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Symbole de protection, de sagesse et de transformation, le Naga demeure une figure centrale de la mythologie bouddhique. |
Photo : CTV/CVN |
La divinité serpentaire s’est érigée en gardienne sacrée au cœur des légendes bouddhiques. Enroulé dans les méandres de la mythologie, le serpent trône comme l’une des figures les plus emblématiques. Ses écailles, miroirs célestes, reflètent la lumière de l’éveil. Naga, gardien vigilant, veille sur les lieux saints, son regard impénétrable scrutant les profondeurs de l’âme. Ses multiples têtes, semblables à des couronnes royales, évoquent sa puissance et sa sagesse.
D’un symbole dans le bouddhisme…
Du Vietnam aux confins de l’Asie, le Naga, sous ses multiples formes, continue d’inspirer artistes et croyants. Symbole de protection, de sagesse et de transformation, il demeure une figure centrale de la mythologie bouddhique, un lien indélébile entre le monde terrestre et le monde divin. Lorsque Bouddha, plongé dans une méditation profonde, fut assailli par une tempête, le Naga Muchalinda émergea des eaux, tel un protecteur bienveillant. S’enroulant sept fois autour de l’Éveillé, il le souleva, ses sept têtes, formant un parasol protecteur contre les éléments déchaînés. Depuis lors, Muchalinda est vénéré comme le gardien de la Loi, un bouclier contre les tourments du monde.
Dans les temples du Theravada, les Naga, aux corps écailleux et aux regards pénétrants, ornent les murs et les colonnes. Leurs figures sinueuses, empreintes d’une force tranquille, semblent jaillir des profondeurs de la terre, apportant une touche de mystère et de sacralité aux lieux de culte.
L’image du dieu-serpent Naga dans l’architecture khmère, est une véritable ode à la diversité. Des toits qu’il serpente avec élégance aux portes qu’il encadre de ses courbes, en passant par les balustrades sur les quelles il ondule, le Naga se décline en une multitude de formes. Au-delà de sa dimension esthétique, le Naga joue un rôle fondamental dans l’architecture khmère. Il est souvent représenté aux entrées des temples, protégeant ainsi les lieux sacrés et marquant la frontière entre le monde profane et le monde divin.
Son omniprésence protectrice, confère aux temples khmers une dimension à la fois mystique et esthétique. Le Naga peut être représenté avec une ou plusieurs têtes (souvent en nombre impair comme trois, sept, ou neuf). Dans ces représentations, la tête centrale est généralement plus grande et surélevée, tandis que les autres, plus petites, sont situées à des niveaux inférieurs. Les têtes multiples sont souvent couronnées, créant une composition tripartite.
Dans l’architecture des anciennes pagodes Cham, la représentation du serpent est également récurrente. Les tours de Duong Long, l’un des rares édifices Cham encore existants, en témoignent : des serpents sont sculptés avec un grand soin et une grande finesse, depuis les fondations jusqu’aux fenêtres et aux frises des étages supérieurs, dans des tailles et des compositions variées.
Les fouilles archéologiques menées en 2006 sur ce site ont révélé une abondance de sculptures représentant des serpents, témoignant d’un culte profond de ce reptile dans la société Cham.
... à une image controversée
La représentation du serpent est également récurrente dans l’architecture des anciennes pagodes Cham. |
Photo : CTV/CVN |
Selon Phan Anh Tu, maître de conférences à l’Université nationale de Hô Chi Minh-Ville, le serpent Naga, véritable pont entre le monde terrestre et le divin, occupe une place centrale dans la cosmologie des anciennes pagodes. Ses représentations multiples, souvent en forme d’arc-en-ciel, symbolisent le chemin initiatique menant au Nirvana. Le Naga à plusieurs têtes incarne la puissance créatrice et destructrice, régissant les cycles de la vie et de la mort. En tant qu’axe cosmique, le Naga relie les trois mondes : le ciel, la terre et les enfers. Son corps ondulant, souvent associé à l’eau, symbolise la fluidité et l’impermanance de l’existence.
C’est en raison de l’influence considérable, directe ou indirecte, du serpent dans le bouddhisme que cet animal est à la fois respecté et craint dans la vie quotidienne. De nombreuses légendes et rumeurs ont été tissées autour de lui, alimentant la curiosité du public. La presse, et même les scientifiques, ont consacré de nombreux articles à tenter d’expliquer les phénomènes mystérieux liés à ces histoires populaires.
Au-delà de son rôle dans les religions, le serpent est un symbole universel, chargé de significations multiples et parfois contradictoires. Sa capacité à muer le rend un emblème de la transformation et de la renaissance, tandis que sa forme allongée et sinueuse en fait un symbole phallique, associé à la sexualité et à la fertilité. Dans de nombreuses cultures, le serpent est également perçu comme un gardien des secrets de la nature, un guide spirituel capable d’initier les humains aux mystères de l’univers.
Sur le plan psychologique, environ un tiers de la population mondiale souffrirait de la peur des serpents. Ce phénomène étrange, bien que répandu, n’a pas encore trouvé d’explication scientifique définitive. Certaines théories évoquent une origine évolutive, liée à la nécessité pour nos ancêtres de se méfier de ces reptiles venimeux. D’autres soulignent l’influence des cultures et des mythes qui, depuis des millénaires, associent le serpent à des forces obscures et à des tentations.
Ce qui est particulier, c’est que les récits fascinants sur les serpents divins se produisent principalement dans des régions où le serpent n’est pas un symbole religieux spécifique. Pour l’école bouddhiste Theravâda, le serpent est un symbole religieux et on croit en sa capacité à protéger la vie plutôt qu’on ne l’associe au mal et au mystère. Cela a été largement confirmé dans les réalisations architecturales des Khmers et des Chams.
Cependant, cette vision positive du serpent n’est pas universelle. Les représentations et les significations attribuées à ce reptile varient considérablement d’une culture à l’autre, reflétant les croyances, les mythes et les valeurs propres à chaque société. Dans certaines régions, le serpent est associé à la tentation, au mal et à la mort, tandis que dans d’autres, il est vénéré comme un être divin, protecteur et guérisseur.
Cette diversité s’explique par le fait que le serpent est un symbole ambivalent, chargé de significations multiples et parfois contradictoires. Il incarne à la fois la vie et la mort, la connaissance et l’ignorance, la fertilité et la destruction. Ces représentations complexes sont le fruit d’une longue histoire d’interactions entre l’homme et la nature, où le serpent a souvent joué le rôle de médiateur entre les mondes visible et invisible.
Huong Linh/CVN