Notation : les États-Unis sanctionnés, la zone euro engluée

En pleine tempête sur les marchés financiers, les États-Unis ont vu la note de leur dette abaissée par l'agence de notation Standard and Poor's, une sanction inédite qui risque d'attiser encore plus les craintes d'une nouvelle crise économique mondiale.

En première ligne, les dirigeants européens et américains sont sur le pont pour tenter de calmer la panique des marchés, inquiets du ralentissement de la croissance mondiale et d'une propagation de la crise de la dette en zone euro.

La présidence française du G7 et les autres pays membres du groupe sont restés muets dans la nuit de le 6 août à hier sur une conférence téléphonique des ministres des Finances et de leurs conseillers, annoncée auparavant pour 22h00 GMT par des sources du ministère italien citées par l'agence ANSA.

Le G7 rassemble les États-Unis l'Allemagne, le Japon, la France, le Canada, l'Italie et la Grande-Bretagne. Ces pays pourraient envisager une action coordonnée, en faisant par exemple appel à leur banque centrale pour calmer les marchés.

Le président français Nicolas Sarkozy s'était auparavant entretenu le 6 août au soir au téléphone avec le Premier ministre britannique David Cameron, selon l'Élysée. Les deux hommes "sont tous deux tombés d'accord sur l'importance d'œuvrer ensemble, de surveiller de près la situation et de rester en contact dans les prochains jours", a déclaré à Londres un porte-parole de Downing Street.

Le ministre britannique des Finances, George Osborne, et la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, se sont eux aussi entretenus "de la situation économique internationale et de son suivi", et ont souligné "l'importance pour les pays de prendre des décisions pour construire la confiance", selon un porte-parole du ministère britannique.

La soirée de le 5 août avait déjà donné lieu à une série d'échanges entre les dirigeants français et britannique, le président américain Barack Obama, la chancelière allemande Angela Merkel, le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi et son homologue espagnol José Luis Rodriguez Zapatero.

M. Berlusconi avait avancé qu'une réunion du G7 Finances serait anticipée "dans les prochains jours", avant un possible sommet du G8 en cas d'accord.

Standard & Poor's (SP) a retiré le 5 août aux États-Unis la prestigieuse note "AAA", dont jouissent les émetteurs d'obligations les plus fiables. Évoquant "des risques politiques" liés à l'énorme dette publique américaine, SP a abaissé la note du pays d'un cran à "AA+".

Cette sanction sévère et inédite infligée à la première économie mondiale risque d'embraser davantage des marchés affolés par l'incapacité des dirigeants à trouver une riposte commune à la crise."Dans le contexte de crise actuelle, c'est ajouter une bûche supplémentaire dans le feu qui est en train de prendre", a prévenu l'économiste Elie Cohen.

L'administration Obama a dénoncé la décision de S&P en affirmant qu'elle était "entachée d'une erreur de 2.000 milliards de dollars", selon un porte-parole du département du Trésor.

Les répercussions de la perte du sceau d'excellence par la première économie mondiale, encore difficiles à évaluer, seront guettées de près à la réouverture le 8 août des marchés financiers.

La Chine fustige les États-Unis

Les créanciers des États-Unis ont réagi de façon mesurée, à l'exception du premier d'entre eux, la Chine, qui a exhorté Washington à cesser de vivre au-dessus de ses moyens.

Pékin, qui détenait en mai quelque 1.160 milliards de dollars de bons du Trésor américains, a estimé avoir "désormais tous les droits d'exiger des États-Unis qu'ils s'attaquent à leur problème structurel de dette". "Les jours où l'oncle Sam (...) pouvait facilement dilapider des quantités infinies d'emprunts de l'étranger semblent comptés", a commenté l'agence officielle Chine Nouvelle.

Le Japon, deuxième créancier de Washington, va maintenir sa "confiance envers les bons du Trésor américain", a assuré un responsable gouvernemental.

Paris conserve "une totale confiance dans la solidité de l'économie américaine et ses fondamentaux", a assuré le ministre français de l'Économie, François Baroin.

Le ministre britannique du Commerce, Vince Cable, a jugé "complètement prévisible" la dégradation de la note, après la bataille au Congrès américain, avant d'ajouter que "la situation des États-Unis est assez solide". "Ces gens ne sont certainement pas en position d'émettre un jugement", a brocardé à propos de Standard and Poor's le prix Nobel d'économie Paul Krugman, rappelant les "AAA" distribués par l'agence et ses concurrentes aux produits "toxiques" à l'origine du krach mondial de l'automne 2008.

L'abaissement de la note des États-Unis a été annoncé alors que les marchés étaient fermés pour le week-end après une semaine noire qui a vu les principaux indices boursiers de la planète plonger : -13% en une semaine à Francfort, -11% à Paris, -10% à Londres. À Wall Street, l'indice Dow Jones a cédé 5,75%, signant sa pire semaine depuis mars 2009.

Sur le marché de la dette, la prime que doivent payer l'Italie et l'Espagne a atteint des records. Dos au mur, M. Berlusconi a annoncé le 5 août l'accélération des mesures d'austérité "dans le but d'arriver à l'équilibre budgétaire" dès 2013, et non plus 2014. En contrepartie de cet engagement, la Banque centrale européenne (BCE) est d'accord pour commencer à acheter des obligations d'État italiennes à partir du 8 août, a affirmé le ministre italien des réformes institutionnelles Umberto Bossi.

Ces annonces visent à rassurer des marchés inquiets de ne pas voir appliquées au plus vite les décisions prises par la zone euro lors de son sommet du 21 juillet.

Autre inquiétude, les dissonances au sein de l'Union monétaire. Le ministre allemand de l'Économie, Philipp Rösler, s'est montré le 6 août sceptique quant à la demande du président de la Commission européenne José Manuel Barroso de réévaluer les capacités du Fonds européen de soutien. "Rouvrir le débat juste deux semaines après le sommet ne paraît pas la solution appropriée pour calmer les marchés", a-t-il prévenu.

AFP/VNA/CVN

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