour, bien loin du record de hauteur de la Burj Khalifa qui culmine à 828 mètres à Dubaï, ouvrira une nouvelle ère pour les ambitions architecturales de la capitale. "Nous n'avons pas seulement des temples, mais les gens ne se rendent jamais compte que Bangkok est aussi développée".
AFP/VNA/CVN