>> Le métier d’infirmier est un sacerdoce qui anoblit
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| Le Vietnam compte actuellement environ 140.000 à 150.000 infirmières, soit environ 14 à 15 pour 10.000 habitants. |
| Photo : LD/CVN |
Comment évaluez-vous la situation actuelle des effectifs infirmiers dans le système de santé national ? Comment le Vietnam se compare-t-il aux autres pays de la région ?
Les infirmières jouent un rôle crucial dans le système de santé vietnamien. Cependant, le pays fait actuellement face à une pénurie de personnel infirmier, tant en nombre qu’en structure professionnelle et en qualifications, par rapport aux besoins réels et aux normes régionales et internationales.
Le Vietnam compte actuellement environ 140.000 à 150.000 infirmières, soit environ 14 à 15 infirmières pour 10.000 habitants, un des taux les plus bas de l’ASEAN. À titre de comparaison, la Thaïlande compte environ 20 à 25 infirmières pour 10.000 habitants, la Malaisie 30 à 35, Singapour plus de 70 et les pays de l’OCDE en moyenne entre 80 et 120 infirmières pour 10.000 habitants.
Cet écart considérable doit être réduit dans les années à venir. La résolution n° 20 du Parti a fixé des objectifs clairs : le Vietnam doit atteindre 25 infirmières pour 10.000 habitants d’ici 2025 et 33 pour 10.000 d’ici 2030. Ces objectifs constituent des bases essentielles pour l’élaboration de plans de recrutement, de formation et d’affectation des effectifs, en adéquation avec les besoins de développement du secteur de la santé.
En matière de qualifications, le personnel infirmier vietnamien évolue vers des normes plus élevées. Actuellement, les infirmières titulaires d’un diplôme d’études collégiales représentent près de 50% du total, les diplômées universitaires environ 38 à 40%, tandis que celles possédant un diplôme de troisième cycle restent très peu nombreuses, inférieures à 2%.
Dans les pays développés, la plupart des infirmières sont titulaires d’au moins une licence. En Australie, près de 23% des infirmières possèdent un diplôme de troisième cycle ; aux États-Unis, environ 20%. Plusieurs pays de l’ASEAN, dont la Thaïlande, la Malaisie et les Philippines, disposent déjà de systèmes performants de formation infirmière avancée et spécialisée.
Cela montre que le Vietnam doit accélérer ses efforts de normalisation des qualifications, notamment dans le domaine de la formation post-universitaire et spécialisée.
Le personnel infirmier actuel répond-il aux besoins du système de santé vietnamien ? Est-ce la raison pour laquelle les infirmières au Vietnam sont souvent surchargées de travail ?
En réalité, la pénurie d’infirmières est présente à tous les niveaux de soins, notamment dans les hôpitaux centraux et les unités de soins intensifs (USI), où les patients nécessitent une surveillance continue et spécialisée.
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| Vuong Anh Duong, directeur adjoint du Département de l’administration des services médicaux du ministère de la Santé. |
| Photo : BCP/CVN |
Une enquête récente du Département de l’administration des services médicaux a révélé qu’en moyenne, une infirmière en USI au Vietnam prend en charge trois à quatre patients par poste.
À titre de comparaison, dans de nombreux pays développés comme les États-Unis, l’Australie ou les pays européens, le ratio est généralement d’une infirmière pour un ou deux patients, selon la gravité de leur état. Ce ratio plus faible permet aux infirmières de surveiller les patients de plus près, de leur prodiguer des soins complets et de prévenir les incidents médicaux.
Dans les hôpitaux de niveau inférieur, en raison du manque de personnel infirmier, les soins de base tels que l’aide à l’hygiène, l’alimentation et les changements de position pour prévenir les escarres sont souvent assurés par les proches des patients. Cela a un impact direct sur la qualité des soins et augmente le risque d’infections nosocomiales.
Parallèlement, les infirmières sont souvent surchargées de travail, effectuant de longs horaires sous forte pression, tandis que leurs revenus et leurs conditions de travail restent insuffisants. Ce stress prolongé conduit inévitablement à la fatigue et à l’épuisement professionnel.
Globalement, le personnel infirmier vietnamien se développe, mais reste en deçà des exigences d’un système de santé moderne et intégré à l’échelle internationale. Grâce à un cadre juridique désormais plus complet et aux objectifs clairs énoncés dans la résolution N°20, on s’attend à ce que le personnel infirmier soit renforcé tant en quantité qu’en qualité, contribuant ainsi à améliorer la prise en charge des patients et à accroître la compétitivité du système de santé vietnamien aux niveaux régional et mondial.
Qu’a fait le système de formation infirmière pour améliorer la quantité et la qualité des infirmières ?
Le système de formation infirmière vietnamien est relativement diversifié, couvrant tous les niveaux, du cycle intermédiaire au cycle supérieur, en passant par l’université et la formation post-universitaire.
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| Le Vietnam a besoin de plus d'infirmières pour répondre aux besoins croissants en matière de soins de santé. |
| Photo : CAFEF/CVN |
Plus de 100 établissements à travers le pays proposent actuellement des programmes de formation infirmière. De nombreuses écoles ont proactivement réformé leurs programmes afin de les aligner sur les normes de compétences de l’ASEAN et de s’orienter vers une intégration internationale.
Ces dernières années, la formation infirmière a réalisé des progrès significatifs. Le nombre d’infirmières poursuivant des études supérieures a progressé de façon constante, notamment celles qui font la transition entre le BTS et l’université, puis entre l’université et les études de troisième cycle.
Cependant, des défis persistent. La qualité de la formation reste inégale d’un établissement à l’autre, les conditions de stage clinique dans certaines écoles sont insuffisantes et l’adéquation entre la formation et les besoins réels en personnel hospitalier demeure limitée.
En résumé, le système de formation infirmière vietnamien est en pleine mutation. Un investissement continu et coordonné est néanmoins indispensable pour garantir à la fois le nombre et la qualité du personnel infirmier, afin de répondre aux besoins croissants du secteur de la santé et aux attentes grandissantes de la population en matière de soins médicaux.
La pénurie d’infirmières a entraîné des lacunes dans le suivi des patients et la prise en charge globale. Pensez-vous que cela soit l’une des causes des récents conflits entre le personnel soignant et les patients ou leurs familles ?
La pénurie d’infirmières est un problème grave, non seulement au Vietnam, mais aussi à l’échelle mondiale. En cas de sous-effectif, les patients ne peuvent bénéficier de soins continus et complets. Leurs besoins fondamentaux, tels que l’hygiène, la nutrition, la prévention des escarres et la réadaptation, risquent de ne pas être pleinement satisfaits.
Cependant, ce n’est pas la principale cause des récents conflits entre le personnel médical et les patients ou leurs familles.
Les conflits dans les établissements de santé sont multifactoriels et proviennent de toutes les parties. Personne ne souhaite de tels incidents. Le personnel soignant et les patients partagent le même objectif ultime : rétablir la santé du patient et sauver des vies.
C’est pourquoi toutes les parties doivent rester calmes, coopératives et compréhensives, et œuvrer ensemble à cet objectif commun.
Quelles solutions fondamentales les organismes de gestion étatiques devraient-ils adopter pour améliorer à la fois la quantité et la qualité du personnel infirmier ? Quelles politiques et quels mécanismes doivent être modifiés pour favoriser un meilleur développement des ressources humaines dans ce domaine ?
Le Vietnam doit mettre en œuvre un ensemble de solutions globales et à long terme, avec la participation active des ministères, des différents secteurs et des collectivités locales.
Premièrement, en matière de ressources humaines, il est essentiel de définir clairement le champ d’application et la nature spécifique du travail infirmier afin d’établir des normes d’effectifs et des postes adaptés. Ceci permettra de renforcer le recrutement et d’assurer une répartition adéquate du personnel infirmier dans les établissements de santé.
La priorité doit être donnée à la mise à disposition d’un personnel infirmier suffisant dans les services critiques tels que les soins intensifs, les urgences, la néonatalogie et la gériatrie, en s’orientant vers un modèle de prise en charge globale du patient, sans dépendre du soutien des familles.
Parallèlement, les normes de formation doivent continuer d’être rehaussées et la formation spécialisée développée. Les infirmiers doivent être encouragés à poursuivre des études supérieures grâce à des programmes passerelles entre les formations collégiales, universitaires et de troisième cycle, ainsi qu’à une plus grande importance accordée à la formation infirmière avancée et spécialisée.
Deuxièmement, en ce qui concerne les compétences professionnelles et de gestion, les compétences en leadership et en administration des soins infirmiers doivent être renforcées à tous les niveaux. Il est également important de renforcer la formation en communication, en compétences relationnelles et en déontologie, tout en promouvant l’utilisation des technologies dans les soins aux patients.
Le ministère de la Santé élargit progressivement le champ de compétences des infirmières en vertu de la loi de 2023 relative aux examens et traitements médicaux, créant ainsi un cadre juridique plus clair qui leur permet de jouer un rôle plus actif dans la mise en œuvre des prescriptions de soins et d’exercer pleinement leur expertise professionnelle.
Troisièmement, les politiques et les conditions de travail demeurent des facteurs clés pour fidéliser et motiver les infirmières. Les grilles salariales, les primes et les avantages sociaux devraient être améliorés afin de mieux répondre aux exigences spécifiques de la profession.
En outre, il est essentiel d’investir dans des environnements de travail sûrs et sains, notamment dans les services à forte pression et les zones reculées ou défavorisées. Garantir le bien-être matériel et mental des infirmières contribuera à leur sentiment de sécurité et à leur engagement à long terme.
VNA/CVN



