Trente ans de l’adhésion du pays à l’ASEAN
La trajectoire remarquable de l’agriculture vietnamienne

D’une agriculture de subsistance à une puissance exportatrice, le Vietnam a réalisé une véritable percée grâce à des politiques réformatrices audacieuses, à l’engagement des agriculteurs et à l’adaptation constante aux exigences du marché mondial. Retour sur un parcours exemplaire à l’occasion des 30 ans de l’adhésion du pays à l’ASEAN.

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D'un pays marqué par le statut de colonie en proie aux famines et incapable de subvenir aux besoins alimentaires de sa population, le Vietnam est aujourd’hui devenu l’un des plus grands exportateurs de produits agricoles au monde. Le pays joue un rôle de plus en plus important dans les chaînes d’approvisionnement alimentaire mondiales.


Une époque de pénurie alimentaire

En 1945, plus de deux millions de Vietnamiens ont péri de faim en raison des politiques inhumaines imposées par le régime colonial et fasciste, aggravées par une agriculture arriérée à faible rendement. Après la Révolution d’Août de la même année, la priorité absolue du nouveau gouvernement a été d’assurer la sécurité alimentaire pour sauver la population de la famine.

Durant trois décennies de luttes pour la libération nationale, l’agriculture vietnamienne a su remplir avec brio sa double mission : nourrir la population et approvisionner le front. Après la réunification en 1975, le pays a continué de faire face à d’immenses difficultés économiques, conséquence directe de la guerre et de l’embargo imposé de l’extérieur.

Selon les données du Département des statistiques relevant du ministère des Finances, entre 1976 et 1980, la production annuelle moyenne de riz du pays ne dépassait pas 13 à 14 millions de tonnes. En 1978, elle a même chuté à 9,79 millions de tonnes - un record historiquement bas - obligeant le Vietnam à importer près de 1,6 million de tonnes de riz cette année-là.

Pour de nombreux Vietnamiens, la période des années 1970-1980 reste marquée par les repas de riz mélangé avec du manioc ou de la patate douce, un souvenir indélébile. "Chaque grain de riz, de maïs ou chaque tubercule représentait alors non seulement la sueur et les larmes, mais aussi la vie elle-même et l’aspiration vitale du paysan", se souvient Nguyễn Hữu Quân, ancien vice-secrétaire du comité du Parti et président du Comité populaire du bourg de Kim Long, district de Tam Dương, province de Vĩnh Phúc (aujourd’hui commune de Tam Duong, province de Phu Tho).

Des femmes plantent du riz en 1970 à Ninh Binh (Nord).
Photo : VNA/CVN

Un tournant décisif grâce au Renouveau

Lors du VIe Congrès national du Parti en 1986, l’agriculture a été définie comme le front prioritaire du développement. Une série de politiques ont été mises en œuvre dès la sortie du congrès, marquant le début de la période de Renouveau (Dôi moi). En particulier, la Résolution N°10-NQ/TW du Bureau politique, datée du 5 avril 1988, a constitué un tournant majeur : elle a introduit l’allocation des terres agricoles aux foyers, accordant aux paysans l’autonomie dans la production et les affaires sur les terres qui leur étaient confiées pour une longue durée.

Cette politique a été considérée comme une étape essentielle du Renouveau, redonnant la maîtrise de leur travail aux agriculteurs et insufflant un puissant moteur au développement agricole du Vietnam. Grâce à cette réforme, la production rizicole a connu une croissance rapide, passant de 15,1 millions de tonnes en 1987 à 32,55 millions de tonnes en 2000.

Fait marquant, en novembre 1989, le Vietnam a commencé à exporter du riz : en seulement deux mois, 1,7 million de tonnes ont été expédiées, soit l’équivalent de 3,4 millions de tonnes de paddy. Cet événement a ouvert une nouvelle ère pour le secteur rizicole et pour l’agriculture nationale. Pour la première fois depuis des décennies, le pays passait du statut d'importateur à celui d’exportateur de denrées alimentaires.

Selon le Dr. Dang Kim Son, ancien directeur de l’Institut des politiques et stratégies de développement agricole et rural, "le Vietnam, qui importait autrefois des millions de tonnes de denrées alimentaires, est devenu un pays exportateur. Ce fut véritablement un miracle. Aujourd’hui encore, l’agriculture, les agriculteurs et les zones rurales constituent le socle nous permettant de faire face aux défis contemporains".

La Coopérative agricole Xuân Thiên à Ninh Binh cultive du riz de haute qualité sur plus de 230 ha, où toutes les étapes de la production sont désormais industrialisées.
Photo : VNA/CVN

Science, technologie et aspiration à l’intégration

La révolution dans l’application des sciences et technologies, accompagnée de réformes institutionnelles, a marqué un tournant décisif dans l’agriculture vietnamienne, notamment dans la filière rizicole. D’une production autrefois fondée sur l’expérience empirique, le travail manuel et la dépendance aux aléas climatiques, le secteur rizicole s’est profondément transformé vers un modèle moderne, durable et à forte valeur ajoutée.

Selon un rapport du ministère de l’Agriculture et de l’Environnement, jusqu’en 2025, le Vietnam a sélectionné, créé et mis en production plus de 1.600 variétés de riz nouvelles, présentant des rendements élevés, une qualité améliorée et une meilleure résistance aux conditions adverses. Ainsi, le rendement moyen national atteint entre 6,7 et 7,2 tonnes par hectare, contribuant à faire du Vietnam l’un des premiers exportateurs mondiaux de riz. Outre l’augmentation des volumes, la qualité du riz vietnamien s’est spectaculairement améliorée grâce à l’émergence de variétés haut de gamme telles que ST24 et ST25, reconnues parmi les meilleures du monde.

L’un des progrès majeurs réside dans la mécanisation croissante de la production rizicole. Toujours selon le ministère, d’ici 2025, le taux de mécanisation dans la préparation des sols dépasse 97%, et atteint plus de 70% dans la récolte. L’introduction d’équipements modernes réduit la pénibilité du travail, raccourcit les cycles de production, améliore l’efficacité économique et limite les pertes post-récolte.

Parallèlement, les techniques avancées comme le Système de riziculture intensive (SRI), la lutte intégrée contre les nuisibles (IPM), les productions certifiées VietGAP, GlobalGAP ou les modèles agricoles biologiques sont largement appliqués, créant des rizières propres, sûres et respectueuses de l’environnement. L’agriculture de haute technologie ne se limite plus à la production mais développe un écosystème intégré allant de la culture à la transformation et à la commercialisation.

Selon le Professeur associé - Docteur Nguyên Dô Anh Tuân, directeur du Département de la coopération internationale au sein du ministère de l’Agriculture et de l’Environnement : "C’est la combinaison entre l’innovation technologique et la réforme institutionnelle qui sert de levier pour une percée de l’agriculture vietnamienne, lui permettant non seulement d’assurer la sécurité alimentaire nationale mais aussi de participer aux chaînes d’approvisionnement mondiales avec des produits de qualité et de marque".

Fort de ces acquis, le Vietnam s’oriente vers le développement d’une agriculture écologique, d’une campagne moderne et d’une paysannerie civilisée, conformément à l’esprit de la Résolution N°7 du Comité central du Parti (Xe mandat) sur l’agriculture, les paysans et les zones rurales. La résolution établit une politique globale, allant des infrastructures rurales à la formation des ressources humaines. Dans cette lignée, le Programme cible national de construction de la Nouvelle ruralité a transformé en profondeur plus de 70% des communes du pays. En juin 2025, on comptait 6.070 communes ayant atteint les critères de la Nouvelle ruralité, dont plus de 1.200 aux niveaux avancé et exemplaire.

En particulier, le programme "Chaque commune son produit" (OCOP) a permis de développer plus de 8.400 produits, dont 65% ont obtenu un classement de trois étoiles ou plus, avec des exportations vers les États-Unis, le Japon et la République de Corée. Les nouveaux modèles de coopératives et de groupements de production se développent fortement, aidant les agriculteurs à s’organiser en chaînes de valeur.

Selon le Professeur titulaire, Docteur, et Enseignant du Peuple, Trân Duc Viên, ancien directeur de l’Académie d’agriculture du Vietnam : "Les politiques récentes en faveur de l’agriculture, des paysans et des zones rurales ont marqué une évolution de la pensée, passant d’un agriculteur simple producteur à un agriculteur pleinement maître de son produit et de son marché. C’est également une opportunité pour faire émerger une nouvelle génération de paysans intelligents et connectés".

Après la libération du Sud et la réunification nationale, le Vietnam a fait face à d’innombrables difficultés.
Photo : VNA/CVN

Maintenir le statut de puissance agricole

Selon le ministère de l’Agriculture et de l’Environnement, depuis 2010, le Vietnam exporte en moyenne entre 6 et 7 millions de tonnes de riz par an. En 2023, les exportations ont atteint près de 8,3 millions de tonnes pour une valeur de plus de 4,78 milliards de dollars. Rien qu’au cours du premier semestre 2025, le secteur agricole dans son ensemble a enregistré un chiffre d’affaires à l’exportation de 33,84 milliards de dollars, en hausse de 15,5%, avec un excédent commercial de 9,83 milliards de dollars (+16,5% par rapport à la même période de 2024). Pour cette année, l’agriculture vietnamienne vise un chiffre d’affaires record de 70 milliards de dollars à l’exportation, dont 4,9 millions de tonnes de riz représentant 2,54 milliards de dollars.

Actuellement, le Vietnam est le premier exportateur mondial de noix de cajou, le deuxième pour le riz et le café, le troisième pour les fruits et légumes, et le quatrième pour les produits aquatiques. De nombreux produits phares ont réussi à pénétrer des marchés exigeants comme l’Union européenne, le Japon, la République de Corée et les États-Unis. En plus des volumes exportés, le pays opère une transition vers des produits de qualité supérieure : riz ST25, café de spécialité, crevettes biologiques, fruits transformés à haute valeur ajoutée… Selon le Docteur Nguyễn Đỗ Anh Tuấn, le Vietnam ne fournit plus seulement des produits, mais des valeurs vertes, durables, traçables, associées à des engagements en matière de responsabilité sociétale mondiale.

Cependant, l’agriculture vietnamienne fait face à de nombreux défis : changement climatique, manque de main-d’œuvre jeune, concurrence accrue sur les prix, exigences croissantes en matière de qualité et de traçabilité. Le secteur est pleinement conscient que la science, la technologie et la transformation numérique sont la seule voie possible. C’est dans cet esprit qu’a été adoptée la Stratégie de développement durable de l’agriculture et des zones rurales pour la période 2021-2030, avec une vision jusqu’en 2050. Cette stratégie vise à bâtir une agriculture écologique, circulaire et intelligente, avec une croissance moyenne de 2,5 à 3% par an ; des exportations agricoles, sylvicoles et aquacoles atteignant 60 à 70 milliards de dollars d’ici 2030 ; 70% des produits agricoles traçables ; et 50% des communes répondant aux normes avancées du programme de Nouvelle ruralité.

Lê Minh Hoan, membre du Comité central du Parti et actuel vice-président de l’Assemblée nationale, avait affirmé lorsqu’il était ministre de l’Agriculture et du Développement rural : "L’agriculture vietnamienne ne se résume pas à la sécurité alimentaire, elle est aussi une affaire de culture, d’écologie et de valeurs humaines".  L’essor spectaculaire de l’agriculture vietnamienne a été bâti sur la sueur, la volonté et l’intelligence des agriculteurs, des scientifiques et de l’ensemble du système politique. On peut croire qu’à l’avenir, l’agriculture continuera d’être un pilier de la croissance durable du pays.

Le modèle d’organisation de l'administration locale à deux niveaux, expérimenté dans plusieurs provinces depuis le 1er juillet, est en pleine phase d’ajustement. Sous l'impulsion directe du Premier ministre Pham Minh Chinh, le gouvernement multiplie les interventions pour lever les obstacles techniques, humains et institutionnels, tout en plaçant le citoyen au centre du processus de réforme.

VNA/CVN

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