>> Un réalisateur français retrouve sa famille biologique au Vietnam
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La famille de Florence Cavalier s’est réunie lors de Noël dernier. |
Photo : NVCC/CVN |
Cet été, à l’occasion de son 80e voyage au Vietnam, Florence Cavalier s’est vue décerner l’Ordre de l’amitié par l’État vietnamien, en reconnaissance de ses contributions inlassables aux projets charitables sur l’ensemble du pays. Cette distinction honorifique lui a été remise à l’occasion de la Fête nationale vietnamienne (2 septembre).
"C’est un très grand honneur pour moi. Cette distinction n’est pas seulement personnelle, elle symbolise également l’amitié fidèle entre nos deux peuples, vietnamien et français, et l’engagement de mon équipe, des étudiants qui accompagnent nos projets et des donateurs qui nous font confiance. Je la dédie donc aux enfants et aux familles que nous aidons", partage-t-elle.
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Florence Cavalier a réalisé des centaines missions humanitaires au Vietnam. |
Photo : NVCC/CVN |
Son parcours débute par une douleur intime. Souffrant d’une malformation utérine et ayant perdu plusieurs grossesses, Mme Florence était presque dans l’impossibilité de devenir mère. Avec son mari, elle a décidé d’entamer les démarches d’adoption au Vietnam, parce qu’elle garde toujours des sentiments particuliers pour ce pays.
"J’ai des amies d’enfance vietnamiennes et lao qui sont arrivées en France alors que j’étais à l’école primaire. Ces amies sont rapidement devenues mes meilleures amies, et j’ai ainsi peu à peu intégré leur culture. Mes grands-parents et arrière-grands-parents, côté paternel, avaient voyagé au Vietnam, au Japon et en Chine, et j’ai toujours été bercée par leurs récits de voyage. C’est donc très naturellement que nous nous sommes tournés vers le Vietnam, parce que ce pays est déjà connu et proche par l’histoire de notre famille", explique-t-elle.
L’amour au cœur des souffrances
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Pour Florence Cavalier, les missions au Vietnam laissent des souvenirs intenses. |
Photo : NVCC/CVN |
En 1993, le couple français - une kinésithérapeute et un expert financier - se rend dans un orphelinat de Cân Tho, dans le Sud du Vietnam. Au milieu de dizaines d’enfants victimes des séquelles de la guerre, ils choisissent d’adopter deux fillettes jumelles souffrant d’hydrocéphalie.
"C’est à la fois un bonheur et une douleur. À ce moment-là, j’ai compris que ma vie serait intimement liée au Vietnam", se souvient Mme Florence, 58 ans, originaire des Yvelines.
Pendant les deux premiers mois après l’adoption, l’Hôpital de pédiatrie N°2 de Hô Chi Minh-Ville était leur maison. Et puis : "Nous avons fait suivre nos filles jumelles, Aurélia et Marie, à l’hôpital Necker à Paris. Comme elles avaient besoin de kinésithérapie respiratoire quasiment tous les jours pendant trois ans, c’est moi qui leur faisais les séances. Mais évidemment, elles pleuraient, et ce n’était pas facile pour moi, en tant que maman, de les faire pleurer", raconte la mère française.
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Avec l'ambassadeur de France au Vietnam, Olivier Brochet, Florence Cavalier offre des cochons aux familles en situation difficile à Tuyên Quang (Nord). |
Photo : NVCC/CVN |
Son amour pour les enfants l’a poussée à entreprendre de nouveaux voyages. En 1995, le couple adopte son troisième enfant, Benoît, dans un orphelinat de Hô Chi Minh-Ville. Bien qu’il ne souffre pas de douleurs physiques, il porte en lui des blessures psychologiques profondes, avec l’obsession d’être abandonné.
Leur 4e enfant adopté, Hugo, rejoint leur famille en 1998. Né prématurément à 30 semaines, il pesait seulement 1,2 kg à la naissance. "Il est resté deux mois et demi en néonatologie à l’hôpital Tu Du à Hô Chi Minh-Ville. Je ne travaillais plus pour me consacrer à ses séances de motricité et de kiné respiratoire", partage la kinésithérapeute. Hugo a marché à deux ans seulement. Il a également été aidé pendant une douzaine d’années en orthophonie.
"Je pense que la majorité des enfants adoptés souffrent de blessures d’abandon. Il faut les panser grâce à des professionnels", affirme-t-elle. Sa famille est mise à rude épreuve pendant les années de crise et d’adolescence de ses enfants. L’adoption - ou plutôt l’abandon - "est un facteur important de cette crise", ainsi que parfois le racisme dont peuvent souffrir ses enfants. Pourtant, "nous n’avons cependant jamais baissé les bras."
Après l’adoption de quatre enfants vietnamiens, en 2003, Florence est tombée enceinte et a donné naissance à la petite Héloïse.
Des missions de charité
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Une fille parrainée à Kon Tum (Quang Ngai aujourd'hui) présente ses premiers vêtements après avoir suivi un cours de couture. |
Photo : NVCC/CVN |
Bien occupée avec sa petite famille, la mère de cinq enfants garde toujours une grande compassion pour les enfants en difficulté au Vietnam. En 2007, avec quelques familles ayant adopté des enfants vietnamiens, elle crée l’ONG, Enfance Partenariat Vietnam (EPV).
Le but initial était de mener des projets de santé, avec la réhabilitation d’orphelinats ou des soins de santé destinés aux enfants handicapés ou malades. "Puis les projets de notre ONG se sont étendus à des projets de développement et d’éducation, pour les enfants qui grandissaient dans les orphelinats, ainsi que pour les enfants et familles en dessous du seuil de pauvreté dans des villages isolés", explique Mme Florence.
Les projets de cette ONG bénéficient du soutien de professionnels : des orthophonistes pour les enfants autistes, des vétérinaires pour des formations en biosécurité ou en élevage, et des étudiants en médecine pour des actions de prévention santé et l’achat de lunettes de vue.
Chaque année, environ 25 projets dans 9 régions vietnamiennes sont menés, bénéficiant à des centaines de familles.
Les missions au Vietnam lui laissent des souvenirs intenses. Elle n’oubliera jamais la joie des familles H’mông qui ont obtenu de l’électricité dans leur maison grâce aux pico-turbines : "Leur vie a été transformée et les femmes étaient si heureuses de pouvoir continuer à coudre la nuit tombée", se réjouit la philanthrope.
Elle garde également en mémoire la fierté ressentie lorsque les enfants parrainés annoncent de bons résultats scolaires. Ce mois-ci, Mme Florence a reçu la nouvelle que la petite Giang, de l’orphelinat de Bac Giang (Bac Ninh aujourd'hui), a réussi l’examen d’entrée à l’université. À noter qu’elle est la première fille parrainée à obtenir ce résultat.
Son parcours au Vietnam est parfois parsemé de moments de tristesse, lorsqu’elle voit la pauvreté extrême des familles ou le handicap des enfants… Ces destins la poussent à chercher des moyens de les aider ou d’augmenter leurs revenus. "Je suis témoin et admirative, depuis 32 ans, de la grande résilience des enfants malchanceux. C’est un bonheur de les aider à devenir autonomes et à gagner leur vie", partage la mère.
La philanthrope française raconte l’exemple de Liên, une jeune fille de l’ethnie Ba Na, qui a bénéficié du financement d’EPV pour ses cours d’anglais, ses études en boulangerie et l’achat d’une moto. Elle a enfin trouvé un emploi dans une belle pâtisserie de Hô Chi Minh-Ville.
Retour aux sources
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Héloïse accompagne sa mère dans les missions humanitaires au Vietnam. |
Photo : NVCC/CVN |
Actuellement, les cinq enfants du couple ont atteint l’âge de la majorité. Ses quatre enfants adoptés gardent encore leur prénom vietnamien. Le couple a même choisi un prénom vietnamien pour Héloïse.
"Mes enfants adoptifs sont tous fiers de leurs origines vietnamiennes, et pour moi c’est essentiel - sans pour autant les forcer. Ils sont français d’origine vietnamienne", affirme-t-elle.
"Nous avons organisé pour tous nos enfants un séjour touristique pour leur faire découvrir les beautés de leur pays d’origine, et cela avant leur adolescence", ajoute-t-elle.
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Ses enfants sont baignés dans la culture vietnamienne. |
Photo : NVCC/CVN |
Et d’ajouter que ses enfants ont donc été baignés dans la culture vietnamienne à travers les histoires racontées par ses amis vietnamiens et les séjours de leurs enfants au Vietnam. Florence dévoile également qu’ils préparent souvent des repas vietnamiens chez eux : "Nous sommes tous un rice cooker !"
Particulièrement, ses enfants l’accompagnent souvent dans ses missions au Vietnam. Ils sont prêts, comme leur mère, à se rendre dans les régions reculées pour construire des chemins, organiser des activités créatives en faveur des enfants ou participer aux missions solidaires… Pour eux, le Vietnam est une adresse de retour.
Dans l’avenir, Mme Florence exprime son souhait de poursuivre ses projets dans les domaines de la santé, de l’éducation et du développement.
"Notre souhait est que les orphelins et les familles soient autonomes et que les projets de développement tournent de village en village", conclut-elle.
Vân Anh/CVN