Course au carbone : le Vietnam ne reste pas à la traîne

Le monde s'oriente avec vigueur vers des modèles de développement sobres en émissions, faisant de l'économie bas carbone une nouvelle "règle du jeu" redessinant la structure même de la production et du commerce à l'échelle mondiale.

>> La feuille de route numérique du secteur de l’emballage vers la neutralité carbone

>> La transition verte ne réussira que si elle est équitable

>> Vers un cadre juridique pour le marché du carbone forestier au Vietnam

>> Transition énergétique : le Vietnam généralisera l'essence E10 dès 2026

En tant qu'économie ouverte et vulnérable aux chocs climatiques, le Vietnam a entamé sa transition en s'engageant dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la promotion des énergies renouvelables et la construction d'un marché du carbone domestique. Toutefois, ce processus reste confronté à de nombreux défis.

L'expression "économie bas carbone" est apparue pour la première fois dans le rapport "Our Energy Future - Creating a Low Carbon Economy" du ministère britannique du Commerce et de l'Industrie en 2003. Elle désigne une approche centrée sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre pour lutter contre le changement climatique.

Selon Brook Taylor, directeur général de VinaCapital, un pionnier de l'investissement climatique et du développement du marché des crédits carbone au Vietnam, l'engagement du Vietnam à atteindre la neutralité carbone d'ici 2050 démontre une volonté politique forte et une vision claire. Le gouvernement a déjà adopté plusieurs politiques significatives, de l'efficacité énergétique à la mise en place d'un marché du carbone. Cependant, le principal obstacle reste la mise en œuvre : le rythme est lent, les compétences et les ressources limitées, et les résultats encore peu visibles.

Brook Taylor, directeur général de VinaCapital.
Photo : ND/CVN

Le Vietnam avance plus lentement que l'Indonésie ou la Thaïlande dans la création d'un marché carbone opérationnel, même si le modèle de Singapour est perçu comme inégalitaire. D'après M. Taylor, les investisseurs et entreprises ont besoin d'une réglementation claire et de normes techniques précises pour identifier les projets "verts" éligibles à la création de crédits carbone.

Le manque de personnel qualifié est un autre goulot d'étranglement : le nombre d'experts capables de concevoir, vérifier et suivre des projets certifiés reste très limité. Pour attirer des investissements à long terme, le Vietnam doit offrir un cadre de licences et d'incitations fiscales transparent, stable et prévisible. Tous ces éléments sont cruciaux, mais l'enjeu central demeure un cadre juridique exécutable.

Le Vietnam dispose pourtant d'atouts naturels majeurs pour développer un marché du carbone robuste. 
Photo : MRE/CVN

Le pays dispose pourtant d'atouts naturels majeurs pour développer un marché du carbone robuste : plus de 14 millions d'hectares de forêts, 3.000 km de littoral, ainsi que 27 millions d'hectares de terres agricoles. Exploités avec une stratégie adéquate, ces réservoirs de carbone pourraient générer de nouvelles sources de revenus via les marchés du carbone, et attirer les capitaux des fonds climatiques mondiaux, notamment dans le cadre de l'article 6 de l'Accord de Paris.

Des règles d’exportation redéfinies

Beaucoup pensent à tort qu'une grande superficie forestière ou un long littoral suffisent pour générer des crédits carbone. En réalité, pour créer des crédits de haute qualité, les projets doivent disposer de référentiels clairs, être audités par un tiers indépendant, et respecter les standards internationaux (UNFCCC, Verra, Gold Standard).

Ce processus est long et coûteux. Par ailleurs, certaines entreprises pensent à tort que les crédits carbone ne les concernent pas. Pourtant, des mécanismes comme le CBAM de l'UE ou le programme CORSIA de l'OACI affectent directement leurs coûts de production et leur compétitivité internationale.

Les nouvelles normes bas carbone, CBAM en Europe, Inflation Reduction Act aux États-Unis, initiative CORSIA, auront un impact réel sur les exportations vietnamiennes.

Les accords bilatéraux dans le cadre de l’Accord de Paris permettent aux pays d’échanger des résultats de réduction d’émissions et de transférer des crédits carbone. Cela représente une véritable opportunité pour le Vietnam.

M. Taylor recommande aux entreprises de commencer par analyser le cadre réglementaire international relatif à leur secteur et de définir des scénarios d'adaptation. Ensuite, elles doivent effectuer un audit interne pour établir leur base d'émissions et identifier des options de réduction. Sans données fiables et stratégie proactive, elles seront rapidement dépassées.

La planification ESG et l'inventaire carbone restent très faibles au Vietnam. Cette transformation demande une synergie entre politiques publiques, formation et mobilisation du secteur privé. Les PME peuvent commencer par utiliser les ressources gratuites disponibles (UNFCCC, PRI, GRI, ISSB) pour renforcer leurs capacités, collecter progressivement des données et fixer des objectifs concrets.

Des panneaux solaires ont été installés dans plusieurs usines de la zone industrielle Deep C à Hai Phong.
Photo : VNA/CVN

La réussite de cette transition nécessite une coopération étroite, transparente et cohérente entre l'État, les entreprises et organisations. Les politiques nationales doivent être alignées sur les standards mondiaux pour assurer l'intégration et la compétitivité internationale. Dans un contexte de mondialisation verte, s'adapter collectivement, plutôt que seul, est la clé du succès.

VinaCarbon, un fond pionnier pour les crédits carbone

Fondé par VinaCapital en 2023, le fonds VinaCarbon accompagne les entreprises vietnamiennes dans leur transition bas carbone. Il s'agit de l'un des premiers fonds du pays spécialisé dans les projets générateurs de crédits carbone de haute qualité, conciliant rentabilité et impact environnemental.

Un crédit carbone correspond à une tonne de gaz à effet de serre évitée. Pour y parvenir, les entreprises et projets doivent intégrer des approches circulaires dans leur modèle économique.

Selon les experts de VinaCapital, la conception et la certification d'un projet carbone prennent plusieurs années. Attendre que le marché soit opérationnel génèrerait trop de retard.

Les investisseurs prêts à jouer un rôle moteur dès aujourd'hui contribueront non seulement à créer un marché carbone efficace au Vietnam, mais fourniront également aux entreprises locales les "passeports carbone" nécessaires pour exporter vers les marchés internationaux.

Thao Nguyên/CVN

Rédactrice en chef : Nguyễn Hồng Nga

Adresse : 79, rue Ly Thuong Kiêt, Hanoï, Vietnam

Permis de publication : 25/GP-BTTTT

Tél : (+84) 24 38 25 20 96

E-mail : courrier@vnanet.vn, courrier.cvn@gmail.com

back to top